Les chrétiens sont fatigués d’être dans le camp des «méchants»

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Les chrétiens sont fatigués d’être dans le camp des «méchants»

7 décembre 2015
Les chrétiens conservateurs de l’Etat d’Indiana ne veulent pas inclure les questions d’orientations sexuelles et d’identité de genre dans les droits civils. Ils craignent de perdre leur droit à la parole contre l’homosexualité.

Photo: USA Today/RNS/Kelly Wilkinson

Par Stephanie Wang (USA Today/RNS/Protestinter)

Indianapolis – C’est de la discrimination, de la haine, de la bigoterie! Voici la teneur des propos utilisés par les défenseurs des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT). Ces avocats, luttant contre les chrétiens conservateurs qui sont fidèle à leurs croyances du bien et du mal, se demandent pourquoi certaines personnes pourraient refuser aux autres leurs droits. Mais plusieurs chrétiens répliquent qu’ils sont fatigués d’être considérés comme des méchants, comme des bigots ou des détracteurs. Ces derniers ressentent ces accusations de la même façon: du fanatisme, de la haine et de la discrimination dirigés contre eux.

Ils ont l’impression d’être «victimes d’intimidation». Dans un pays où la majorité semble se déplacer loin des interdictions bibliques, ils estiment que le gouvernement les abandonne. Autrefois au cœur de la politique américaine, certains évangéliques se sentent de plus en plus relégué à la frange, trahis par leurs propres législateurs conservateurs.

Les droits des LGBT que d’autres voient de plus en plus comme une question de droits civils, certains évangéliques les considèrent comme une faute morale. Ils craignent que des protections étendues créent des «droits spéciaux» pour le LGBT qui pourraient ainsi supplanter leur droit à la parole contre l’homosexualité.

Une menace pour la liberté de croyance

«Pour ces chrétiens, – et c’est une question qui divise de nombreux chrétiens – les droits des LGBT représentent une menace. Et c’est au gouvernement de décider si leur droit à l’expression religieuse «se termine» où les droits des autres commencent», a expliquer Arthur Farnsley, le directeur adjoint du Centre pour l’étude de la religion et de la culture américaine à l’Université Purdue, en Indiana.

«A partir d’un certain point, on va dire aux gens: «Vous pouvez avoir vos croyances religieuses et vos opinions. Et vous pouvez les pratiquer dans vos églises, vos synagogues et vos mosquées. Mais dans l’espace public, vous allez devoir faire face à la plus grande diversité et reconnaître les lois sur les droits civils», a expliqué Arthur Farnsley.

Mais où sera établie la ligne entre la religion et la sphère publique? Au siège du Congrès de l’Indiana, le Révérend Ron Johnson de l’Alliance des pasteurs de l’Indiana s’est adressé à la foule en ces termes: «Nous ne sommes pas ici aujourd’hui parce que nous sommes en colère. Nous ne sommes pas ici parce que nous détestons les gens. Nous sommes ici parce que nous aimons Jésus». Les adeptes ont porté les paroles du révérend jusqu’au Capitole de l’Etat.

La position du gouvernement controversée

«Je ne connais pas meilleur endroit pour louer Dieu que les couloirs du gouvernement», a-t-il ajouté. «Comment le gouvernement peut-il forcer des personnes à agir contre leur conscience religieuse – contre une croyance inébranlable que le mariage consiste en l’alliance d’un homme et d’une femme?», a demandé Ron Johnson. Selon lui, la décision de la Court Suprême de reconnaître le mariage pour les personnes de même sexe ne change pas sa vision traditionnelle des choses.

Ron Johnson ne peut pas adhérer à l’idée d’orientation sexuelle et d’identité de genre, soulignant que ces concepts ont été créés par les défenseurs de LGBT. Et, d’ailleurs, il ne croit pas que la discrimination de LGBT est une question de droits civils. Il ne reconnaît pas l’existence d’un préjudice causé à l’égard de la communauté LGBT, précisant qui personne ne leur refuse un logement ou un emploi. Selon lui, être gay ou transgenre n’est pas une caractéristique immuable.

«Etendre les droits civils pour inclure les questions d’orientations sexuelles et d’identité de genre accorderait un statut spécial aux couples de même sexe qui souhaitent organiser des cérémonies de mariage, conduisant ainsi à des amendes et des sanctions pour les propriétaires d’entreprises chrétiennes qui ne veulent pas violer leurs croyances», a expliqué Ron Johnson. «Nous sommes ceux qui avons besoin d’un statut spécial de protection car nous sommes attaqués de toute part. La façon dont on nous dépeint ne correspond pas du tout à la réalité», a-t-il ajouté.

«La vérité se trouve dans la Bible»

Josh Boss, un jeune homme de 29 ans qui fait partie de l’Eglise Pierres Vivantes, est contre tout ce qui n’est pas dans la Bible. «La vérité se trouve dans la Bible. Si nous n’avons pas de références pour le bien et le mal, qui sommes-nous?», a-t-il demandé. «Mais l’Etat essaie d’imposer d’autres vérités. Ce n’est pas que nous voulons imposer nos croyances aux autres, nous voulons pouvoir dire à la société ce qui est vrai pour nous sans être punis pour cela».

