« Les Eglises réformées romandes ont des trésors de spiritualité à faire découvrir aux alémaniques »

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

« Les Eglises réformées romandes ont des trésors de spiritualité à faire découvrir aux alémaniques »

Samuel Ramuz
14 janvier 2013
En août, il quittait sa paroisse dans la plaine de l'Orbe (VD) pour Berne. Depuis, le théologien vaudois Simon Butticaz, 32 ans, prend le pouls de la diversité du protestantisme suisse. Et s'attache à tisser des ponts entre les 26 Eglises réformées du pays. Interview.

ProtestInfo: Simon Butticaz, le département de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) qui vous emploie vise à resserrer les liens entre les Eglises. Est-ce bien raisonnable quand on sait que la FEPS compte en son sein des Eglises aussi différentes que le mammouth bernois et des Eglises microscopiques comme Obwald et ses 2800 paroissiens?

Simon Butticaz: Depuis août, je découvre surtout une ignorance réciproque entre les régions linguistiques du protestantisme suisse. Notre département Eglises, encore en construction (ndlr: lire encadré), doit donc avant tout valoriser les projets novateurs existants et les faire connaître. Et de ce point de vue, les Romands n’ont pas à rougir face à leurs coreligionnaires alémaniques. Bien au contraire! Leur créativité est inversement proportionnelle à leur nombre.

Pourquoi?
A cause d'une sécularisation plus avancée. Les cantons où le protestantisme reste majoritaire sont – rappelons-le – tous outre-Sarine avec Berne, Schaffhouse et Appenzell Rhodes extérieures. Du coup, sur la question du culte par exemple, plusieurs Eglises membres ont pris le taureau par les cornes et mis sur pied des centres de compétences. A l'image des Vaudois avec leur service vie communautaire et cultuelle ou de l'Université de Zurich et son centre de développement communautaire. Je pourrais aussi pointer les projets d'Eglises de ville échafaudés ici ou là: la Fusterie à Genève, les lieux phares vaudois, l'Eglise Sihlcity à Zurich, etc.

Votre rôle est donc de créer des synergies entre Eglises...
Exactement, je vous donne un autre exemple: les études de milieux. A Zurich, on a identifié quels étaient les milieux sociologiques auxquels l'Eglise s'adresse et ceux, à l'inverse, qui restent en rade. Résultat: seuls deux milieux (ndlr: les « bourgeois » et les « traditionnels ») sur plus d'une dizaine sont touchés! Cette étude de fond a débouché sur une publication*, très utile pour mieux ajuster le profil des lieux d'Eglise et leur complémentarité à l'échelon d'une ville ou d'une région. On envisage une traduction ou en tout cas une promotion de cet outil de travail.

En novembre, vous avez donné une « tonalité romande » au culte annuel de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), au Münster de Berne. Il a surpris côté alémanique. Pourquoi?
Ce culte doit effectivement représenter la diversité liturgique et linguistique du protestantisme suisse. Mais, peut-être sous mon impulsion, il était fortement inspiré de la pratique liturgique romande ou vaudoise: structurée, riche, avec des répons de l'assemblée, des chants spontanés. Et les commentaires n'ont pas manqué du côté des participants alémaniques: « catholique », « hochkirchlich »... Que la liturgie soit une partie essentielle du culte réformé peut donc être une découverte outre-Sarine. Les Eglises réformées romandes ont des trésors de spiritualité à faire découvrir à leurs soeurs alémaniques. C'est un des lieux où devrait s'exprimer l'unité de l'Eglise.

Vous gardez une large part d'enseignement dans votre temps de travail, comme exégète du Nouveau Testament aux faculté de théologie de Genève et Lausanne. Vous avez par contre lâché la robe pastorale l'été dernier. Vous manque-t-elle?
La dimension pastorale est moins évidente à Berne qu'elle l'était lors de mes trois ans à Chavornay (VD), c'est clair. Mais je souhaitais me recentrer sur le travail théologique, en gardant un solide pan d'enseignement et de recherche universitaires, sans perdre toutefois le contact avec les Eglises. C'est ce que je trouve à la FEPS.

Votre vision du protestantisme suisse s'est donc élargie?
Oui, et je citerais deux exemples, parmi d’autres. Dans le canton de Thurgovie, l'Eglise réformée cantonale vient de réintroduire une confession de foi officielle, décision singulière dans le protestantisme suisse depuis le 19e siècle. J’évoquerais aussi les différences collosales de tailles entre Eglises. A l’image des paroisses de la ville de Berne, qui à elles seules disposent d’un budget de plusieurs millions, supérieur à celui d’une petite Eglise du centre de la Suisse, comme Nidwald. La FEPS est donc loin d'être monocolore, mais riche de sa diversité.

* Lebenswelten. Modelle kirchlicher Zukunft, Theologischer Verlag Zurich, 2 vol., 2012


Une plateforme d'échanges en phase de construction


Le département "Eglises" de la FEPS est né de la récente refonte du secrétariat de la fédération. Il s'inscrit aussi dans les travaux de révision de sa constitution, qui visent à renforcer les synergies entre les 26 Eglises qui la composent.

Selon Simon Butticaz, le département répond également à une des recommandations conclusives de l'étude sociologique conduite par Jörg Stolz et Edmée Ballif, initialement commandée par la FEPS, puis publiée en français sous le titre L'Avenir des réformés. Les Eglises face aux changements sociaux. « Un bon moyen serait de créer une plateforme d'échanges de connaissances et d'expériences pour les questions importantes concernant la réorientation de l'action des Eglises cantonales et des paroisses », peut-on y lire. Le département "Eglises" de la FEPS, encore en construction, doit donc répondre, en partie, à cette vocation.

Finalement, après 2011, une seconde édition des assises romandes de liturgie se tiendra cet automne, précise le théologien vaudois. Thème (provisoire) de la journée: « La diversité cultuelle au sein du protestantisme suisse: qu’est-ce qui fait culte? » Avec entre autres la participation du prof. Ermanno Genre de la Facoltà Valdese de Rome. S. R.

Cet article a été publié dans :

La VP Genève du mois de février. Et sur le site www.regardsprotestants.com