Les châtiments corporels sont autorisés dans les écoles de 19 Etats américains

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Les châtiments corporels sont autorisés dans les écoles de 19 Etats américains

18 août 2014
Le recours aux punitions corporelles pour les élèves désobéissants sera interdit dans trois départements de Floride et deux de Caroline du Nord, dès la rentrée de septembre prochain. Pourtant, des centaines de districts scolaires infligent encore ces pratiques.

Par Rachel Chason USA Today/RNS/protestinter

De nombreuses études ont montré les effets négatifs des sanctions physiques sur les enfants. Selon le Département de l’éducation et des droits civils, le nombre d’étudiants frappés dans les écoles publiques américaines a diminué. Il est passé de 342'038 enfants en 2000 à 217'814 en 2009-2010.

Des études ont révélé que dans les Etats où ces pratiques sont autorisées – 19 Etats – elles sont utilisées de façon disproportionnée sur des élèves en situation minoritaire ainsi que ceux présentant des maladies mentales, physiques ou psychologiques.

Un rapport datant de 2008 de Human rights watch, une organisation internationale pour la protection des droits humains, a indiqué cependant que les étudiants afro-américains, environ 17% de la population estudiantine américaine, représentaient le 35,6% de ceux qui subissent des punitions corporelles. Parallèlement, au Texas, les enfants avec un handicap, environ 11% des élèves de l’année scolaire 2006-2007, représentaient 18,4% de ceux remis à l’ordre par ce genre de pratiques.

Pas d’interdiction fédérale

Les efforts pour interdire la sanction physique au niveau étatique et national n’ont eu que peu de répercussions. «La plupart des gens ne savent même pas que ce genre de corrections est encore pratiqué aux Etats-Unis», explique Carolyn McCarthy, la représentante du sud de l’Etat de New York, qui a réintroduit au Congrès un projet de loi visant à interdire ces pratiques, chaque année depuis 2010. «Ce n’est pas seulement nuisible physiquement, mais aussi psychologiquement. Il y a beaucoup d’autres moyens pour faire régner la discipline».

Bien que le projet de loi proposé par Carolyn McCarthy n’ait toujours pas abouti, les pratiques sont en train de changer au niveau des districts. Le directeur Mark Garrett a fait savoir que le Comté de McDowell, dans le sud des Appalaches en Caroline du Nord, a banni les châtiments corporels, à partir du printemps 2014, pour protéger les élèves. «Alors que nous en avons appris davantage sur les effets négatifs de ce genre de sanctions, nous avons décidé de changer les règlements. C’est toujours mieux d’être proactif», a-t-il expliqué.

«La punition corporelle est encore en vigueur dans de trop nombreux endroits», a déclaré James Mc Nulty, le fondateur du groupe Les Floridiens contre les punitions corporelles dans les écoles publiques (Floridians Against Corporal Punishment in Public School). «Dans les collèges où cela a lieu, les pratiques sont hors de contrôle».

Des sanctions efficaces

Dans le conté de Coffee, au sud-est de la Géorgie, le directeur Morris Leis précise que son école autorise les punitions corporelles, car elles sont efficaces. «Nous n’appliquons pas ce genre de méthode si les parents ne sont pas d’accord, mais nous n’avons pas reçu beaucoup de plaintes».

Le surintendant Tim Wyrosdick, dans le comté de Santa Rosa en Floride, a souligné que ce genre de corrections était «très répandu» parmi la majorité des parents dans ce comté. Mais Santa Rosa a interdit cette pratique à l’école en juin dernier, après que des parents ont accusé trois enseignants de maltraiter leurs enfants alors qu’ils leur avaient administré des châtiments corporels. «Nous avons pris la décision de protéger les professeurs», explique Tim Wyrosdick. «Les parents pourraient être d’accord avec les punitions corporelles puis changer d’avis. Ce qui mettrait les enseignants dans une position injuste».

Le Mississippi, le Texas et l’Alabama font partie des Etats qui utilisent le plus les châtiments corporels à l’école – avec plus de 100'000 incidents signalés en 2009 et 2010, selon le Bureau des droits civils. George Holden, un professeur de psychologie à l’Université méthodiste du Sud, à Dallas, a précisé que ces chiffres provenaient majoritairement des petites communes rurales. Au Texas, ces pratiques sont interdites dans les grandes villes comme Houston, San Antonio et Dallas.

Une pratique contreproductive

Selon George Holden, ce genre de punition est contreproductif et ne conduit pas à «un changement du comportement des élèves à long terme». «Cela rend les étudiants furieux et démotivés ainsi que moins communicatifs avec les enseignants».

Julie Worley, une mère de trois enfants dans le comté de Houston, à l’ouest de Nashville en Tennessee, partage l’avis du psychologue. Elle se bat contre ce genre de pratiques dans son district depuis 2008, alors que son fils de septième année a été menacé de punition corporelle. «Il s’agit de droits fondamentaux de nos enfants. Les études ont démontré que ces sanctions physiques provoquent des traumatismes psychologiques. Nous avons besoin d’une loi fédérale les interdisant».

De son côté, Deborah Sendek, la directrice des programmes du Centre pour une discipline efficace (Center for Effective Discipline) qui vise à abolir les punitions corporelles dans les écoles aux Etats-Unis, a déclaré que les risques de blessures ne devaient pas être négligés. «Nous apprenons aux éducateurs comment gérer une aire de jeux, superviser une cafétéria ou encore enseigner un programme scolaire. Mais personne ne vous explique comment frapper un enfant».

La cour rejette une plainte pour violation des droits constitutionnels

Les militants contre les châtiments corporels soulignent que même lorsque des parents protestent, les enseignants qui utilisent ces pratiques ont souvent l’immunité face à des poursuites judiciaires.

Les parents de Trey Clayton ont recherché une aide juridique après que leur fils s’était évanoui – une fracture de la mâchoire et de cinq dents –. Il avait été frappé par le directeur adjoint de son lycée dans le Mississippi, en mars 2011. «Si des parents l’avaient traité ainsi, ils seraient derrière les barreaux et ne reverraient probablement jamais leur fils», a expliqué Joseph Murray, l’avocat qui représente la famille Clayton. Néanmoins, le Tribunal du district et la Cour fédérale d’appel du cinquième circuit (U.S. Court of Appeals for the 5th Circuit) ont rejeté l’argument selon lequel les droits constitutionnels des Clayton auraient été violés. (lv)

Cet article a été publié dans :

L'édition du 19 août 2014 du quotidien genevois Le Courrier.