L'évêque et le pasteur esquissent les contours de l'œcuménisme

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L'évêque et le pasteur esquissent les contours de l'œcuménisme

21 janvier 2013
L'évêque Charles Morerod et le pasteur Xavier Paillard débattront le jeudi 24 janvier à Pully (VD) d'œcuménisme, mais aussi de crise des valeurs. Le moment a été choisi pendant la semaine de l'unité des chrétiens (18-25 janvier)*.

Interview réalisée par Bonne Nouvelle, le mensuel de l'Eglise réformée vaudoise

Tout le monde semble dire que l’œcuménisme est en crise. Avez-vous une recette pour la surmonter?

Charles Morerod, évêque du dioscèse de Lausanne, Genève et Fribourg: Lorsque le dialogue a commencé – entre réformés et catholiques, le vrai début remonte à une cinquantaine d’années – le but reconnu par tous était la pleine unité, sur la base de la foi commune et donc notamment de l’Ecriture. Sur cette base, nous avons rapidement surmonté de nombreux obstacles. Puis nous nous sommes heurtés à des questions de fond qui prennent plus de temps. Je me demande d’abord si le but du dialogue est resté le même. Quant à l’usage de l’Ecriture dans le dialogue, je pense que la lecture en commun de l’Evangile est un instrument puissant d’unité.

Vu la situation privilégiée des liens entre nos Eglises dans le canton de Vaud, imaginez-vous la possibilité d’actions plus fortes sur le terrain?

CM: Il y en a actuellement dans des aumôneries, comme celles des hôpitaux, des prisons et des écoles. Chaque fois qu’une question de société se pose, il serait bon que nous puissions agir en commun.

Aujourd’hui, comment transmettre l’Evangile auprès d’une population qui semble s’en désintéresser?

CM: La plupart des gens ont une vision du monde et une manière de vivre dans lesquelles l’Evangile et la foi ne semblent plus nécessaires et sont dès lors de moins en moins compris. Nous devons prendre acte de cette évidence: la société

Nous avons besoin de témoins.

chrétienne a peut-être existé, mais elle n’existe sûrement plus chez nous. Ce qui est devenu «normal», c’est de ne pas tenir compte de l’Evangile. Dès lors nous avons besoin de témoins qui montrent que l’Evangile change quelque chose et en vaut la peine. Ces témoins ne peuvent l’être que s’ils sont enracinés dans des communautés, si possible plus qu’une heure par semaine…

Sur bien des sujets de société, les Eglises ne sont pas d’accord entre elles. Comment réagir?

CM: C’est un fait. Nous avons constaté une grande difficulté à parler en commun du suicide assisté. Il n’y a eu à ma connaissance aucune tentative de le faire à propos de l’union des couples homosexuels – sans doute parce que la position catholique est déjà connue. Ce n’est toutefois pas toujours le cas. La collaboration entre nos Eglises sur le plan social est constante, profonde et bénéfique à tout le monde. Cela touche à plusieurs sujets de société! Pour que nos positions puissent mieux converger, je reviens à une lecture en commun de l’Ecriture et à une mise en commun de ses conséquences actuelles.

On parle d’œcuménisme depuis des lustres. Quelle est la prochaine étape?

Xavier Paillard, vice-président du Conseil synodal de l'Eglise évangélique réformée vaudoise: J’estime que l’uniformité des Eglises n’est pas un but en soi. L’essentiel est qu’elles se reconnaissent entre elles et dialoguent dans leurs différences. Elles doivent reconnaître qu’elles ont une même légitimité, qu’aucune n’a le monopole de la vérité. C’est une richesse d’avoir plusieurs Eglises, tout comme il est riche que la Bible compte plusieurs Evangiles. Les Eglises présentent toutes des facettes du corps du Christ. L’œcuménisme doit donc continuer. Une prochaine étape serait que la reconnaissance s’étende aussi à la célébration de la sainte cène ou de l’eucharistie.

Le canton de Vaud, vu son contexte privilégié, peut-il être une zone pilote pour l’œcuménisme?

XP: Au niveau politique, le canton a inscrit dans sa Constitution depuis dix ans qu’il reconnaît aux deux Eglises, catholique et réformée, la même légitimité. Nos Eglises ont donc l’occasion de faire œuvre de pionnier. Dans certaines missions comme les aumôneries d’hôpital ou d’université, elles travaillent par subsidiarité: l’une peut agir au nom de l’autre. Vous ne trouvez pas cela ailleurs que dans notre canton.

L’évangélisation sera une priorité pour l’Eglise réformée. Comment vous y prendrez-vous?

XP: Premièrement, nous devons passer d’une Eglise à laquelle nous appartenons par conformisme à une Eglise de témoignage. Aidons les croyants à rendre davantage compte de leur foi dans la société. Deuxièmement, nous retravaillons

L'uniformité n'est pas un but .

notre catéchèse. Elle ne s’adresse plus majoritairement à des enfants de familles protestantes, mais à des personnes, jeunes ou adultes, qui ont tout à découvrir de l’Evangile. Enfin, nous voulons développer les groupes de maison. Ces communautés de base permettent de redécouvrir l’Evangile et son message pour notre temps.


L’Eglise doit-elle donner son avis sur toutes les questions qui préoccupent la société?

XP: Non, l’Eglise n’a pas à se prononcer sur tout. Elle doit rappeler des valeurs fondamentales à partir desquelles les gens peuvent se positionner librement. Nous rappelons ces valeurs à des moments clés. Nous n’avons pas le rôle de donner des consignes de vote, mais d’aider les citoyens à se décider de manière réfléchie et informée. Moins les valeurs sont intégrées, plus il est difficile d’expliquer leur impact sur des questions complexes de société. Par exemple, l’un des enjeux d’avenir sera de préserver le dimanche, qui ne soit pas uniquement soumis aux lois de l’économie, mais qui donne la priorité au lien communautaire et familial ainsi qu’au ressourcement des individus. G.D.

  • Débat: "Crise des valeurs, crise de l'Eglise", jeudi 24 janvier, 20h Pully, Maison de paroisse de Chamblandes, av. C.-F. Ramuz 65. Animation: Jean-Christophe Emery, journaliste RTSreligion

  • *Semaine de l'unité des chrétiens: davantage d'infos sur le site: www.ceccv.ch Renseignez-vous aussi auprès de vos paroisses.