Didier Halter: «Peut-être que l’existence d’un pôle de formation pastorale romand va faire prendre conscience de la profonde unité des Eglises romandes»

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Didier Halter: «Peut-être que l’existence d’un pôle de formation pastorale romand va faire prendre conscience de la profonde unité des Eglises romandes»

19 septembre 2014
Après leur master en théologie, les futurs pasteurs doivent suivre une formation professionnelle qui dépend des Eglises. Désormais, les cantons ont uni leurs forces et la prochaine volée de pasteurs en mars prochain, suivra un cursus entièrement géré au plan romand. Jusqu’ici, l’Office protestant de la formation dispensait une série de cours qui s’intégraient dans les différents plans de formations des Eglises cantonales. Le point avec Didier Halter, directeur de cet office.

Propos recueillis par Joël Burri

Didier Halter, la formation professionnelle des pasteurs des Eglises réformées est désormais unique pour toute la Suisse romande. Qu’est-ce que cela change?

Les changements sont de trois ordres. D’abord, il y a une véritable «romandisation» de la formation. Cela signifie concrètement que l’acceptation en formation, son suivi et sa validation finale seront faits selon des procédures et des critères romands. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’était pas encore le cas. Jusqu’à présent, à l’Office protestant de formation (OPF) nous pouvions avoir dans une même volée des gens qui avaient été acceptés et qui seront suivis et validés selon des critères variables d’un canton à l’autre, ce qui pose un certain nombre de problèmes en termes pédagogiques et de motivation. On pouvait ainsi avoir le cas de personnes qui étaient acceptées par une Eglise, refusées par une autre et se retrouvaient ensemble en formation.

Le deuxième point qui change est une plus nette distinction entre les parcours de formation diaconaux et les parcours de formation pastoraux. Distinction ne signifie pas exclusion, puisqu’il y aura toujours des jours de formation communs, mais très clairement on a conçu deux parcours pour deux métiers dont un certain nombre de choses se recoupent. Ce qui n’est pas le cas actuellement puisque dans la partie pratique du stage, pasteurs et diacres suivent, pour le moment, exactement le même cursus. Il y a une volonté que la formation ne contribue plus à la confusion des ministères.

Le troisième point est que sur la base de ces spécificités on a vraiment pensé une formation en alternance. C’est-à-dire où la pratique sur le terrain du stage et les formations données sont beaucoup plus étroitement articulés. Pour donner un exemple, jusqu’à présent les pasteurs et diacres indifférenciés avaient une semaine sur la prédication et la célébration qui était donnée en bloc sans aucun lien ni avec ce qu’ils faisaient dans leur stage ni avec le fait qu’ils avaient une pratique particulière ou pas. A partir de la prochaine volée, il y aura un certain nombre de jours éclatés consacrés à la prédication avec des exercices concrets de prédication à faire durant la durée du stage. Le but est vraiment de mettre en synergie ce que les stagiaires peuvent vivre sur le terrain et ce que l’on peut leur apporter en journée de formation.

Cela signifie que durant la formation, les différentes identités de nos Eglises cantonales seront davantage prises en considération?

Un des points de départ de notre réflexion, c’est que l’OPF réunit régulièrement les responsables des ministères ou les responsables des ressources humaines des Eglises et qu’avec ce petit groupe nous avons mené un travail pour aboutir à la rédaction de deux référentiels de compétences. Ce sont des documents qui essaient de décrire quelles sont les compétences nécessaires pour l’exercice du métier de pasteur et pour l’exercice du métier de diacre. Et nous avons réussi à formaliser pour chacune de ces deux formations un document de référence pour toutes les Eglises réformées romandes.

Si nous l’avons réussi, c’est que, en fait, et c’est mon sentiment, dans la pratique on a entre 80 et 90% de choses en commun et entre 10 et 20% de spécificités cantonales. Mon sentiment est d’ailleurs qu’on est plus proche des 10 que des 20% de spécificités cantonales.

