Une lettre suisse au nouveau pape irrite l’évêché de Coire

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Une lettre suisse au nouveau pape irrite l’évêché de Coire

Pascal Hollenstein
21 mars 2013
L’évêché de Coire critique une lettre des Églises catholiques cantonales au pape François, qu’il qualifie de «kafkaïenne». Le «système dualiste»* du catholicisme en Suisse crée des tensions entre le clergé lié à Rome et les Eglises liées à l'Etat.
(Photo: Daniel Kosch, secrétaire général de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse - RKZ)

, NZZ am Sonntag


Moins de 24 heures après l’élection du pape François, les Églises cantonales suisses rassemblées au sein de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ)* se sont adressées au nouveau pape. Dans sa lettre, la RKZ écrit qu’elle observe au sein de l’Église suisse «l’apparition de tensions ayant trait à la politique ecclésiale», et qu’«elle juge le phénomène très préoccupant». Ces tensions, selon elle, «sont attisées par un manque d’ouverture au dialogue et des déclarations péremptoires». La RKZ a de plus l’impression que Rome est informée de manière unilatérale sur la situation réelle en Suisse. La RKZ demande au pape de jouer, dans ce conflit, «un rôle de trait d’union» et «d’instiller un esprit de conciliation».

Par cette lettre, la RKZ veut porter à l’attention du nouveau pape une controverse intra-catholique qui existe depuis déjà longtemps en Suisse. Le système dual régissant les Églises suisses, qui prévoit un partage des tâches entre les autorités de droit public ecclésiastique démocratiquement élues et le clergé, apparaît comme la cause de ces frictions. Sur des questions telles que la participation des laïcs à la liturgie ou l’attitude de l’Église à l’égard des personnes remariées, l’affrontement entre conceptions opposées s’est intensifié ces derniers temps, jusqu’à déboucher sur un conflit ouvert.

Autre sujet de controverse, l’impôt ecclésiastique: les catholiques conservateurs contestent l’affectation des recettes fiscales par les Églises locales et cantonales et plaident pour une séparation de l’Église et de l’État. Les Églises locales et cantonales, de leur côté, se défendent régulièrement en se référant aux services sociaux qu’elles rendent à la collectivité.

Le clergé irrité

Les représentants de l’évêque conservateur de Coire Vitus Huonder critiquent sévèrement le fait que les Églises cantonales suisses se soient adressées directement au pape si peu de temps après son élection. Selon le porte-parole de l’évêque Huonder Giuseppe Gracia, la lettre constitue un «lobbying déplacé». En outre, il y voit «un vote de défiance à l’égard des évêques suisses, accusés d’avoir envoyé jusqu’ici des rapports partiaux à Rome».

Le vicaire général de Mgr Huonder Martin Grichting indique que les Églises cantonales rassemblées au sein de la RKZ encaissent plus d’un milliard de francs suisses par an de recettes provenant de l’impôt. Il est «kafkaïen», selon lui, qu’on cherche à justifier cela face à un pape qui a pris le nom de François.

L’abbé d’Einsiedeln Martin Werlen déclare qu’il peut, certes, comprendre la préoccupation exprimée dans la lettre, mais qu’il estime «des plus prématurés» le moment choisi pour l’écrire. Le président de la Conférence des évêques suisses Markus Büchel ne souhaite pas faire de commentaires.

Quant au secrétaire général de la RKZ Daniel Kosch, il répond aux critiques en expliquant que l’idée était de signaler, tout au début du pontificat, qu’on attend de la direction de l’Église mondiale «des impulsions en vue d’une meilleure approche de la situation en Suisse, qui est extrêmement délicate». (FNA)