Le «verdissement» des religions sous la loupe

Le collectif auteur des Ecospiritualités contemporaines. De gauche à droite: Anaïs Reichard, Salomé Okoekpen, Alexandre Grandjean, Irene Becci, Christophe Monnot, Virgile Delmas. / ©DR
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Le collectif auteur des Ecospiritualités contemporaines. De gauche à droite: Anaïs Reichard, Salomé Okoekpen, Alexandre Grandjean, Irene Becci, Christophe Monnot, Virgile Delmas.
©DR

Le «verdissement» des religions sous la loupe

Conversion
Plusieurs études confirment que les organisations religieuses suisses, comme ailleurs en Europe, ont intégré l’urgence écologique. Mais du progrès reste à faire.

Entre religion et dérèglement climatique, il y a des liens; et si, il y a dix ans, ces derniers ne paraissaient pas évidents, le paradigme a désormais changé. Une série d’études éclaire ces mutations (voir encadré). L’Université de Bâle s’est ainsi penchée sur 3000 communautés religieuses de Suisse, avec un questionnaire rempli par 1395 d’entre elles, puis une trentaine d’entretiens qualitatifs avec des représentant·es religieu·ses. Les chercheurs ont répertorié trois types d’engagements écologiques: matériel (investissement dans les infrastructures, mise en œuvre d’habitudes respectueuses de l’environnement), campagnes externes (prises de position publiques, organisation d’événements), diffusion interne (sensibilisation des communautés).

Les réformés très engagés

Très clairement, le fait d’appartenir à une des dénominations établies facilite l’engagement pour l’écologie, quelle qu’en soit la forme. Reconnues dans la société suisse, disposant d’un statut spécial et – dans la majorité des cantons – d’un financement par des impôts ecclésiastiques et d’une proximité avec l’administration étatique, les Eglises catholiques et réformées disposent d’un avantage en la matière. Les communautés réformées sont comparativement les plus loquaces publiquement sur les questions écologiques et elles affichent aussi l’indice d’engagement écologique le plus élevé, du moins selon l’étude ARG. Cependant, même si les autres communautés n’ont pas les moyens d’effectuer une transition complète, elles l’ont aussi amorcée: 75 % des communautés non établies ont encouragé un style de vie écologique.

Pour ce qui est des ressources et des obstacles, la théologie joue un rôle important dans le choix de s’engager ou non publiquement sur le sujet: «La manière dont la communauté mobilise sa théologie est plus importante que ses orientations politiques», précise Julius Malin, chercheur bâlois qui a participé à l’étude.

Rôle moteur de Laudato si'

Un ouvrage tout juste publié, concentrant diverses recherches de l’Université de Lausanne, étudie ce tournant socioculturel, en particulier romand. Il pointe, comme d’autres études, le rôle fondamental joué par l’encyclique Laudato si’ du pape François et la COP15 pour le climat. Mais ce travail met notamment au jour le fait que les Eglises ont collaboré avec d’autres acteurs sociaux et que les pratiques d’écospiritualité ont cristallisé ces possibilités d’échanges, en offrant notamment une solution et des opportunités face à l’écoanxiété.

Les auteurs distinguent différentes formes d’écospiritualité (chrétiennes, païennes, féministes…), dont les adeptes ont pu se rencontrer, échanger, collaborer, même si les visions du divin qu’elles véhiculaient étaient parfois très différentes. Des temps forts, des mouvements, des institutions et des personnes ont ainsi accompagné un changement plus large dans la société: la démocratisation de l’idée (ancienne, dans le christianisme) selon laquelle il faut «se changer soi pour changer le monde». Car l’urgence est toujours présente: au cours de la dernière décennie, la Suisse s’est réchauffée de 2,5°C (par rapport à la moyenne préindustrielle) et 60% du volume de ses glaciers a disparu depuis 1850.

Sources