Créationnisme et théorie du genre: même défaut?
Suzette Sandoz, professeur honoraire de droit à l’Université de Lausanne revient sur l’enseignement des théories créationniste et genre. Toutes deux ont fait couler beaucoup d’encre.
Certains milieux politiques s’inquiètent de la présentation, dans des écoles privées, du créationnisme comme une vérité scientifique. Leur inquiétude paraît à la fois fondée et très étriquée.
Elle est fondée dans la mesure où l’on ne saurait prétendre en effet que le récit de la création du monde dans le livre de la Genèse soit un récit scientifique. J’avoue même que sa force symbolique est beaucoup plus grande quand il est reconnu sans prétention scientifique, parce qu’elle met en évidence et l’ignorance de l’homme et la puissance de la révélation biblique. Réduit à une portée scientifique, le récit de la Genèse devient une découverte comme n’importe laquelle, sujette à toutes les modifications, relativités, querelles et jalousies des produits scientifiques en général et perd toute dimension prophétique.
J’ai personnellement toujours été fascinée par la manière qu’avait l’auteur du récit de concilier un Dieu pour qui le temps n’existe pas («mille ans sont comme un jour») avec un monde où le facteur temps est primordial. Etre capable, plusieurs siècles avant notre ère, de concevoir que le monde créé par un Dieu tout-puissant – qui aurait pu se contenter d’une chiquenaude pour créer le monde — aurait eu besoin de six jours (humains!) pour être complet, c’est d’une puissance symbolique exceptionnelle. En fait, le texte de base de la théorie de l’évolution, c’est la Genèse! Mais la Genèse n’est pas un récit scientifique et le faire croire est assurément une sorte de tromperie.
Pas de preuve scientifique de l’inexistence de DieuMais il y aurait aussi tromperie si l’on prétendait que la théorie de l’évolution est la preuve scientifique de l’inexistence de Dieu ou de la nature exclusivement animale de l’homme. La crainte des pourfendeurs du créationnisme est donc étriquée quand ils ne demandent pas que l’enseignement de l’évolution dans les écoles – privées ou publiques – soit bien distingué de toute glorification de l’athéisme. Parce que la théorie de l’évolution peut prendre des allures de «foi» au même titre que le créationnisme, mais simplement en sens inverse, avec le risque – toujours existant quand on aborde une question de foi – d’avoir autant de fanatiques chez certains défenseurs de la pure évolution que chez certains défenseurs du créationnisme.
Nier l’importance fondamentale de la différenciation sexuelle est tout aussi absurde que de nier l’évolution.Proche de la querelle ci-dessus me semble être la nouvelle théorie du genre, selon laquelle le sexe n’aurait aucune importance, la différenciation homme/femme notamment ne reposant que sur des a priori sociologiques. Nier l’importance fondamentale de la différenciation sexuelle est tout aussi absurde que de nier l’évolution. Cela revient au même que d’affirmer que la genèse est un texte scientifique. Alors, de grâce, que l’on ne vienne pas enseigner dans les écoles publiques la théorie du genre comme une théorie scientifique. C’est une nouvelle catégorie de religion, de profession de foi et ce serait tromper gravement les élèves que de lui accorder une valeur scientifique quelconque, fût-ce sous le prétexte de «lutter contre les discriminations».
La lutte contre les discriminations repose sur l’enseignement du respect des personnes, quelles que puissent être leurs différences et non pas sur la négation des différences. La véritable égalité exige la capacité de découvrir la valeur réelle de la personne, au-delà des différences, mais avec celles-ci. La théorie du genre n’y tend pas du tout. Elle est destructrice, mensongère et dangereuse. C’est une religion malsaine. Ce n’est pas une théorie scientifique.