Pour les chercheurs, le rapport à la sexualité n’est pas une question de salut

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Pour les chercheurs, le rapport à la sexualité n’est pas une question de salut

20 août 2015
En fin de mandat et au vu des débats animés que cette question allait provoquer, le Conseil de l’Eglise protestante d’Allemagne a décidé de faire une pause dans la mise à jour de ses lignes directrices en matière de sexualité. Cette question pourra être reprise par l’équipe qui sera élue en novembre 2015. Mais le débat est relancé par la publication par les éditions de l’Eglise d’une recherche esquissant les grandes lignes d’une éthique protestante moderne de la sexualité.

Photo: CC(by) Rafal Majewski

Francfort-sur-le-Main (EPD/Protestinter) Selon les théologiens et les sociologues, les questions de sexualité, au sein de l’Eglise protestante, ne devraient pas être pas être élevées au rang de «question de salut», mais plutôt traitées «avec délicatesse et de manière apaisée». La sexualité, en tant que dimension fondamentale de la vie humaine, est également un défi pour la vie religieuse et nécessite un renouvellement de l’éthique: c’est ce que recommandent les auteurs d’un texte sur l’éthique de la sexualité publié par EPD, les éditions de l’Eglise protestante d'Allemagne(EKD). Parmi ces auteurs figurent Peter Dabrock, protestant et spécialiste d’éthique sociale, Renate Augstein, juriste, et Cornelia Helfferich, sociologue.

Certains de ces auteurs ont également fait partie d’une commission qui, à la demande du Conseil de l'EKD, élaborait depuis 2010 un document d’orientation sur l’éthique protestante de la sexualité. La dernière publication de l’Eglise protestante sur le sujet, intitulée «Mémoire sur les questions d’éthique sexuelle», datait de 1971. L’année dernière, l’EKD a tout d’abord interrompu ce projet. En effet, le document de l’EKD sur la famille a ouvert un débat controversé, qui a mis en évidence un besoin d’éclaircissement supplémentaire face aux questions fondamentales. Selon eux, la commission n’aurait plus assez de temps pour traiter définitivement son projet pendant le mandat actuel du Conseil. Le nouveau Conseil de l’EKD, qui sera élu en novembre, pourrait décider de la procédure à adopter. Peter Dabrock, en tant que président de la commission, a déclaré qu’il regrettait cette décision.

Une porte-parole de l’EKD a déclaré que la publication de Peter Dabrock et des autres auteurs serait accueillie comme une importante contribution au débat sur l’éthique de la sexualité au sein de l’Eglise et de la société. Elle a rappelé que ces débats demandent du temps et de la volonté afin de s’écouter mutuellement avec attention et respect. Au début de l’année 2014, il est devenu clair que d’ici la fin du Conseil, en novembre 2015, la consultation du Conseil sur un projet de texte, moins approfondi que le thème ne le nécessiterait, serait envisageable, a-t-elle expliqué. C’est pourquoi la commission a immédiatement interrompu son travail. Au même moment, le Conseil a souligné son intérêt pour une discussion théologique de bien plus grande envergure.

La sexualité: une grave source de conflit en Eglise

Les questions autour de la sexualité se sont parfois révélés être les «plus graves sources de conflit» dans le protestantisme et dans certaines autres confessions chrétiennes, écrivent les chercheurs. Lorsque certaines formes de sexualité ne respectent pas les critères comme la libre volonté, le respect de l’altérité, la protection des personnes concernées, l’égalité des chances et la volonté de fidélité, «l’Eglise protestante se doit de défendre les personnes désavantagées ou en danger», peut-on lire dans le texte intitulé «Effrontément belle: l’éthique de la sexualité, protestante et réaliste», qui sortira en livre au mois d’août. Toutefois, l’approche protestante ne devrait pas se résumer aux conflits et à la culpabilisation. C’est bien plutôt l’utilité vitale de la sexualité, en tant que «bel enrichissement», qui devrait être abordée lors de l’accompagnement spirituel, de l’éducation religieuse, pendant le culte et dans le sermon.

La sexualité: pas seulement un problème

On ne devrait pas seulement évoquer dans le discours religieux la sexualité comme un problème, mais on pourrait au contraire citer plus souvent des passages de la Bible qui «sont bienveillants envers la vie et la sexualité», recommandent les chercheurs. Toutefois, pour ménager une pudeur largement répandue, cela demande une certaine habileté et une préparation minutieuse. A titre d’exemples positifs, on pourra citer un culte particulier le jour de la Saint-Valentin ou des manifestations paroissiales comme un dîner aux chandelles ou une soirée tango célébrant la sensualité. La sexualité, explique le livre, est fondamentalement quelque chose de merveilleux et de précieux, et c’est ce que devrait être le message de l’Eglise.

Dans le contexte de certains abus sexuels commis y compris dans les instances ecclésiastiques, des mesures de protection devraient être mises en place, comme des espaces de dialogue en toute sécurité, comme le propose l’une des recommandations. De plus, l’Eglise protestante devrait offrir plus de conseils en thérapie sexuelle. Faire de la sexualité un tabou ne ferait qu’encourager les cas de violences sexuelles.

Les chercheurs abordent également les débats de l’Eglise sur les relations avec les personnes d’orientation sexuelle différente. Il s’agit principalement du sens de l’orientation sexuelle. Ils renvoient par exemple aux débats sur la bénédiction des couples homosexuels ou de la cohabitation des partenaires homosexuels dans les presbytères: «Après une première phase où la bénédiction des couples homosexuels devait se faire honteusement dans les arrières-chambres de l’Eglise et n’était qu’implicitement tolérée, de plus en plus d’Eglises sont passées à l’offensive: elles donnent désormais officiellement aux couples homosexuels la possibilité de placer leur relation sous la bénédiction de Dieu.» Malgré des débats houleux, on remarque une volonté de réflexion et une sensibilité accrues au sein de l’Eglise protestante, concluent les auteurs.