Cela signifie, a-t-il ajouté, être en mesure de condamner l’homosexualité comme un péché, comme Dieu appelle à le faire. Cela signifie avoir le droit de dire qu’en raison de la création d’Adam et d’Eve, Dieu n’a pas l’intention de marier deux hommes ou deux femmes.

Pour de nombreux évangéliques, la religion est sans limite. Elle imprègne chaque partie de leur être, ce qu’ils sont et ce qu’ils font, ainsi que la façon dont ils élèvent leurs enfants ou qu’ils gèrent leur travail. La religion va bien au-delà des murs de l’église. Cette liberté de religion – la liberté de pratiquer et d’exprimer – est garantie par la Constitution.

Le gouvernement doit protéger la religion

Le sénateur de l’Etat d’Indiana Jim Tomes a déclaré dernièrement devant une foule de partisans religieux: «Les gens me disent: «Il y a une séparation entre l’Eglise et l’Etat, ne le comprenez-vous pas? Non! Je ne le comprends pas». Ce jour-là plusieurs pasteurs ont encouragé ces propos soulignant que le gouvernement n’était pas Dieu, mais qu’il avait besoin de Dieu. Ils soutiennent que le gouvernement ne peut pas empiéter sur la religion mais a le devoir de la protéger par-dessus tout.

Pour ces évangéliques, qui sont guidés par l’Alliance des pasteurs de l’Indiana et par des groupes de lobbying conservateurs influents comme l’Institut de la famille de l’Indiana, il n’y a pas de compromis. Etendre la loi sur les droits civils pour y inclure l’orientation sexuelle et l’identité de genre comme des catégories protégées serait vécu comme une trahison de leurs propres droits constitutionnels.

«Est-ce que le gouvernement peut s’opposer à leur foi», a demandé Peter Scaer, un des pasteurs de l’Alliance et professeur associé au Séminaire de théologie Concordia à Fort Wayne. «Il n’est pas juste question de politique. C’est à propos de ce que nous sommes. Comment un pays peut-il transformer une faute morale en un droit civil?»

Beaucoup d’évangéliques affirment qu’ils ne font pas confiance aux médias et pensent qu’ils agissent contre eux. Ces personnes ont été beaucoup plus réticentes à parler avec la presse que les défenseurs des LGBT par crainte d’être rejetés et considérés comme bigots. Ils ont ainsi l’impression que leur point de vue n’a pas reçu la même attention.

Un soutien aux LGBT

Mais pas tous les chrétiens partagent la même opinion. Certains d’entre eux ainsi que d’autres groupes religieux soutiennent la politique de non-discrimination pour les LGBT, y compris une coalition chrétienne et un groupe de 141 responsables religieux qui ont signé une lettre de soutien.

L’évêque William Gafkjen, qui dirige les congrégations de l’Eglise luthérienne américaine en Indiana et au Kentucky, a affirmé que l’ajout de droits civils ne menaçait pas sa liberté religieuse. «Parfois, à force de se crier dessus, nous oublions que la liberté religieuse existe déjà», a-t-il dit. Pour lui, servir son prochain «l’emporte dans la sphère publique». Et il a cité ce que le fondateur de son Eglise, Martin Luther, avait dit à propos du cordonnier chrétien: il a honoré Dieu pas en mettant des petites croix sur chaque chaussure, mais en réalisant les meilleures chaussures qu’il pouvait.

Conserver la liberté religieuse

Jennifer Luedtke, âgée de 40 ans, est également membre de l’Eglise Pierres Vivantes. Elle s’est rendue à Indianapolis avec son fils, Riley, de 4 ans, pour se battre pour la liberté religieuse. «Nous voulons juste nous battre pour conserver ce que nous avons», a-t-elle dit.

C’est la peur qui porte toute cette problématique: les conservateurs religieux perdent du terrain. Ainsi sur des questions comme celles des droits pour les LGBT, «certaines personnes vont forcément ressentir une perte», a expliqué Arthur Farnsley. Si les évangéliques vont dans ce sens, s’ils perdent un tout petit peu de leur liberté, que va-t-il se passer ensuite? Dans quelle mesure, se demandent-ils, leurs droits religieux vont-ils être érodés?

Pour Jennifer Luedtke, cette peur est justement ce qui l’a amenée au Capitole pour encourager, applaudir et prier. Elle s’inquiète pour l’éducation de son fils. Que faire s’il ne peut pas dire «que Dieu te bénisse» quand quelqu’un éternue ou s’il ne peut pas exprimer son opinion sur la création? «Je ne veux pas qu’il aille en prison», a-t-elle ajouté. «Et si un jour, il crée sa propre entreprise, je veux qu’il puisse agir en toute conscience sans être pénaliser par le gouvernement».