Spener: une réforme qui passe par le cœur

La statue de Philipp Jacob Spener sur la corniche du Palais universitaire de Strasbourg / © Ji-Elle, CC BY-SA 3.0 Wikimedia Commons
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La statue de Philipp Jacob Spener sur la corniche du Palais universitaire de Strasbourg
© Ji-Elle, CC BY-SA 3.0 Wikimedia Commons

Spener: une réforme qui passe par le cœur

Conventicules
Pour revitaliser le protestantisme, Philipp Jacob Spener institue de petits groupes fervents, qui répondent à l’«embourgeoisement» de la foi.
Il ne suft pas de s’occuper de l’homme extérieur: cela, une éthique païenne peut le faire aussi. Mais nous devons poser les fondements du christianisme dans les cœurs, solidement. Ce qui ne provient pas du cœur n’est qu’hypocrisie. 
Philipp Jacob Spener, Pia desideria (1675)

Ses contemporains le considéraient comme un nouveau réformateur. Lui-même se voyait plutôt comme un fidèle disciple de Martin Luther. Un siècle et demi après ce dernier, Philipp Jacob Spener espérait «des temps meilleurs pour l’Eglise de Dieu sur terre». Pour cela, il appelait à sa réforme permanente, car celle du XVIe siècle était insufsante. Spener, pourtant, n’est pas devenu aussi célèbre que le réformateur… Sans doute en raison de son moralisme assez étroit et de sa personnalité réservée: il n’appréciait ni le rire, ni la danse, ni le tabac.

Spener (1636-1705) est né en Alsace. Après quelques années comme prédicateur protestant à la cathédrale de Strasbourg, il devient pasteur à Francfort-sur-le-Main. Au contact de ses paroissiens, il mesure que son époque est en proie à une véritable «détresse spirituelle» due à un «embourgeoisement» de la foi. Il souhaite donc vivifer le protestantisme, trop formel et dogmatique à ses yeux. Durant vingt ans, il prêche beaucoup, correspond avec de nombreux théologiens et s’investit particulièrement dans l’éducation religieuse de la jeunesse.

«Collèges de piété»

Mais plus encore, à partir de 1670, Spener organise chez lui des assemblées de prières, les collegia pietatis («collèges de piété»): il y réunit les personnes les plus ferventes de la communauté pour développer avec elles une piété plus ardente, fdèle à ce qu’il considère comme le «vrai christianisme». C’est la naissance de ce qu’on appelle le «piétisme», préparé en réalité depuis plusieurs décennies en Allemagne par d’autres théologiens, en particulier Johann Arndt (1555-1621). Ces réunions se multiplient dans la ville, formant des cellules où se rassemblent les personnes ayant le même souci d’édifcation spirituelle et de dévotion.

Pour appuyer son projet, Spener rédige en 1675 le texte fondateur de ces petits cercles d’adhérents: les Pia Desideria (littéralement, «Pieux désirs»). Le sous-titre de l’ouvrage – qui sera un succès – est éloquent: Désir sincère d’une amélioration de la vraie Eglise évangélique. C’est un petit programme de réformes et de règles de vie réclamant notamment une amélioration du pastorat, l’affermissement des communautés chrétiennes par des pratiques de piété plus soutenues et la formation de petits groupes chargés de répandre la Parole de Dieu.

Pour Spener, l’expérience religieuse – qui passe par une «nouvelle naissance» des croyants – est plus importante que l’adhésion à un credo. La foi naît donc essentiellement dans le cœur, pour s’inscrire dans la personne et se traduire en actes. Il écrit: il faut «habituer les gens à s’occuper d’abord de l’homme intérieur, à réveiller en eux l’amour pour Dieu et pour le prochain, et ensuite à agir sous cette impulsion».

L’effort de revitalisation de la vie chrétienne promu par Spener – parfois critiqué – connaîtra un important héritage dans le protestantisme des siècles suivants.

Loin du monde, mais en faveur des démunis

Selon Spener, l’Eglise est appelée à prendre ses distances par rapport au monde: c’est ainsi qu’elle s’éloignera du péché. Pour autant, Spener n’est pas insensible aux problèmes sociaux. Il se préoccupe notamment de l’assistance publique et, à Francfort, demande une réorganisation des aides accordées aux personnes dans le besoin. Il appelle à faire construire un hospice pour les pauvres et contribue à la fondation d’un orphelinat.