A Lausanne, l’Eglise réformée compte sur les laïcs pour rebondir

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A Lausanne, l’Eglise réformée compte sur les laïcs pour rebondir

28 janvier 2013
Philippe de Vargas, président de la région Lausanne-Epalinges de l’EERV, dresse un tableau sans fard: si elle ne bouge pas, l’Eglise réformée pourrait bientôt disparaître en ville. Pour sonner le réveil, il veut mobiliser les forces vives des paroisses. Interview.


ProtestInfo: Une chute de 60% des protestants en quarante ans, une diminution de moitié des catéchumènes en dix ans,… Les sept paroisses de la ville sont en danger. M. de Vargas, comment en est-on arrivé là?

Philippe de Vargas: Mentalement, beaucoup de réformés vaudois se sentent encore à l’époque où les notables venaient tous au culte le dimanche, certains pour être vus, faisant leur prière dans leur chapeau, debout, avant de s’asseoir. L’Eglise a vécu sur son statut et n’a pas vu venir le changement. Or, certes peut-être moins que Genève ou Neuchâtel, Lausanne est frappée par la laïcisation, qui touche plus fortement les villes. Je dirais donc qu’elle a quelques années d’avance sur ce qui va arriver dans d’autres régions du canton, peut-être plus traditionnelles. C’est douloureux, mais bénéfique: l’Eglise a besoin d’être réveillée par cette crise.

Fortes de ce constat, les autorités de l'Eglise vous somment de réduire la voilure. D'ici à juin 2013, vous devrez passer de 22,5 à 16,5 postes (lire encadré). Comment digérez-vous ce saut? Qu'est-ce que l'Eglise ne pourra plus offrir?

Le choc est violent, c’est clair. Mais la question la plus urgente pour nous est celle-ci: dans quelle mesure est-ce que des laïcs, compétents, souvent bien formés dans des domaines comme l’enseignement, la gestion de projets, les finances ou les ressources humaines, comment des laïcs, donc, vont-ils prendre le relais de ministres qui s’en vont? En clair, nous voulons mobiliser les laïcs et leur confier des tâches à responsabilités et non des tâches d’exécution. Ils doivent devenir des acteurs co-responsables.

Le ministre ne doit pas être l’homme ou la femme à tout faire de la paroisse, mais plutôt l’inspirateur, le formateur, l’accompagnateur de laïcs qui, eux, sont en première ligne.

Doit-on comprendre que votre objectif est à terme de remplacer les pasteurs et les diacres par des laïcs?

Non, pas du tout. Nous voulons plutôt que tout le peuple de l’Eglise, et non seulement quelques ministres ou élus, soit engagé dans le partage et l’annonce de l’Evangile. Le ministre ne doit pas être l’homme ou la femme à tout faire de la paroisse, mais plutôt l’inspirateur, le formateur, l’accompagnateur de laïcs qui, eux, sont en première ligne. Ceci dit, cette vision n’est pas incompatible avec le renoncement à certaines activités, comme quelques cultes en ville. Il y en a aujourd'hui quinze par dimanche, souvent éloignés de quelques centaines mètres: n’est-ce pas du gaspillage? Nous voulons aussi mieux utiliser les forces disponibles. Nécessité est un bon maître.

Vous voulez mettre en place dix « plateformes transversales » pour jouer un rôle moteur au service des paroisses. N'est-ce pas rajouter un échelon supplémentaire, sans parler des trois lieux-phares mis en place par l'Eglise cantonale en 2011 (Saint-François, Saint-Laurent et la cathédrale)?

Non, car ces plateformes seront au service des paroisses. Prenez l’exemple de la jeunesse. A l’heure actuelle, le catéchisme que nous offrons ne touche qu’une petite partie des jeunes de la ville. Parmi les idées qui ont jailli, il y celle d’une maison des jeunes, où ils pourraient se retrouver, avec une animation professionnelle. Or aucune paroisse n’est pour l’heure en mesure de mettre sur pied un tel projet. Si elles délèguent des gens dans des plateformes thématiques créatives, elles en récolteront elles-mêmes les fruits.

M. de Vargas, qu'est-ce qui dans votre trajectoire vous a convaincu de vous engager pour repenser la présence de l'Eglise réformée en ville?
Même si j’étais déjà président d’un conseil paroissial, c’est un appel que j’ai accepté avec beaucoup de joie. Il va en effet dans le sens de ce que j’ai toujours essayé de faire dans l’enseignement. La grande œuvre de ma vie professionnelle, si je peux dire, s’est appelée Opération Elysée (ndlr: du nom du collège lausannois que Philippe de Vargas a dirigé). Elle a fait participer les élèves, les maîtres et les parents. J’y vois des similarités avec ce qui se prépare pour l’Eglise à Lausanne: résistances au changement et enthousiasmes, communication toujours à renouveler, dimension démocratique. Le moteur du changement, c’est une conviction forte, une espérance, enracinées dans un Evangile relu et réapproprié. Ne nous leurrons pas: le travail de fond est d’ordre spirituel.

Coupes et brassage dans les ministres lausannois
Moins six postes d’ici à juin. C’est le régime draconien auquel est soumise la région Lausanne de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV). Via cette sévère cure d’amaigrissement, « elle rattrape son retard sur le reste du canton, explique Nicolas Besson, responsable de l’Office des ressources humaines (ORH) de l’EERV. Mais personne n’a été contraint de partir », précise-t-il. Ces pasteurs et diacres lausannois risquent d’être accueillis à bras ouverts dans les paroisses qui, pour certaines, n’ont plus de ministres permanents depuis deux ans. Pratiquement, les postes dans la périphérie lausannoise devraient être privilégiés. Aucun licenciement n’est à l’ordre du jour.

Parallèlement, l’ORH veut faire bouger les pasteurs installés depuis longtemps à Lausanne. « Nous entrons en matière, mais avec prudence, explique M. de Vargas. L’électrochoc est nécessaire, mais il ne faut pas tuer le patient. Si 5 ou 6 pasteurs devaient partir en même temps, ce serait une saignée presque mortelle. » Nicolas Besson évoque pour sa part quatre ou cinq échanges ministériels échelonnés dans les prochains mois. S. R.

Pratique
Le catalogue qui présente les possibilités de s’engager dans l’EERV à Lausanne sera présenté et distribué le samedi 2 février, au Centre oecuménique du Bois-Gentil (de 9h à 16h30). Une seconde journée est prévue le 16 mars.

Cet article a été publié dans :

Le quotidien fribourgeois La Liberté.