Vivre la Pâque pour comprendre la cène
Pour la tradition chrétienne, Jésus a institué la sainte cène lors du Seder, un rituel de la Pâque juive. «Les textes des évangiles et de Paul ne sont pas aussi clairs que cela», prévient Thérèse Glardon, formatrice d’adultes et enseignante d’hébreu biblique. «C’est une supposition basée sur les gestes décrits dans les textes.»
Difficile de comprendre la cènePasteur à la paroisse Chailly-Cathédrale à Lausanne, Virgile Rochat propose de vivre des éléments de cette liturgie entrecoupés de lectures de passages de l’Evangile lors du Jeudi saint. «Lorsque l’on vit la cène, on n’a pas forcément conscience qu’elle trouve ses origines dans un moment de fête. Il y a du vin, il y a des chants.» Ainsi pour le pasteur, «replacer la sainte cène dans sa culture a une valeur de catéchisme extraordinaire.» Interrogée à ce sujet, Thérèse Glardon souligne: «Il est difficile de comprendre la sainte cène aujourd’hui. De nos jours le sang du sacrifice n’est pas porteur de valeurs positives. Il évoque quelque chose d’horrible et suscite plutôt la répulsion.»
Une fête de la libérationLe Seder de Pessah célèbre la libération d’Egypte. «C’est une vraie pédagogie active, note Thérèse Glardon. On y mange des herbes amères pour rappeler le temps de l’esclavage, il y a de l’eau salée pour rappeler les larmes.» Un mélange de noix, de dattes, de pommes et d’épices rappelle le mortier avec lequel les Hébreux en esclavage fabriquaient des briques. Il y a aussi des massoths, des pains sans levain, «une tradition qui puise ses racines dans le nomadisme, on n’avait alors pas le temps de laisser lever du pain.» Sous sa forme actuelle, un os d’agneau rappelle les sacrifices au Temple de Jérusalem et un œuf dur rappelle la destruction de ce monument.
«On ne sait pas exactement quelle forme prenait ce rituel au temps de Jésus, rappelle Virgile Rochat. La mise par écrit des liturgies est ultérieure au Christ.» Thérèse Glardon souligne qu'il est davantage que symbolique: «Chacun doit se considérer comme esclave et vivre cette libération. Il ne s’agit pas de comprendre, mais de vivre cette cérémonie.»
La bénédiction du vin et du pain ainsi que le partage de ces aliments font aussi partie du Seder, note Thérèse Glardon, rappelant ainsi dans quelles circonstances Jésus fit ces gestes. «Le repas, c’est le lien qui rassemble. Le repas est un lieu de communion avec Dieu. La participation à ce repas est un fondement de l’identité juive, de même que l’eucharistie est un fondement de l’identité chrétienne.» Ainsi, cette liturgie prend place en grande partie autour du repas familial et les enfants y jouent un rôle: un jeu où est caché un bout de levain que doivent chercher les enfants fait partie du rituel, et cette liturgie, présidée par le père, débute traditionnellement quand le plus jeune des garçons demande: «pourquoi cette nuit est-elle différente des autres nuits?»
Vider le temple pour y installer une tableVirgile Rochat proposait de vivre cette Pâque juive quand il était pasteur à Yens. «C’était devenu une espèce de must», explique-t-il. De nombreuses personnes y participaient, y compris certaines ne faisant pas partie des habitués de l’Eglise. «J’ai ensuite eu l’occasion de le vivre plusieurs fois avec des étudiants lors de voyages à Jérusalem. Des versions de poche, car ce n’était pas facile à organiser dans ces conditions de voyage.» Enfin, il se souvient que lui-même avait vécu cette tradition comme paroissien: «A Begnins, le pasteur Jean Curchod vidait le temple d’une partie de ses bancs pour y installer une table de repas. C’est un souvenir fort.»