La double casquette du Conseil synodal: une erreur
Suzette Sandoz, professeur honoraire de droit à l’Université de Lausanne et membre du Synode de l’Eglise réformée vaudoise s’inquiète de ce qu’avec la nouvelle constitution vaudoise, l’exécutif de l’Eglise vaudoise cumule les casquettes.
Photo: CC(by-nc-sa) Sam Breach
Le changement de statut de l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud (EERV) lié à la nouvelle constitution du canton de Vaud a des conséquences que l’on ne découvre ou ne comprend que peu à peu. L’une de ces conséquences est sa responsabilité d’employeur. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la constitution vaudoise de 2003, l’EERV n’était qu’un service décentralisé de l’Etat et n’avait comme tel, pas la personnalité juridique. Les ministres étaient donc des «employés de l’Etat» avec, certes, une très grande indépendance, toujours scrupuleusement respectée par l’Etat. Le Conseil synodal – en sa qualité d’organe exécutif de l’EERV – n’assumait donc véritablement qu’une responsabilité théologique et ecclésiale, ce qui est sa véritable fonction.
Avec la nouvelle organisation de l’EERV, le Conseil synodal porte soudain une double casquette: d’employeur (au nom de l’EERV) et de responsable théologique et ecclésial (avec le Synode). Ce cumul de deux fonctions est éminemment malheureux, car il fausse le rapport entre employeur et employé; à cause de son rôle ecclésial, le conseil synodal est investi d’une autorité hiérarchique incompatible avec le principe de l’égalité des parties en droit du travail.
Il faut avouer que, sans avoir pleinement conscience du problème, le Synode a précisé, lors de la précédente législature, dans le règlement ecclésiastique, que le Conseil synodal était bien «l’employeur» du personnel de l’EERV, donc des ministres, ce qui est juridiquement inexact, puisque c’est en fait l’EERV, mais ce qui contribue à officialiser la malheureuse double casquette dudit Conseil. J’avoue d’ailleurs n’avoir pas vu au bon moment l’ampleur du problème.
La recherche d’une solution est urgenteOr cette situation est particulièrement préoccupante, car elle est défavorable aux rapports de confiance et de respect qui devraient régner au sein de l’EERV, notamment entre les ministres et leur «employeur»/chef «religieux». La recherche d’une solution est impérative et urgente.
On pourrait concevoir, par exemple, de confier la responsabilité d’employeur – toujours au nom de l’EERV, puisque c’est elle qui a la personnalité – à un organe purement administratif de l’EERV, lié ou assimilé à l’Office des ressources humaines (ORH) qui devrait alors impérativement avoir un directeur laïc. C’est cet office, par son directeur, qui serait chargé d’engager, au nom de l’EERV, et de licencier au même titre. On pourrait alors prévoir, par exemple, qu’il soit obligatoire de recourir contre les décisions de licenciement auprès d’un des membres du Conseil synodal avant de pouvoir saisir le tribunal des prud’hommes, comme il est parfois prévu, en droit, de recourir à un chef de département contre une décision d’un chef d’office. Il est clair que cela devrait figurer dans la CCT. On doit d’ailleurs se demander s’il est juste que la CCT soit négociée par le Conseil synodal, dans la mesure où ce dernier est également supérieur ecclésial des membres de la ministérielle. Mais laissons pour l’heure cette question de côté. Elle ne fait que mieux souligner l’ambiguïté de la situation du Conseil synodal dans la nouvelle situation de l’EERV.
Pour en revenir aux cas de licenciements de ministres, on pourrait également imaginer de rendre obligatoire, avant un tel licenciement par ledit ORH, le recours à la commission de médiation prévue par le règlement ecclésiastique.
Un aspect de sanction disciplinaire ecclésiastiqueIl est absolument essentiel de trouver un moyen, d’une part, de ne pas faire prendre une décision de licenciement d’un ministre par le Conseil synodal, afin de ne pas donner à ce qui est un pur événement de droit du travail un aspect de sanction disciplinaire ecclésiastique. D’autre part, il importe de mettre tout en œuvre pour essayer de développer au sein de l’EERV une culture d’entreprise marquée au coin du respect et de l’écoute mutuels. Comme employeur, l’EERV a le devoir de donner l’exemple d’une humanisation des rapports de travail.
Le travail des ministres n’est pas qu’une activité de salariés protégés par une convention collective, c’est une vocation dont la dimension ne peut pas être ignorée et dont le rayonnement contribue largement à l’évangélisation, mission de l’Eglise.
Le rôle actuel du Conseil synodal, à la fois employeur et supérieur hiérarchique des ministres du point de vue ecclésial n’est pas dans l’intérêt de l’EERV. Il est urgent de chercher une solution afin d’assurer dans l’harmonie le meilleur service de tous. Ce doit être un élément du programme de législature.