Une pasteure luthérienne atypique est devenue une star aux Etats-Unis

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Une pasteure luthérienne atypique est devenue une star aux Etats-Unis

Konrad Ege
28 septembre 2015
La pasteure tatouée et provocatrice Nadia Bolz-Weber, casse les clichés sur les chrétiens rangés et discrets. Persuadée que chacun est à la fois un saint et un pécheur, elle traite, dans son dernier livre de saints accidentels, ou comment Dieu rencontre parfois les mauvaises personnes. L’ouvrage fait partie des meilleures ventes aux Etats-Unis.

Photo: CC(by-nc-nd) Luther Seminary

, Washington, EPD/Protestinter

Lorsque l’on écrit sur la pasteure Nadia Bolz-Weber, la plupart du temps il est fait mention de ses nombreux tatouages dès le début du texte. Et ce ministre du culte luthérien hors norme fait couler beaucoup d’encre. En effet, la fondatrice de la communauté «Maison pour tous les pécheurs et les saints» à Denver dans le Colorado rassemble les univers: le milieu culturel des tatouages et la foi traditionnelle.

Cela ne passe pas inaperçu. Le site internet religionandpolitics.org qualifie Nadia Bolz-Weber élogieusement de «porte-parole du christianisme progressiste», et en version musclée, selon le quotidien le «Washington Post». Le livre de Nadia Bolz-Weber, «Accidental Saints», vient de paraître et fait partie de la liste des bestsellers aux Etats-Unis. Il y est question de «saints accidentels», c’est-à-dire d’hommes qui malgré de nombreux manques auraient trouvé Jésus, à la fois saints et pécheurs, comme elle. En ce qui concerne le nom de la communauté, elle s’est inspirée de Martin Luther (1483-1546). Pour le réformateur, nous serions tous des «pécheurs et des saints» à la fois, dit-elle.

Nadia Bolz-Weber est ministre du Culte de l’Eglise protestante luthérienne en Amérique, elle est mariée à un pasteur et mère de deux enfants. Cette femme de 46 ans a des fans dans tout le pays. Lors de ses apparitions, elle est habillée en noir, ses bras et une partie de son dos sont découverts. Il faut voir les tatouages aux motifs bibliques, comme celui de l’annonce de la naissance de Jésus ou celui de Marie-Madeleine, dont on dit dans l’Evangile selon Saint-Jean qu’elle a appris la première la nouvelle de la résurrection.

Les tatouages ne sont «pas une carapace», assure Nadia Bolz-Weber. L’encre raconte son histoire personnelle. Le premier tatouage a été fait pendant son adolescence. A l’époque, elle était déjà exceptionnellement grande, plus d’1m80. Un ami de la famille aurait alors dit qu’elle était «comme une rose avec une longue tige». Son premier tatouage a donc été une telle rose, aujourd’hui à peine identifiable.

Pour beaucoup de membres de l’Eglise luthérienne, comptant le plus grand nombre de membres aux Etats-Unis, l’art corporel est encore assez déroutant. Dans les sermons de la pasteure, en partie tenus dans un langage haut en couleur, il est pourtant réellement question de la Bible. Nadia Bolz-Weber parle de Jésus, des péchés, de grâce complètement non méritée. «C’est ça pour moi la foi, l’amour de Dieu, qui purifie et qui pardonne», écrit Bolz-Weber.

Et elle provoque, comme récemment lors d’un séminaire à Washington devant des centaines d’auditeurs, en majorité des femmes: elle y demande comment il est possible que de disciples sentant le poisson, de prostituées et de percepteurs d’impôts puisse naître une Eglise de classe moyenne dans laquelle des gens vont à l’église une fois par semaine, portent des vêtements délicats et font comme si tout était sous contrôle.

Le marché des possibilités religieuses est vaste. Beaucoup d’Américains, des jeunes avant tout, se distancient des religions organisées, ils se concoctent un «patchwork» de croyances. L’Eglise protestante luthérienne en Amérique a perdu un million et demi de membres entre 1987 et 2014. Nadia Bolz-Weber n’a pas de penchant pour l’ésotérique et le spirituel, trop narcissique et éloigné de la réalité. De son point de vue, être religieux signifie être un Homme en communauté, et lors d’une messe «on apprend d’un Dieu qui est venu du ciel afin de pénétrer la souffrance et la beauté de l’humanité».

Nadia Bolz-Weber est née dans un foyer chrétien fondamentaliste. Selon elle, cela n’aurait pas fonctionné. Après beaucoup d’alcool et de sexe, la recherche de nouvelles mouvances et variations religieuses du christianisme l’aurait menée à sa foi en Jésus et aux luthériens, raconte-t-elle. L’évêque Jim Gonia du synode luthérien des montagnes Rocheuses tient en estime la «Maison pour tous les pécheurs et les saints». Elle a «touché beaucoup de personnes qui ne se seraient pas senties les bienvenues dans d’autres communautés».

La «Maison» a commencé avec huit personnes qui s’étaient rassemblées pour parler de leur vie, de Dieu et du monde. Le premier dimanche de l’avent en 2008, 30 visiteurs ont assisté au premier vrai service religieux. Aujourd’hui, ils atteignent régulièrement 200 personnes, dont des gays et des lesbiennes, des personnes avec des problèmes psychiques, des infirmes et des ex-alcooliques, selon la pasteure.