Le suicide des chrétiens muets
Régulièrement choqué par notre société de loisirs et de consommation ainsi que par le monde politique, Jacques-André Haury se fâche de ne jamais entendre les Eglises réaffirmer leurs valeurs
Illustration: Détail d’une photo de «singes de la sagesse» CC(by-sa) Japanexperterna.se.
Fête du slip… silence! «Clitoris-moi»… silence! Si j’étais musulman, je serais horrifié de vivre dans une civilisation qui consacre ses festivités publiques à des dérives aussi dégradantes. Et je voilerais ma femme, après avoir pris toutes les mesures pour que mes enfants, surtout mes filles, en soient protégés. L’intégration, dont tous les beaux esprits progressistes se vantent, suppose aussi que la population d’accueil ne provoque pas inutilement les étrangers et ceux qui proviennent d’autres cultures.
Si les dirigeants politiques démissionnent, on pourrait attendre de nos Eglises, pour le moins, qu’elles prennent leur distance. Je ne veux pas faire de longs discours sur tout ce qui sépare l’Amour de l’Evangile de ces dérives: ce serait trop facile.
Depuis quelques années, la COOP a cru intelligent de proclamer «Pour moi et pour toi». On le lit dans toutes les succursales, on l’entend annoncer dans les haut-parleurs au moment où, en famille, on fait ses courses quotidiennes. Les chrétiens auraient pourtant eu une bonne occasion d’affirmer que leur foi, c’est «Pour toi, d’abord, pour moi, ensuite». Je connais beaucoup de gens, chez nous, même éloignés de toute pratique religieuse, qui demeurent choqués chaque fois qu’ils lisent ou entendent ce slogan publicitaire profondément opposé aux règles morales qu’ils ont apprises et qu’ils s’efforcent de pratiquer chaque jour.
Rappeler le message de l’EvangileAu cours des dernières années, les Suisses ont été appelés à s’exprimer sur l’internement à vie des criminels dangereux, ou sur la suppression de la prescription pour certains délits. On aurait voulu entendre les Eglises rappeler que le message de l’Evangile est centré sur le Pardon; rappeler que ce pardon structure notre ordre juridique, notamment en fixant un terme aux condamnations «à vie» et fixant un délai de prescription au-delà duquel on ne revient plus sur les affaires trop anciennes. Dans d’autres civilisations, ces notions sont absentes, mais elles sont présentes dans la civilisation chrétienne. Les Eglises se sont tues…
Dans de nombreux pays, les chrétiens sont réduits au silence, au risque de mort. Chez nous, ils sont libres de parler et de critiquer. Et que font-ils de cette liberté? Rien! Silence. L’actualité nous offre chaque jour l’occasion d’affirmer nos valeurs fondamentales: les Eglises sont muettes. A force de se taire, les chrétiens se seront suicidés. Et il ne faudra pas chercher à en faire porter la faute aux autres… ce qui n’est pas non plus une démarche fondée sur l’Evangile.