Une militante athée bangladaise menacée de mort trouve refuge aux Etats-Unis

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Une militante athée bangladaise menacée de mort trouve refuge aux Etats-Unis

Kimberly Winston
12 juin 2015
Taslima Nasrin, une gynécologue bangladaise de renommée internationale dont la vie était en danger, a quitté l’Inde pour les Etats-Unis. Un groupe extrémiste, qui a déjà tué au moins l’une des trois personnes athées assassinées récemment en Asie du Sud, la menace de mort.

Photo: Taslima Nasrin en 1994 devant le Parlement européen ©Reuters/RNS

(RNS/Protestinter)

Taslima Nasrin, qui est gynécologue, romancière et poète, est arrivée dans l’état de New York mercredi 27 mai, grâce à l’intervention du Center for Inquiry (CFI), une organisation qui promeut la laïcité et qui travaille avec de nombreux militants athées, dans des pays où l’athéisme n’est pas toléré, et où sont en vigueur des lois qui punissent le blasphème.

«Les groupes extrémistes ont déclaré publiquement qu’ils veulent tuer Taslima Nasrin», a expliqué Michael de Dora, le directeur de la politique gouvernementale du CFI, président du Comité des organisations non gouvernementales (ONG) pour la liberté de religion et de croyance des Nations Unies (NGO-CFRB). «Ces deux dernières semaines, il y a eu une montée en puissance des menaces, et c’est pourquoi nous étions si inquiets».

Les menaces de mort ont suivi la publication d’un livre

La gynécologue bangladaise, âgée de 52 ans, est bien connue parmi les athées dans ce pays et à l’étranger. Elle est devenue célèbre au Bangladesh avec la publication 1993 de son premier roman, «Honte», qui détaillait les tensions entre musulmans et hindous dans son pays, et faisait un plaidoyer contre la religion. Le livre a été interdit au Bangladesh et son auteure est devenue l’objet d’une fatwa (une sanction religieuse islamique) qui réclame sa mort pour blasphème. En 1994, elle a dû quitter secrètement le Bangladesh pour gagner l’Inde voisine.

Elle a voyagé aux Etats-Unis à plusieurs reprises pour des conférences, y compris à des conventions annuelles des athées américains, et à la Fondation de la liberté de religion. Le CFI a tout récemment obtenu une carte verte pour Taslima Nasrin, et va l’aider à trouver du travail.

Même si elle a reçu des menaces dans le passé, sa situation était encore devenue plus dangereuse depuis le meurtre en février dernier d’Avijit Roy, un athée bangladaiso-américain, à Dhaka. Avijit Roy était un ami de Taslima Nasrin, blogueur très populaire et athée militant.

Deux autres blogueurs athées ont été brutalement tués au Bangladesh cette année: Washiqur Rahman et Ananta Bijoy Das, les deux associés de Avijit Roy, qui faisaient aussi partie de l’entourage de l’écrivaine.

Michael de Dora a révélé que la section d’Al-Qaida du sous-continent indien a revendiqué la responsabilité du meurtre d’Ananta Bijoy Das, et a envoyé des messages menaçants à Taslima Nasrin. Il explique: «quand vous voyez trois personnes assassinées au cours de trois mois et que vous voyez ces mêmes menaces contre une autre militante, vous prenez ces menaces très au sérieux».

Une voix formule de vives critiques sur le sol américain

Sufia Uddin, experte de ​​la religion au Bangladesh et directrice du programme d’études islamiques à l’université du Connecticut, est sceptique quant à l’immigration de Taslima Nasrin. «Elle sait que Bangladesh n’est pas un endroit où elle peut écrire un blog qui condamne dans son intégralité la religion de l’Islam», a-t-elle critiqué, «alors pourquoi blogue-t-elle à ce sujet? Qu’est-ce qu’elle cherche à obtenir de plus que le dessin d’une cible sur sa tête? Je ne suis pas sûre de comprendre cette stratégie».

Mais Sufia Uddin fait aussi remarquer que la situation politique au Bangladesh se détériore, surtout depuis qu’un parti politique laïc est arrivé au pouvoir. «Il y a beaucoup d’exécutions extrajudiciaires qui ont lieu, et il y a un tribunal de crimes de guerre dont les affaires sont entachées d’incidents qui font penser que le gouvernement interfère avec le système judiciaire», a-t-elle reconnu. «C’est une situation qui devient de plus en plus explosive».

Arrivée discrète et nouveau départ

Taslima Nasrin a été accueillie à l’aéroport sur le sol américain mercredi dernier par des représentants du CFI, mais Michael de Dora a déclaré qu’elle ne voulait pas pour l’instant communiquer quoi que ce soit aux médias occidentaux, au sujet de son déménagement.

Le lundi 1er juin, le CFI a débloqué un fonds d’urgence de 50’000 dollars pour permettre à la réfugiée de faire face à ses besoins. Tous les fonds encore disponibles seront utilisés pour aider d’autres militants menacés. Michael de Dora a révélé que le CFI travaille en ce moment avec environ une demi-douzaine d’athées bangladais dont les vies sont menacées par Al-Qaïda et par d’autres extrémistes.