On ne gomme pas les différences, mais on part du principe que, dans la pratique, que tu sois pasteur à Yverdon, à Sierre, dans la grande banlieue genevoise ou sur le haut du canton de Neuchâtel, 90% des compétences nécessaires sont les mêmes. Avec peut-être des accentuations différentes, mais globalement le métier est le même. Il n’y a donc pas de raison de commencer une formation professionnelle par la partie concernant les spécificités.

Il faut rappeler que notre objectif, à l’OPF, est tout de même de former des généralistes aptes à exercer leur métier dans la pluralité des situations qui existent. En formation initiale, on ne forme pas des spécialistes de la catéchèse ou des spécialistes de l’aumônerie des personnes âgées, pourtant là aussi il y a des différences. Peut-être que l’existence d’un pôle de formation romand va faire prendre conscience plus fortement de cette unité profonde. Mais nous ne sommes pas une structure qui va créer l’unité, au contraire c’est parce qu’il y a unité que cette formation commune est possible.

Et pratiquement? Comment forme-t-on un pasteur?

Notre métier à l’OPF est de prendre un théologien universitaire ayant suivi l’enseignement de la théologie pratique jusqu’au master et à travers notre parcours de formation d’en faire un pasteur de terrain. Mais si le master est un prérequis pour entrer en stage, il n’y donne pas droit automatiquement. Il y a d’autres prérequis qui seront maintenant gérés au niveau romand par une Comission Romande des Stages (COROSTA). Ils concernent la personnalité, le savoir-être, le système de conviction de foi, etc. qui sont aussi examinés. Ce sera le rôle de la COROSTA de vérifier l’adéquation potentielle de la personne avec sa future fonction.

Ensuite, la personne qui souhaite être pasteur va effectuer un stage de 18 mois avec un maître de stage qui est également formé par l’OPF pour ce travail. Le maître de stage est chargé d’accompagner, mais aussi d’évaluer le travail du stagiaire sur le terrain. Pendant ces 18 mois, le candidat va également effectuer un certain nombre de microstages qui sont destinés, soit à lui permettre d’approfondir une réalité particulière, par exemple il y aura un microstage consacré à la question de l’écoute et de l’accompagnement, mais aussi des microstages de découvertes d’autres réalités d’Eglises comme les services cantonaux ou auprès de services partenaires comme les Centres sociaux protestants ou DM-Echange et Mission.

Répartis durant ces 18 mois de stages, il y a 60 jours de formation qui couvrent l’ensemble des compétences requises. Au cœur du métier, on a défini d’une manière un peu pompeuse, que la compétence principale d’un pasteur était d’être «un expert en théologie articulée à la réalité humaine.» Le métier d’un pasteur, c’est de pouvoir faire le lien entre la théologie, comme une expression de la foi, et la réalité humaine. Ces jours de formation sont sous la responsabilité de l’OPF et sur ces 60 jours, il y a 20 jours en commun avec les diacres.

Ces jours de formation couvrent d’une part des domaines d’approfondissement théologique, tels que l’herméneutique et l’interprétation: «comment je passe d’un texte biblique à une prédication?». D’autre part, ces formations traitent de questions pratiques: la communication, la connaissance de la société dans laquelle on vit, pédagogie, psychologie, etc. Enfin, nous proposons aussi un approfondissement dans le domaine spirituel puisque l’on part du principe que la spiritualité d’un futur pasteur est l’un des outils essentiels dans l’exercice d’un ministère, et c’est surtout un outil qui lui permet de durer dans le temps. Un pasteur qui dure c’est un pasteur qui prend soin de sa vie spirituelle.

Quelques chiffres

Encadré chiffres La nouvelle formation durera 18 mois et débutera tous les 2 ans (contre une formation annuelle actuellement dans la plupart des cantons)
L’OPF s’attend à accueillir entre 8 et 10 pasteurs stagiaires et environ autant de diacres stagiaires.