Pape François Ier: Les juifs voient en lui un allié

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Pape François Ier: Les juifs voient en lui un allié

19 mars 2013
Washington (RNS/ProtestInter) – Des juifs du monde entier ont salué l'élection du nouveau pape François Ier le 13 mars. Ils rappellent en particulier sa réaction ferme et compatissante lors de l'attentat perpétré en 1994 contre un centre communautaire juif en Argentine. Cet attentat demeure le plus meurtrier de l'histoire du pays natal du nouveau souverain pontife.

«D'après ce que j'ai pu entendre et lire depuis qu'il a été élu pape, il manifeste un profond respect et de sérieuses marques d'amitié à l'égard des juifs», a déclaré Riccardo Di Segni, grand rabbin de Rome. «C'est un bon début.»

La communauté juive d'Argentine, la plus grande d'Amérique du Sud

Quand il était le cardinal Jorge Mario Begoglio, archevêque de Buenos Aires, François Ier entretenait «une relation chaleureuse avec la communauté juive d'Argentine et des liens d'amitié étroits avec plusieurs éminents rabbins», a affirmé le rabbin David Rosen, directeur international des questions interreligieuses à l'American Jewish Committee. La communauté juive d'Argentine, forte de 250 000 personnes essentiellement concentrées à Buenos Aires, est de loin la plus grande d'Amérique latine.

Les déclarations du cardinal Bergoglio après l'attentat de Buenos Aires rencontrent toujours un écho favorable, vingt ans plus tard, parmi les juifs d'Argentine et d'ailleurs, notamment parce que beaucoup d'entre eux estiment que l'enquête sur l'attentat a été entravée. Ses propos continuent de faire les gros titres en Argentine, en Israël et dans la presse juive.

Quand des militants islamistes – qui seraient issus du Hezbollah, mouvement soutenu par l'Iran – ont attaqué le centre communautaire juif, le cardinal Bergoglio «n'a non seulement pas tardé à condamner l'attentat mais il n'a pas hésité à se montrer solidaire de la communauté juive», a indiqué le rabbin Rosen.

Il y a deux mois seulement, le gouvernement argentin annonçait la mise en place d'une commission mixte composée d'Argentins et d'Iraniens pour enquêter sur cet attentat suicide perpétré il y a près de vingt ans, dont le bilan avait été de 85 morts et 300 blessés. Le rabbin Rosen a indiqué ne pas avoir eu vent d'une quelconque déclaration faite par le cardinal Bergoglio au sujet de la nouvelle commission, mais pour de nombreux juifs, cette commission revient à permettre aux criminels d'enquêter sur leur crime.

«J'ai entendu dire qu'il n'a pas les faveurs du gouvernement actuel à cause des positions de principes fermes qu'il adopte sur de nombreuses questions», a ajouté le rabbin Rosen.
Les relations judéo-catholiques se sont remarquablement améliorées depuis le Concile Vatican II (1962-1965), quand l'Église a ouvertement dénoncé l'antisémitisme et s'est démarqué du précepte enseignant depuis des siècles que les juifs sont responsables de la mort du Christ.

Relations mises à mal sous Benoît XVI

Les relations ont été cependant quelque peu mises à mal sous le pontificat de Benoît XVI, en particulier quand il a facilité l'utilisation de l'ancienne messe en latin, qui comprend une oraison du Vendredi saint invitant à prier pour que le «voile» qui couvre le cœur des juifs soit levé. Suites aux plaintes formulées par les milieux juifs, Benoît XVI a reformulé la prière.

Benoît XVI avait par ailleurs été vivement critiqué pour avoir levé l'excommunication de quatre évêques traditionalistes dissidents, dont un, Richard Williamson, qui nie ouvertement l'existence des chambres à gaz. L'ancien pape a par la suite admis qu'une recherche sur Internet aurait permis de mieux connaître le profil de Richard Williamson.

«Nous saluons l'arrivée du pape François Ier dans son nouveau rôle de chef de l'Église catholique», a déclaré dans un communiqué Allan J. Jacobs, président de B'nai B'rith International. «Les relations judéo-catholiques étaient une priorité du pape Benoît XVI et nous nous réjouissons de continuer à consolider les solides fondations déjà existantes en matière de dialogue interreligieux.»

D'autres responsables et experts juifs ont souligné que l'âge relativement avancé du pape François Ier – 76 ans – revêt une certaine importance pour la communauté juive, dans la mesure où la Shoah s'est déroulée de son vivant et qu'elle peut constituer pour lui un rappel des horreurs auxquelles l'antisémitisme peut conduire. «Beaucoup de gens disaient qu'après Benoît XVI, plus aucun pape n'aurait connu la seconde guerre mondiale», a rappelé le pasteur Rosen.

David Novak, professeur d'études juives et de philosophie à l'Université de Toronto, espère que François Ier fera mieux que son prédécesseur en ce qui concerne les relations judéo-catholiques.
Le bilan de Benoît XVI avec les juifs n'est pas si mauvais, a précisé David Novak, mais il n'a pas consacré autant d'attention à la question que le pape Jean-Paul II, qui considérait les juifs comme des «frères aînés» dans la foi. «Je voudrais voir une forme de renouveau des relations judéo-catholiques, qui avaient, selon moi, atteint leur paroxysme pendant le pontificat de Jean-Paul II», a déclaré David Novak, auteur de nombreux écrits sur la relation entre les deux confessions.

Le pardon de Jean-Paul II

C'est en outre sous le pontificat de Jean-Paul II que le Saint-Siège a reconnu l'État d'Israël, en 1997. Il avait été le premier pape à se rendre à Auschwitz, à bénir Israël et à demander pardon pour les agissements des chrétiens à l'encontre des juifs.«Si les catholiques ne le canonisent pas, les juifs devraient le faire», a affirmé David Novak.

Dans certains milieux juifs, on estime par ailleurs que François Ier devrait accorder une attention particulière aux questions de justice sociale sur lesquelles juifs et catholiques peuvent collaborer.
«Nous nous réjouissons de poursuivre notre partenariat avec l'Église catholique pour combattre la pauvreté, comme le faisait le pape alors qu'il était cardinal de Buenos Aires», a indiqué dans un communiqué le rabbin Steve Gutow, président du Jewish Council for Public Affairs.

«Dans un monde si affreusement divisé selon les richesses et les perspectives, puissent son enseignement et son exemple nous aider à guérir notre monde brisé et à nous rapprocher du moment où personne n'ira se coucher le ventre vide.» (JMP - 12)