La faim menace de saper les mesures de quarantaine prises pour endiguer l’Ebola

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La faim menace de saper les mesures de quarantaine prises pour endiguer l’Ebola

30 octobre 2014
Le risque de famine et de malnutrition dans les communautés touchées par le virus Ebola en Afrique de l’ouest menace de saper l’efficacité des mesures de quarantaine, et avec cela, favoriser la dissémination du virus. L’association anglaise Christian Aid lance une alerte.

Photo: Zone de quarantaine CC(by)CDC Global

(EPNN/Protestinter) Alors que le taux de personnes contaminées continue d’augmenter, l’ONG Christian Aid invite la communauté internationale à aborder le problème d’insécurité alimentaire qui touche plus d’un million de personnes qui se trouvent en quarantaine en Sierra Leone.

Avec les hôpitaux et les centres de traitement dont la capacité d’accueil est déjà surchargée, des mesures de quarantaine efficaces, mais humaines sont la clé pour stopper la propagation du virus, dit Adrian Ouvry, directeur du programme humanitaire de Christian Aid. Il a déclaré: «des ménages, des voisinages, et même des quartiers entiers ont été isolés en Sierra Leone.»

«Pour briser la chaîne de transmission, nous devons limiter le mouvement de personnes. Mais c’est contre-productif de limiter leurs mouvements sans subvenir à leurs besoins. La pauvreté endémique, l’augmentation des prix de la nourriture, et l’aide limitée que reçoivent les communautés affectées forcent les gens à quitter les foyers de quarantaine pour pouvoir faire vivre leurs familles, accroissant les possibilités de transmettre le virus à d’autres.»

«Si vous êtes un parent avec un enfant affamé, alors vous n’avez pas d’autre choix que de penser à votre survie un jour après l’autre. Pour pouvoir survivre, des familles de la Sierra Leone sont obligées de briser la quarantaine pour essayer de gagner de l’argent, et acheter de la nourriture. Nous ne voulons pas d’une situation dans laquelle un parent est confronté à seulement deux options: le risque de s’exposer eux-mêmes ou de potentiellement exposer d’autres personnes au virus, ou celui de voir leurs enfants avoir faim.»

«Le gouvernement et les organisations d’aide doivent reconnaître que la quarantaine ne pourra être effective, que si les personnes mises à l’isolement sont assurées d’être approvisionnées de manière suffisante et constante en aliments nutritifs et en eau potable. Faute de quoi, la question de la faim et de la sécurité alimentaire viendra compromettre le succès des mesures de quarantaine.»

Le Programme alimentaire mondial a commencé à distribuer une assistance alimentaire d’urgence à plus d’un million de personnes à travers la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia. Les rations alimentaires contiennent un mois de riz, des légumes secs, de l’huile végétale et du sel pour les familles. Mais le besoin est bien plus important encore.

Theresa Bagrey, ancienne infirmière et chargée du programme de santé communautaire pour Christian Aid, est basée à Freetown. Elle déclare: «beaucoup de gens ici ont encore besoin de sortir chaque jour, pour chercher leur pain quotidien. Les marchés sont toujours bondés et très animés, car les gens se déplacent et essaient désespérément d’acheter, de vendre, pour survivre tant bien que mal. En attendant, les rations données aux foyers en quarantaine ne sont ni assez nutritives, ni en quantité suffisante, et c’est un vrai problème. Cette question doit être résolue.»

A ce jour, plus de 4500 personnes sont mortes de la maladie Ebola en Afrique de l’Ouest. Alors que la solution globale a été concentrée sur le traitement médical, la menace de la famine pourrait déstabiliser les efforts pour enrayer l’épidémie, avertit Christian Aid.

Adrian Ouvry a déclaré: «jusqu’à présent, une grande partie de l’attention des médias a été concentrée sur le besoin urgent de traitement médical, ce qui est vital, et nous saluons les efforts actuels des gouvernements et des organisations d’aide. Cependant, la communauté internationale risque de laisser de côté un élément de réponse très important pour la réussite: il s’agit de s’occuper des besoins élémentaires à la survie de ceux qui sont touchés de près par l’épidémie.»

«En Sierra Leone, les fermiers ne sont pas en mesure de semer ou de récolter, ce qui a des implications majeures sur le reste de la chaîne alimentaire. Il y a d’énormes restrictions au niveau du transport de denrées alimentaires, et des marchés locaux hebdomadaires sont fermés. Avec pour résultat que le coût des matières premières alimentaires monte fortement, ce qui affecte autant la qualité que la quantité des repas que les familles peuvent se permettre de manger. Par exemple, le prix d’un sac de 50 kg de riz — la nourriture de base en Sierra Leone — a augmenté à plus de 5£ (soit 6€30 ou 7fr60). Ces perturbations peuvent causer d’immenses privations, particulièrement pour les nombreuses personnes qui vivent déjà chichement.»

L’organisation Christian Aid travaille en Sierra Leone depuis plus de 25 ans, assurant le développement des programmes au travers de partenaires locaux, s’attaquant à des problèmes comme les violences à caractère sexiste et le virus du sida. L’organisation a mobilisé des réseaux existants, notamment 9000 volontaires venant de 9 régions, pour faire face à la crise d’Ebola, se concentrant sur des tâches d’éducation à la santé dans les communautés locales, afin de développer la sensibilisation aux mesures de prévention.