Le jour de la Saint Patrick: incontournable dans le monde anglo-saxon

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Le jour de la Saint Patrick: incontournable dans le monde anglo-saxon

Kimberly Winston
16 mars 2015
Pour les catholiques, les Eglises de la communion anglicane et certains luthériens, le 17 mars est le jour de la fête de Saint Patrick. Pour le reste des anglo-saxons, c’est simplement «le jour de la Saint Patrick», une occasion de faire la fête en plein milieu de semaine jusqu’à en devenir vert. Mais qui était Patrick? A-t-il vraiment chassé les serpents d’Irlande ou utilisé le trèfle pour expliquer la Trinité? Pourquoi fait-on mémoire ce jour-là de ce prêtre du cinquième siècle? Questions-réponses

Photo: CC(by-nc-nd) NoHoDamon

RNS/Protestinter

Saint Patrick a-t-il réellement existé, et si oui, aurait-il aimé la bière verte, traditionnellement bue le jour de sa fête?

Oui, il s’agit bien d’un personnage historique, mais on ne sait pas grand-chose de sa vie. Il est né en Angleterre à la fin des années 300, dans une famille d’aristocrates. L’Empire romain s’était déjà étendu jusque-là, et Patrick n’était même pas irlandais, tout comme la grande majorité des gens qui célèbrent aujourd’hui le jour de la Saint Patrick. Dans l’un des deux seuls documents parvenus jusqu’à nous et qui lui sont attribués, sa «Confession», on apprend que son père était un diacre chrétien, mais que le jeune Patrick n’était pas pieux.

A 16 ans, il est capturé par des pillards irlandais qui lui font traverser la mer d’Irlande et le réduisent en esclavage. Patrick passe alors six ans tout seul dans la lande déserte, s’occupant des moutons de son maître, et priant sans cesse. «C’est au milieu d’étrangers que je me suis rendu compte à quel point j’étais petit», peut-on lire dans sa «Confession». C’est là qu’il commence à avoir des visions et à entendre des voix lui disant: «regarde, ton bateau est prêt.» Patrick quitte alors son troupeau et parcourt environ 300 km à pieds pour rejoindre la côte.

C’est un pari que l’on est assez sûr de gagner que de penser qu’aurait bien aimé boire une bière, verte ou autre, au moment d’embarquer dans le bateau en partance pour l’Angleterre.

Si Patrick était anglais, comment est-il devenu si étroitement associé aux Irlandais?

De retour en Angleterre, Patrick aurait fait un rêve dans lequel il entend la voix des Irlandais qu’il a laissés derrière lui dire: «nous vous supplions de venir pour marcher parmi nous une fois de plus». Prenant cela comme un signe, Patrick s’embarque pour un monastère en Gaule, la France d’aujourd’hui, et fait son éducation religieuse. Il devient ainsi prêtre, diacre et enfin évêque, puis il retourne en Irlande au milieu des années 400. Il crée des couvents, des monastères et des évêchés au travers de toute l’Irlande, confrontée alors à des rois tyranniques. Il est à l’origine de la conversion des centaines de milliers de personnes.

Il était si populaire que quand il est mort le 17 mars à la fin des années 400 (les chercheurs ne sont pas sûrs de la date), ses disciples se sont fait la guerre pour avoir la garde de son corps.

Mais qu’en est-il des serpents, et du trèfle? Et de la prière qui lui est attribuée et qui est encore chantée le jour de la Saint Patrick?

Tout cela appartient en fait à la légende. Patrick n’a pas chassé les serpents d’Irlande, pour la bonne raison qu’il n’y en a jamais eu sur cette grande île! Mais l’histoire est probablement une métaphore pour rappeler que Patrick a chassé du territoire les druides et d’autres formes de paganisme irlandais. Et il n’y a aucun moyen de savoir si Patrick a bien ramassé un trèfle à trois feuilles afin d’expliquer la doctrine chrétienne de Dieu comme Père, Fils et Esprit Saint. Mais c’est une belle histoire. De la même manière, la prière appelée «cuirasse de Saint Patrick» a en fait été composée au XIIe ou au XIIIe siècle.

Et voici un fait amusant: Patrick a été sanctifié par un évêque local peu de temps après sa mort, sans passer par le circuit officiel de l’Eglise catholique, qui n’était pas encore en place. Donc aucun miracle n’a été nécessaire pour décider de sa sainteté. Il a bénéficié d’une espèce de droit acquis.

Si Saint Patrick n’a rien fait de ce que lui attribue la légende, qu’est-ce qu’il a donc fait pour que la postérité lui dédie une journée entière? Sans compter le nombre de défilés et la bière verte qui coule à flots?

Pour faire court, Patrick était un franc-tireur, un iconoclaste, un pionnier. Et malgré ses origines aristocratiques, il n’a jamais oublié le berger qu’il a été, ce garçon nu, grelottant de froid et de faim sur une colline irlandaise. «Pour moi, le Patrick imaginaire est très intéressant en tant que phénomène culturel, mais pas comme homme de foi», a déclaré Philip Freeman, spécialiste de l’Irlande médiévale et de Saint Patrick, auteur du livre «Saint Patrick d’Irlande». «Il a terriblement souffert, il était tourmenté par le doute, mais il est toujours allé de l’avant pour répandre l’Evangile» explique le chercheur. Il a également été le premier père de l’Eglise à s’élever contre l’exploitation des femmes, en particulier les esclaves. Et à une époque où l’influence des figures de proue chrétiennes comme l’apôtre Paul ou Augustin n’avaient jamais quitté les frontières de l’Empire romain, Patrick a été le premier missionnaire auprès de personnes considérées comme barbares. Pour reprendre les mots de l’historien Thomas Cahill: «ce qu’il a fait était d’une façon aussi courageux que ce qu’a fait Christophe Colomb, et mille fois plus humain.»

Les célébrations de la Saint Patrick

Le jour de la Saint Patrick est un jour férié en Irlande depuis 1903. Dès 1990, la fête devient pour le gouvernement l’occasion de promouvoir la culture irlandaise.

Le vert est la couleur symbolique du jour, et chaque année, la rivière Chicago est teinte en vert à cette occasion. La plus grande parade se déroule dans la ville de New York, et rassemble plus de 2 millions de spectateurs dans la 5e avenue, devant les tours de la cathédrale Saint Patrick.

A San Francisco, la statue de l’évêque irlandais est promenée sur un char tout de vert décoré.

La prière de Saint Patrick

Extrait d’une traduction de la prière de Saint Patrick, écrite en vieil irlandais:

Je me lève aujourd’hui par une force puissante, l’invocation de la Trinité,
la croyance en la Trinité, la confession de l’unité du Créateur du monde.
Je me lève aujourd’hui par la force de la naissance du Christ et de Son Baptême,
la force de Sa Crucifixion et de Sa mise au tombeau,
la force de Sa Résurrection et de Son Ascension, la force de Sa Venue au jour du Jugement.
[…]
Je me lève aujourd’hui par la force de Dieu pour me guider,
la puissance de Dieu pour me soutenir, l’intelligence de Dieu pour me conduire,
l’œil de Dieu pour regarder devant moi, l’oreille de Dieu pour m’entendre
la parole de Dieu pour parler pour moi, la main de Dieu pour me garder,
le chemin de Dieu pour me précéder, le bouclier de Dieu pour me protéger.