Une journée mondiale sans Facebook!
Photo: Le panneau d'une Eglise du Michigan pastiche Facebook: «Demande d'amitié de Jésus. Accepter ou ignorer?» Loren Sztajer (CC by-nd)
Par Suzette Sandoz, professeure honoraire à la Faculté de droit à l'Unil.
Cela n’étonnera personne: je ne suis pas sur Facebook! J’essaie d’en comprendre l’intérêt autre que narcissique ou commercial ou encore «socio-politico-agitatoire», mais j’avoue mon très grand embarras quand il s’agit de qualifier la nature réelle du phénomène. Il faut toutefois croire que c’est un phénomène important puisqu’il justifie «une journée mondiale sans!...».
Alors pour tenter de comprendre, j’ai cherché quelques renseignements au sujet des «journées mondiales». Une rapide consultation d’un site fort instructif m’informe qu’il y a 334 journées mondiales ou nationales par année (quelquefois deux ou trois le même jour!), allant de la «journée mondiale du Nutella» à la «journée mondiale de l’orgasme» (ouf! c’est long, une journée!) en passant par la «journée mondiale du compliment» et celle «de la gentillesse» (pourquoi limiter à une journée?).
Il y a naturellement beaucoup de journées mondiales concernant des maladies, journées dont on sait que l’un des buts est notamment de récolter des fonds pour la recherche ou de sensibiliser l’opinion sur des maladies dites orphelines. Je laisse donc ces journées-ci de côté, dont le but paraît évident.
Quatre «journées sans»Poursuivant une lecture édifiante et formatrice, j’ai découvert qu’il n’y a – pour l’instant – que quatre journées mondiales «sans»: journée «sans tabac», «sans voitures», «sans achats» et enfin, «sans Facebook».
Etant non fumeuse et non utilisatrice de Facebook, je ne me sens pas «brimée» par deux de ces journées. Celle «sans achats» me laisserait assez indifférente, car je ne fais pas des achats tous les jours, mais je dois avouer que dimanche, en me rendant au culte, je me suis arrêtée à la boulangerie –ouverte – pour acheter du pain frais pour mes hôtes du soir. Si je n’avais pas eu de visites ce jour-là, je n’aurais rien acheté!
Quant à la journée sans voitures!... Je me souviens d’un dimanche dit «sans voitures» en Suisse – heureusement non impératif – où je me demandais comment j’aurais fait, sans voiture (donc également sans taxi, car il faut être conséquent!) pour me rendre auprès de ma mère malade, avec le repas préparé pour elle et moi – puis pour filer lui acheter un médicament prescrit à la dernière minute, ou ce qu’il serait advenu d’une réunion de famille fixée longtemps à l’avance. Etc…
On n’a même pas réussi à se mettre d’accord sur le «jour du Seigneur»Pour ne rien cacher, j’ai une vraie horreur des journées «officiellement» éducatives. Quel est le parangon de vertu légitimé pour décider que tout le monde doit s’abstenir de tel ou tel «plaisir» ou «usage utile» le même jour dans le monde, voire dans un pays seulement? On n’a même pas réussi à se mettre d’accord sur quelque chose de positif, soit le «jour du Seigneur» à mettre à part, conformément au 4e commandement, lequel commandement, – d’origine assez élevée – est bien antérieur à l’usage du tabac, de la voiture, de Facebook, mais pas des achats (depuis fort longtemps, les boulangeries étaient soustraites à l’interdiction d’ouvrir le dimanche. C’est la raison pour laquelle elles étaient généralement fermées le lundi, autrefois!)
Il ne fait guère de doute que le tabac est une addiction, Facebook généralement aussi, que la voiture peut l’être, tout comme ce que l’on baptise la «fièvre acheteuse». Mais l’éducation mondiale par l’interdiction n’est qu’une parodie de morale prétendant compenser une perte de sens de la mesure et de la responsabilité tant individuelle que collective dont nous sommes partiellement coupables, nous, chrétiens, qui pouvons laisser longtemps des paroissiens sans ministre et des églises sans culte dominical!