Témoignage: «On m’a reproché d’être homosexuel»

Agressions sexuelles, emprise, thérapie de conversion: les victimes témoignent. / ©iStock
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Agressions sexuelles, emprise, thérapie de conversion: les victimes témoignent.
©iStock

Témoignage: «On m’a reproché d’être homosexuel»

Culpabilisation
Les abus en contexte ecclésial revêtent des formes très diverses. Trois victimes racontent ce qu’elles ont vécu dans différentes Eglises réformées romandes, et exigent la fin de la culture de l’impunité.

Arnaud* grandit et fait son catéchisme dans une paroisse réformée «de couleur évangélique », dans les années 1990. «Même si ma famille proche n’était pas de cette tendance, j’ai vécu à l’adolescence une conversion de type ‹evangelical›. Je me suis beaucoup investi ensuite dans divers groupes de jeunes.» En grandissant, il prend peu à peu conscience qu’il est attiré par les garçons. «Dans ma paroisse, l’homosexualité était perçue comme une ruse de Satan pour nous détourner du salut. C’était une évidence. Je priais tous les jours pour que Dieu me délivre du péché.»

De ces années-là, Arnaud retient surtout une atmosphère, un système de pensée uniforme, et des discussions au sein du groupe de jeunes où est parfois abordée la question de la sexualité, «selon une vision extrêmement classique, hétérosexuelle et entre personnes mariées». Un événement particulier lui reste encore aujourd’hui. «Lors d’une soirée d’organisation d’un camp dans une autre paroisse réformée de tendance évangélique, à l’évocation d’une ‹boum› déguisée, le couple pastoral avait exigé que l’on interdise de se travestir en fille ou en garçon si nous étions de l’autre sexe.» Et à la fin de la soirée de préparation, le dérapage: «Pendant une prière en groupe, la femme de ce couple a lourdement insisté pour que je soigne mes blessures et que je redécouvre ma masculinité.»

Arnaud prend ses distances en entrant en faculté de théologie. «Ça a été une libération. A la fac, j’ai redécouvert les textes bibliques et leurs tensions internes. J’ai surtout découvert le fait qu’on ne pouvait pas les lire avec la volonté de les appliquer sans être influencé. Dans le milieu où j’ai grandi, j’étais influencé par une lecture normative que personne ne remettait en question.» Après quelques mois, Arnaud est en couple avec son premier petit ami. Mais la nouvelle fuite et, du jour au lendemain, il perd la plupart de ses copains. «Une vie croyante, ça prend de la place dans le quotidien! Tout à coup, je n’ai plus vu des personnes dont j’étais très proche et que je voyais tout le temps. C’était extrêmement violent.»

Le divorce est consommé quand son pasteur de paroisse lui propose une promenade en tête à tête, loin du territoire paroissial. Le pasteur exprime sa déception quant aux «choix» du jeune homme. «J’étais fâché. Aucun gay ne choisit d’être gay. Mais on me le reprochait. J’ai eu le sentiment très net qu’on me mettait la faute sur le dos pour que le système ne soit pas pris en défaut ni remis en cause.» Aujourd’hui, Arnaud estime avoir été victime d’un abus collectif, dans le sens d’une utilisation abusive de la parole biblique. Et il craint que cela ne se produise encore. «J’aimerais que les Eglises réformées assument leur identité et leur rapport critique à la Bible, qu’elles soient plus claires sur ce qui est acceptable ou non en leur sein. La bienveillance œcuménique ne justifie pas le silence sur certaines pratiques.»