Des enfants soldats se battent contre le groupe Etat Islamique en Syrie

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Des enfants soldats se battent contre le groupe Etat Islamique en Syrie

Sophie Cousins
27 novembre 2014
Les autorités syriennes se sont engagées à retirer tous les enfants-soldats des troupes combattant le groupe Etat islamique. Mais les jeunes concernés se voient déjà comme de vrais soldats et refusent de quitter les forces combattantes.

Photo: Une kalachnikov, CC(by-nc-sa) Moshe Reuveni,

, Qamishli (Syrie), USA Today/RNS/Protestinter

Un garçon kurde qui n’a pas l’air d’avoir plus que 11 ans monte la garde à l’entrée d’une base militaire dans le Nord-est de la Syrie. Le bas de ses pantalons traîne par terre et sa chemise pend sur ses épaules osseuses, et il est là, campé dans un uniforme militaire trop grand pour lui, à côté d’un fusil automatique Kalachnikov. Il refuse de donner son nom et de dire son âge, par peur des représailles.

Le département d’Etat américain déclare être préoccupé par l’utilisation d’enfants-soldats, car il se trouve que les Etats-Unis aident ces combattants kurdes, qui luttent contre les militants de l’Etat islamique en Syrie, par des parachutages d’armes et de matériel fourni par les autorités irakiennes.

Les autorités locales se sont engagées cet été à retirer l’entier des quelque 149 enfants-soldats des rangs de la principale force armée kurde, l’Unité de protection du peuple (GPJ), mais le porte-parole du groupe, Redur Khalil, admet qu’il en reste encore quelques-uns parmi sa troupe de 50’000 hommes déployée dans la région. «Des cas d’enfants-soldats existent encore, ce n’est pas un fait totalement inconnu», a-t-il dit, en rajoutant qu’il était difficile de savoir combien il en restait.

La ville syrienne assiégée de Kobané est un cas particulier, «parce qu’elle est l’objet d’attaques, de sorte que nous n’avons pas eu l’occasion de vérifier s’il y a là des mineurs qui se battent», a déclaré Redur Khalil.

Retour à la base Kurde dans la région de Tel Hamis: un combattant de 15 ans affirme que le garçon qui garde le check-point a le même âge que lui. Ce qui ne justifie rien, étant donné que l’adolescent est quand même en dessous de l’âge légal pour être soldat (18 ans); le droit international interdit d’impliquer des enfants dans des affrontements directs, y compris aux check-points. Alors que des soldats plus vieux regardent, l’adolescent qui a donné son âge refuse de dire son nom, visiblement effrayé. Aucune caméra n’est autorisée sur la base, ou dans quelque endroit que ce soit où l’on peut voir des enfants-soldats.

Dans un appartement résidentiel de la banlieue de Derik, dans le nord de la Syrie, des dizaines de combattants se remettent de leurs blessures. Parmi eux se trouve Naso, qui souffre de deux blessures par balle après des affrontements avec le groupe Etat islamique à Rabia, à la frontière entre l’Irak et la Syrie. Naso, qui comme les autres garçons refuse de donner son nom en entier, a dit avoir rejoint les forces kurdes deux mois plus tôt, après que ses deux frères aient été tués au combat. Il avait alors 16 ans. Un soldat plus vieux lui chuchote alors quelque chose à l’oreille. «Oh pardon, je me suis trompé, en fait j’ai 19 ans!» corrige alors Naso précipitamment.

Enfants endoctrinés dès leur plus jeune âge

Beaucoup de ces enfants devenus soldats ont été poussés politiquement et endoctrinés depuis leur plus jeune âge par leurs familles, qui soutiennent les combattants kurdes, a déclaré Mehmet Balci, directeur du programme pour le Moyen-Orient dans l’organisation humanitaire l’Appel de Genève, basée en Suisse et qui a pour but de protéger les civils et les enfants dans les conflits armés.

Parmi les 149 qui ont été soustraits des forces kurdes au cours de l’été, quelques-uns sont rentrés chez eux, a dit Mehmet Balci. «Mais on pense que d’autres se sont enfuis… pour probablement rejoindre à nouveau le GPJ», a-t-il rajouté.

Pour combattre ce problème récurrent, le gouvernement autonome autoproclamé de la région a mis en place six camps d’entraînement dans le but de recevoir des enfants retirés des rangs des combattants, et de proposer un horizon meilleur à ceux qui voudraient les rejoindre, mais qui sont encore trop jeunes.

Mais même ces camps conçus pour les adolescents entre 16 et 18 ans, où ils apprennent la langue kurde, la politique, les droits des femmes et la self-défense connaissent des problèmes. Galia Naamet, qui est responsable d’un de ces camps pour les enfants-soldats dans une des trois enclaves kurdes de Syrie, a révélé que des enfants de 13 étaient autorisés à les rejoindre. «C’est important de comprendre que tout le monde a été influencé par le GPJ, de sorte qu’il a été difficile de fermer nos portes à un certain groupe social, notamment à ceux qui sont âgés de moins de 18 ans», a-t-elle dit.

Ils se voient comme de vrais soldats

Il y a toutefois des signes encourageants: plusieurs enfants ont été retirés des combats à Kobané pour être placés dans des camps, a rajouté Galia Naamet. On leur a donné de nouveaux vêtements: pantalons traditionnels de la marine et chemise mauve, ce qui les distingue et montre qu’ils n’ont pas atteint l’âge légal pour combattre. Lorsque ces enfants ont été enlevés des lieux de combats, «nous avons eu des réactions fortes» a-t-elle avoué, «il s’est avéré difficile de faire comprendre aux enfants les raisons de cela. Ils se voyaient eux-mêmes comme des soldats à part entière, pleinement adultes.»

Cet article a été publié sur:

Le site internet de La Liberté, le 27 novembre 2014.