François et les vaudois d’Italie: erreur sur les moyens, mais pas sur la fin?
Journaliste et pasteur, le directeur de Médias-pro – le département protestant des médias – Michel Kocher revient sur la réponse donnée par les vaudois du Piémont à la demande de pardon du pape.
Image: gravure de Gustave Dore (1832-1886) représentant le massacre des vaudois de Mérindol dans le Lubéron en 1545
Quand vous vous êtes sérieusement disputés avec votre conjoint, votre collègue ou vos voisins et que vous cherchez à renouer, un des obstacles, si ce n’est le premier, est celui de trouver un agenda de dialogue, accepté par les deux parties. Si chacune se donne comme objectif prioritaire de se faire entendre, le travail de réconciliation sera long. Deux points de vue se juxtaposeront, jusqu’à ce que se dégage une voie, pour que l’une des parties au moins, soit disposée à faire de l’écoute des questions de l’autre sa priorité.
Ce décentrement est l’une des clefs d’un processus de réconciliation. Il est rendu d'autant plus difficile que souvent les blessures sont asymétriques. Tout le monde a en mémoire le travail de la Commission vérité et réconciliation en Afrique du Sud. L’essentiel de son apport fut de donner la parole aux victimes pour qu’elles racontent ce qu’elles ont traversé et que les bourreaux entendent.
Toutes proportions gardées, le geste du pape François, de demander pardon aux vaudois du Piémont et à leurs ancêtres pour les souffrances liées à la persécution de Pierre Valdo et de ses compagnons, ressort du même processus, celui de la réconciliation des identités. Cet homme a le courage et la simplicité de rendre visite aux responsables de l’Eglise vaudoise d’Italie, pour leur demander pardon. Ce geste est à saluer comme le franchissement d’un seuil dans un processus de réconciliation.
Ce faisant, ce pape s’est exposé à avoir face à lui un vis-à-vis dont «l’agenda» n’est pas le même. En répondant qu’elle ne pouvait pardonner à la place des morts, mais que l’Eglise vaudoise souhaitait être reconnue par Rome comme une «vraie» Eglise… c’est exactement ce qui s’est passé. Son agenda sur le chemin de la réconciliation n’est pas le même. Une nouvelle phase commence, grâce à François.
Cette phase est difficile pour les deux protagonistes. Sans s’arrêter sur la question de savoir si l’on peut ou non pardonner à la place des victimes, force est de constater que la réponse des autorités de l’Eglise vaudoise d’Italie les expose à une critique: comment une Eglise peut-elle ne pas pardonner? La réponse prendra du temps pour être entendue par le partenaire et l’opinion publique catholique.
Quant au pape, sa situation n’est pas moins aisée. En demandant simplement à être pardonné, mais sans entrer dans une reconnaissance spirituelle et théologique des fondements sur lesquels la protestation de Pierre Valdo s’est fondée, il soulève une question délicate pour Rome: que faut-il entendre dans sa demande de pardon? «Nous nous sommes trompés sur les moyens (la violence), mais pas sur la fin – l’Eglise romaine garde seule la plénitude évangélique». François aura du pain sur la planche pour convaincre le partenaire.