Coptes en Suisse: douleur et impuissance devant les massacres

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Coptes en Suisse: douleur et impuissance devant les massacres

Vincent Volet,
19 novembre 2013
La situation s’aggrave de jour en jour en Egypte. Depuis juin dernier, les Frères musulmans jugent les coptes responsables des révoltes contre l’ex-président Mohamed Morsi. Les attaques de prédicateurs islamistes ont redoublé contre les coptes. Témoignages de coptes en Suisse.
Bonne Nouvelle et La Vie protestante Genève

Les coptes seraient les premiers chrétiens à avoir posé le pied en Suisse, rappelle Maurice Fahmy, 85 ans, installé depuis cinquante ans dans le canton de Vaud avec sa femme. Ils constituaient la fameuse légion thébaine, dépêchée en Suisse pour défendre l’Empire romain. Ces 2500 soldats chrétiens installés à Saint-Maurice – la ville tire son nom d’un des martyrs coptes – y auraient été persécutés pour avoir refusé de renier leur foi.

Aujourd’hui grand-père, «l’une de mes petites- filles est médecin, une autre assistante à l’Université», Maurice Fahmy, arrivé en Suisse pour y faire des études, est devenu Suisse il y a trente ans. «De nombreux coptes ont pris la nationalité suisse», assure-t-il.

Parler de la situation actuelle des coptes en Egypte lui est douloureux: «Elle est difficile. Des églises ont été brûlées, des coptes tués. Cela me fait du mal de dire que des chrétiens subissent des discriminations.» Une situation d’autant plus rageante pour ce féru d’histoire que les coptes sont les héritiers des autochtones de l’Egypte ancienne. Ils ont toujours été là et sont chrétiens depuis deux mille ans.

«Respecter la diversité religieuse»

Samuel Isodoroc, lui, est en Suisse depuis sept ans. Ce moine gère l’Eglise copte à Zurich, où les prières se font en arabe et en allemand pour quelque 150 familles. «Nous avons évité la guerre civile, mais nous avons besoin de plus de temps pour mettre un terme à la période de régime militaire. L’armée n’a pas le contrôle sur tout le pays», précise-t-il.

Comme pour appuyer la décision du gouvernement provisoire de prolonger de quelques mois l’état d’urgence. «Nous attendons l’élection d’un nouveau président et du Parlement l’année prochaine. L’arrivée d’un gouvernement civil est souhaitée par les coptes. Avec une majorité islamique au Parlement, nous aurons des problèmes.»

Pour l’heure, les coptes sont heureux de voir les islamistes hors course. «L’Egypte n’est pas un pays religieux comme le Pakistan ou l’Afghanistan. Il y existe une vraie diversité religieuse, qui doit être respectée. Vous ne pouvez pas supprimer tous les groupes religieux au profit d’un seul», espère Samuel Isodoroc.

«La différence est une richesse»

Arrivé en Suisse il y a quarante ans et désormais Suisse, Raymond Mortagui, 60 ans, entretient toujours un contact étroit avec sa famille restée au pays. Il raconte comment l’épisode Mohamed Morsi, qui a mis de côté trente ans de rène de Moubarak, avait suscité des espoirs. Avant de rapidement tourner au cauchemar. «Les coptes n’étaient pas les seuls à se plaindre de Morsi, puisqu’en juin il y avait 40 millions d’Egyptiens dans les rues, qui ne voulaient pas le garder au pouvoir pendant quatre ans.»

Les Frères musulmans et leurs mentors du Golfe, le jeu ambigu et sinueux joué par les Américains en Egypte, notamment au sujet des destinées du Sinaï, le rapprochement des chrétiens et des musulmans modérés contre l’islamisme, Raymond Mortagui peut vous en parler avec passion pendant des heures.

Il rappelle cette déclaration du pape copte Tawadros II après la destruction de dizaines d’églises par des partisans de Morsi en juin dernier, au moment où les musulmans s’étaient mobilisés pour protéger les lieux de culte coptes attaqués: «Une église qui brûle, on peut toujours la reconstruire, mais qu’un musulman qui protèe une église perde la vie, ce n’est pas acceptable.»

Raymond Mortagui surenchérit: «Morsi a fait plus de dégâts en un an que Moubarak en trente. Ce qui a suivi n’était pas un coup d’Etat, mais la révolte d’un peuple contre un gars qui voulait vendre le pays.» Il prévoit des années difficiles pour l’Egypte. «Beaucoup choisiront l’exode à cause de la situation économique, qui est dramatique depuis deux ans.»

En matière religieuse, Raymond Mortagui fait preuve de souplesse. «La différence est une richesse. Ma femme est catholique. Je vais à l’église catholique de mon quartier», affirme-t-il.

  • Les coptes, plus grande communauté chrétienne du Proche-Orient, représentent entre 8 et 10% de la population égyptienne, soit environ 8 millions d’habitants.
INFOS

Ces dernières semaines, les islamistes ont saccagé et incendié plusieurs dizaines d’églises à travers tout le pays, ainsi que des dizaines d’écoles, de maisons, de commerces et d’institutions chrétiennes appartenant à des coptes. Les chefs des Eglises coptes d’Egypte dénoncent régulièrement un «terrorisme» à leur encontre de la part d’islamistes radicaux.

A la mi-septembre, les militaires ont mené une offensive pour protéger les chrétiens coptes de la ville de Delga, à environ 300 km au sud du Caire. La localité, où près de 35% de la population est chrétienne, étaient tenue depuis 31 jours par des partisans du président déchu. Les menaces contre les chrétiens restent permanentes. Face aux violences et aux discriminations à leur encontre, beaucoup de coptes choisissent l’exil. La VP Genève

Repères:

- Juin - Les Frères musulmans accusent les coptes d’être responsables du mouvement de révolte contre le président Mohamed Morsi

- 3 juillet - Mohamed Morsi est renversé

- 14 août - Un millier de ses partisans sont tués par les forces de l’ordre au Caire

- 14 août - L’état d’urgence est rétabli en Egypte: un couvre-feu est imposé au Caire et dans 13 provinces

- 16 août - Deux cents islamistes pillent puis mettent le feu à quatre églises, une école chrétienne et une dizaine de maisons et de magasins appartenant à des coptes à Delga

- 16 septembre - L’armée reprend Delga, tenue depuis 31 jours par les islamistes radicaux - La VP Genève