Les impôts – une question de justice sociale

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Les impôts – une question de justice sociale

20 novembre 2014
Chaque semaine, Protestinfo donne carte blanche à une personnalité réformée.

Le professeur de théologie systématique Pierre Bühler a souhaité défendre l’initiative «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires» soumise au vote le 30 novembre.

Le 30 novembre, les citoyennes et citoyens suisses devront dire s’ils veulent maintenir ou abolir les forfaits fiscaux pour les riches étrangers qui s’installent en Suisse et qui n’y exercent pas d’activité lucrative. Qu’est-ce que cela signifie en clair? Au lieu d’être imposés, comme nous tous, d’après leur revenu et leur fortune, ils peuvent se faire imposer forfaitairement d’après leur train de vie (impôt d’après la dépense). Ce type d’imposition est accepté dans 21 cantons et pratiqué pour l’impôt fédéral direct, et il touche environ 5600 personnes en Suisse. Ces dernières années, cinq cantons ont supprimé ces forfaits fiscaux, et cinq autres ont durci les conditions qui y donnent droit. L’initiative propose une suppression sur l’ensemble de la Suisse.

Dans les arguments pour et contre, on discute beaucoup des avantages et désavantages de part et d’autre. N’est-ce pas très profitable d’attirer de grandes fortunes, en leur réservant un traitement de faveur? Et n’y perd-on pas à chasser ces super-riches de Suisse, en leur imposant une taxation normale? Mais d’autres soulignent que les cinq cantons qui ont aboli ces forfaits fiscaux n’ont pas connu de grandes pertes, même si quelques contribuables sont partis. Selon eux, l’abolition pourrait même susciter certaines rentrées supplémentaires.

Dans ces discussions, on oublie souvent qu’avant d’être une affaire d’avantages et de désavantages, de pertes et de profits, il en va tout simplement d’une question de justice sociale. Déjà, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 le stipulait clairement (article 13): «Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable: elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.» N’est-ce pas intéressant tout de même que le devoir de payer un impôt, appelé ici «contribution commune», ait trouvé sa place dans la Déclaration des droits de l’homme ! Il en va donc d’un devoir fondamental, de niveau éthique, et on voit mal pourquoi les riches étrangers devraient en être exemptés. Et cet article 13 impose un principe d’égalité: cette contribution «doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés». Donc: non pas en fonction du train de vie, plus ou moins dépensier (qui pourra le vérifier?), mais sur la base du revenu et de la fortune, comme tout le monde!

Faire des exceptions à cette règle d’égalité conduit à ouvrir la porte à l’arbitraire. Si l’on ferme les yeux sur l’imposition, on ne vérifiera pas non plus trop si la domiciliation est effective, ni si l’interdiction d’exercer une activité lucrative est bien respectée. Quand on pense aux tracasseries sans fin que subissent à cet égard les étrangers pauvres qui échouent chez nous, on est choqué par tant de favoritisme. Ce sont eux qui auraient besoin de forfaits!

Notre pays, avec sa tradition démocratique, n’a pas le droit de se mettre en porte à faux par rapport aux règles élémentaires de la cohésion sociale, en faisant des offres douteuses à des personnes qui n’en ont pas besoin. Je voterai pour l’abolition des forfaits fiscaux.