François un pape social, mais pas réformateur

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François un pape social, mais pas réformateur

21 janvier 2014
Francfort-sur-le-Main (EPD/ProtestInter) Ecrivain et psychologue Allemand, Frido Mann, est le petit-fils du prix Nobel de Littérature Thomas Mann. Grand connaisseur de l'Eglise catholique qu'il a quittée il y a quatre ans, il estime que le choix d'un pape non européen marque la volonté de Rome de privilégier une église plus traditionnelle au niveau des valeurs. Certes, le pape François a de grandes compétences sociales, mais ce n'est pas de lui qu'il faut attendre une réforme du rôle de la femme. Interview.

Vous estimez que le pape Jean-Paul II est une cause importante de la diminution du nombre de fidèles de l’Église catholique. Comment conciliez-vous cela avec l’image du «pape médiatique» qui rassemblait des foules de centaines de milliers de personnes?

Frido Mann: Il y a une grande différence entre le catholicisme en Europe et celui qui se manifeste sur d’autres continents. Dans le tiers monde, le catholicisme est fortement conservateur, orienté sur une foi léthargique, passive et sans ambition. Si les gens, là-bas, sont satisfaits et ne se sentent pas sous tutelle, tant mieux. Mais en Europe, il y a eu la philosophie des Lumières, il y a eu la Révolution française, et c’est en Europe qu’on enregistre le plus grand nombre de sorties de l’Église. Que Jean-Paul II ait pu comparer l’avortement à l’Holocauste, pour moi cela dépasse l’entendement.

Êtes-vous d’avis que l’élection du pape François, premier non-Européen depuis l’Antiquité, donne à penser que l’Église se détourne de l’Europe pour se concentrer sur l’Hémisphère Sud?

Oui. Là-bas, les gens croient encore en l’Église. Au Brésil, j’ai assisté à une procession du Vendredi saint dans laquelle un personnage représentant Jésus était porté sur une civière à travers l’église. Les gens pleuraient – pour eux, c’était Jésus incarné. Le dimanche de Pâques, il se tenait devant l’autel. Soudain, il y a eu un nuage de fumée et la silhouette, accrochée à une corde, a été tirée vers les hauteurs. C’était la résurrection. Là-bas, il y a encore quelque chose qui ressemble au trafic des indulgences, comme au temps de Luther.

Le pape François a sans doute une compétence sociale beaucoup plus large que ses prédécesseurs directs. Mais quand on en arrive aux contenus traditionnels de la foi, c’est la fin – avec lui aussi. Le renouveau ne sera pas non plus réalisé sous le pape François. Mes amis à Rome l’appellent «le grand maître du spectacle».

La nouvelle exhortation apostolique «Evangelii gaudium» n’est-elle donc qu’une partie du spectacle?

À en juger par ce que j’ai lu à ce propos, le pape semble, certes, vouloir quelque peu desserrer la bride pour ce qui est de son autorité personnelle. Mais je ne vois pas là une volonté de réforme globale. Par exemple, le rôle de la femme dans l’Église doit être revalorisé, mais l’ordination des femmes à la prêtrise demeure exclue. Des réformes aussi limitées n’annoncent certainement pas la mise en œuvre de réformes fondamentales urgentes.