Le déluge est un récit populaire tant pour les chrétiens que pour les juifs et les musulmans

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Le déluge est un récit populaire tant pour les chrétiens que pour les juifs et les musulmans

7 avril 2014
Ces dernières années, Hollywood a fait de grands efforts pour attirer le public pieux au cinéma avec des films tels que «La passion du Christ», «Son of God» ou même des surprises telles que «Facing the giants». Et la plupart du temps, cela a fonctionné. Mais le «Noé» avec Russel Crowe à voir prochainement sur les écrans provoque des émotions différentes et même des inquiétudes puisqu’il touche à un récit biblique aimé auquel les croyants de plusieurs religions sont attachés et duquel ils se sentent proches.

Photo: Un gâteau en forme d'arche de Noé, Ken's Oven CC(by)

New York (RNS/Protestinter) Le 10 mars, avant la première mondiale à Mexico, le réalisateur Darren Aronofsky a prévenu le public de s’attendre à l’inattendu. «C’est un film très, très, différent», a prévenu le réalisateur, «vous tomberez fichtrement à côté, de tout ce à quoi vous vous attendez!» Il a qualifié «Noé» de moins biblique des films bibliques jamais réalisés.

Le budget de cette production est de 130 millions de dollars (environ 115 millions de Francs suisses ou 95 millions d’Euros). Elle sera sur les écrans de France et de Suisse romande dès le 9 avril. Et le public pourra y voir Russel Crowe, Jennifer Connelly et Anthony Hopkins.

Film «Inspiré par» l’histoire de Noé

Malgré des appels faits aux ecclésiastiques et même au pape François de diffuser l’œuvre de Darren Aronofsky, les réseaux chrétiens de télévisions des Etats-Unis ont annoncé qu’ils ne pourraient soutenir cette fiction à moins que la société de production Paramount n’y ajoute un avertissement précisant qu’il ne s’agit pas d’une représentation littérale du texte biblique, mais que ce film est «inspiré par» l’histoire de Noé.

Le récit du déluge figure au début de la Genèse, peu après l’histoire bien connue d’Adam et Eve. Noé y est présenté comme un îlot de justice dans une mer d’iniquité. La Genèse dit que Dieu lui ordonna de construire une arche pour les épargner lui et sa famille d’un déluge meurtrier.

Les animaux embarquèrent deux par deux, puis la pluie tomba, tomba, tomba pendant 40 jours et nuits. Une année après, Noé retrouva la terre ferme et pu débarquer avec sa ménagerie. C’était alors un homme d’âge moyen, selon la Genèse, puisqu’il avait 651 ans. La plupart des narrateurs omettent de raconter la suite du récit, après le déluge, quand Noé est retrouvé par ses fils ivre et nu dans une tente. Selon la Bible, Noé est mort à l’âge respectable de 950 ans.

Un récit extrêmement populaire

Malgré ses accents de mort et de destruction, l’histoire du déluge a donné naissance à d’innombrables arcs-en-ciel lors des leçons d’école du dimanche, à des décorations de crèche et même à des jouets Fisher Price. Depuis 2009, le nom «Noah» figure dans le top 10 des prénoms les plus donnés à des nouveau-nés aux Etats-Unis, selon l’administration sociale. Selon l’Office fédéral de la statistique, en Suisse romande, «Noah» a été le 2e prénom le plus attribué à des bébés en 2011, derrière Gabriel, puis il est repassé au 5e rang en 2012. (Le prénom «Noé» était 23e de ce classement en 2010, 28e en 2012.)

Le récit biblique du déluge est une pierre d’achoppement pour beaucoup de cercles religieux. Une histoire racontée et reracontée dans le judaïsme, l’islam et le christianisme. Les partisans du créationnisme ou de l’écologisme s’en servent pour plaider leur cause. Même Harold Camping, l’évangéliste discrédité qui annonçait la fin du monde pour 2011, s’appuyait sur la date à laquelle il pensait que Noé était entré dans l’arche pour calculer la date de l’apocalypse.

Alors, qu’est-ce qui rend le récit du déluge si populaire? Joseph Blenkinsopp, professeur émérite spécialiste du Pentateuque à l’Université Notre-Dame-du-Lac dans l’Indiana, pense que cela est dû à la prise de conscience des catastrophes globales. «Pour les juifs et les chrétiens, et peut-être les musulmans, c’est un signe de jugement. Le jugement est réel, il y aura un jugement», explique-t-il. «Le récit du déluge est une représentation symbolique de ce jugement.»

Récit à l’origine de la morale universelle

L’histoire de Noé interpelle aussi tous ceux qui sont à la recherche d’une seconde chance, explique Scott Perlo, rabbin de la synagogue historique Sixth & I à Washington. «Il y a un désir en chacun de nous de faire table rase du passé et de revenir à une situation de pureté», dit-il. «Mais c’est aussi une crainte, car cela pourrait signifier notre propre destruction.»

Dans le judaïsme, le récit du déluge est à la base des lois noahides: sept impératifs moraux, que même les non-juifs sont tenus d’observer, comme l’interdiction de l’assassinat et du vol. (Il existe aussi une petite secte, les Noahides, basée sur ces lois.)

«L’histoire de Noé donne naissance de l’idée de la morale universelle, au principe que tout le monde doit être moral», explique Scott Perlo. «L’arche de Noé montre comment le bien survit. Même après que les choses soient allées mal, le bien peut revenir».

Robert Gregg, professeur d’études religieuses à l’Université de Stanford, a étudié comment les différentes religions racontent la même histoire. Dans le Coran, dit-il, l’accent est mis moins sur l’arche et les animaux et davantage sur la relation de Noé avec les gens qui ne croient pas qu’une inondation vient. «Il est plusieurs fois répété que le peuple répond à Noé: «Tu n’es qu’un homme, tu n’es pas un dieu. Si nous devons recevoir un message de Dieu, nous nous attendons à un ange», relate-t-il. Noé est un prophète qui reste inaperçu.

En raison de l’interdiction islamique de représenter les prophètes, trois pays arabes ont interdit le film «Noé», et plusieurs autres pays devraient suivre.

Noé, figure christique

Pour les chrétiens, l’histoire de Noé est souvent utilisée comme une histoire qui rappelle l’histoire de Jésus, estime Carol Kaminski, professeure d’Ancien Testament au séminaire Gordon-Conwell et dont les recherches portent sur Noé.

Elle fait valoir que Noé n’est pas sauvé par sa propre bonté ou par son obéissance, mais plutôt par la faveur et la grâce divine de Dieu. «Il n’est pas question de bonnes personnes à l’intérieur de l’arche et de mauvaises à l’extérieur. Il ne s’agit pas, non plus, de Dieu qui recommencerait sa création, car il maintient le monde avec les mêmes éléments», selon Carol Kaminski. «C’est une histoire de jugement contre le péché et d’un plan de la rédemption. La grâce encadre le récit.»

(job)