Des homosexuels musulmans affirment leur identité dans une exposition de photos à Toronto

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Des homosexuels musulmans affirment leur identité dans une exposition de photos à Toronto

Omar Sacirbey
30 juin 2014
Beaucoup de musulmans se détournent de l'islam quand ils estiment que leur sexualité et leur foi sont incompatibles. Mais une récente exposition photographique de musulmans homosexuels et allosexuels – ainsi qu'on désigne aujourd'hui en français canadien les minorités sexuelles – bat cette idée en brèche.

, RNS/Protesinter

L'exposition, qui s'est ouverte le 18 juin à la Toronto Public Library, fait apparaître l'humanité des sujets par une série de portraits intimes. Cette exposition est l'un des derniers exemples en date en Amérique du Nord où des musulmans LGBT revendiquent leur foi et, contre toute attente, refusent de taire leur orientation sexuelle.

«Dans le monde entier, des musulmans disent: "Ça suffit! Ma relation avec l'islam n'a pas besoin d'être une relation de culpabilité"», a déclaré la photographe Samra Habib, native de Toronto, qui est l'auteure de l'exposition «Just Me and Allah» (Rien qu'Allah et moi).

«Dans la plupart des communautés musulmanes, les personnes LGBT ne s'affichent pas, or c'est une vie indigne qu’ils mènent là», estime El-Farouk Khaki, avocat spécialiste de l'immigration à Toronto et l'un des visages de l'exposition. «Il est important de mettre fin à l'invisibilité.»

Samra Habib, qui se considère davantage comme une «allosexuelle» plutôt qu'une «homosexuelle», a expliqué avoir eu l'idée de prendre des photos de musulmans et musulmanes lesbiennes, gays, bisexuels et transgenre il y a quelques années après s'être rendu compte que d'autres personnes cherchaient, comme elle, à s'affirmer.

«Cela m'a rassurée d'apprendre que beaucoup de musulmans allosexuels dans le monde avaient cette discussion et j'ai pensé que ce projet pourrait contribuer à mobiliser la communauté musulmane allosexuelle», a indiqué Samra Habib, qui est aussi monteuse et productrice de contenus numériques, et qui a dans un premier temps publié ses photos sur la plate-forme de microblogage Tumblr.

Sur une photo, un jeune homme avec une barbe de quelques jours pose un regard fixe sur l'objectif, la tête recouverte de la capuche de son pull. Sur une autre photo, une femme aux cheveux courts arbore, dans son costume formel, un sourire désinvolte mais confiant.

La page Tumblr de Samra Habib contient aussi de petits entretiens filmés avec quelques-uns de ses sujets. «Nous avons toujours été là. Simplement, le monde n'était pas encore prêt», dit un sujet, Dalil, dans l'une des vidéos.

Pour sa part, El-Farouk Khaki explique qu'il a participé au projet moins dans l'espoir que cela puisse développer la tolérance parmi les musulmans que pour montrer aux jeunes qu'on peut être homosexuel et musulman.

«Cela s'adresse aux jeunes musulmans qui ont une orientation sexuelle différente: ils doivent savoir qu'il y a d'autres musulmans comme eux», a déclaré El-Farouk Khaki.

Pour El-Farouk Khaki et Samra Habib, les médias sociaux ont apporté une aide précieuse aux musulmans homosexuels. Facebook et Twitter ont permis aux musulmans homosexuels de se rencontrer avec une facilité qui était impensable il y a dix ou vingt ans. «Nous étions tous isolés», explique El-Farouk Khaki. «Nous n'avions l'assentiment de personne. Mais maintenant oui.»

Plusieurs responsables musulmans d'Amérique ont fait savoir que même s'ils croient que les relations homosexuelles constituent un péché, ils sont aussi convaincus que les communautés musulmanes ne devraient pas ostraciser les homosexuels.

Dans un entretien diffusé en 2013 sur YouTube, le cheikh Yasir Qadhi, célèbre imam américain qui tient le blog MuslimMatters.com, a déclaré que bien qu'il soit nécessaire de résister à toute envie d'avoir des relations sexuelles avec un partenaire du même sexe, «être homosexuel n'empêche pas d'être musulman.»

Cependant, en Amérique, où beaucoup de musulmans sont originaires de pays où l'homosexualité est stigmatisée voire même érigée en infraction, ce message ne passe pas toujours bien.

Ani Zonneveld, présidente de Muslims for Progressive Values, une organisation musulmane de défense de la cause homosexuelle, a déclaré que l'exposition de photos pourrait améliorer les relations entre les musulmans homosexuels et les autres musulmans. «Toute image qui donne un nom et un visage humain aux musulmans ayant une sexualité différente est utile», a-t-elle affirmé.

L'imam Talal Eid, ancien membre de la commission parlementaire des États-Unis pour la liberté religieuse dans le monde et aumônier à l'Université Brandeis de Waltham, dans le Massachusetts, a ajouté: «Dieu les a créés. Dieu leur a donné la liberté de choisir cette voie. Qui suis-je pour dire à quiconque ce qu'ils devraient faire?».

Cet article a été publié dans :

L'édition du 11 juillet 2014 du périodique suisse alémanique Reformierte presse.