Désamorcer la haine

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[pas de légende]

Désamorcer la haine

Philippe Nicolet
5 novembre 2023
La peur de perdre ce que l’on a peu facilement nous pousser dans les extrêmes. Un billet du pasteur retraité Philippe Nicolet, paru dans le Journal du Jura, le samedi 4 novembre.

« Pour haïr l’autre, il faut qu’il soit perçu par vous comme quelqu’un qui vous fait de l’ombre et qui vous prive de quelque chose qui, selon vous, devrait vous revenir ». Ces lignes, dans lesquelles le philosophe français Daniel Sibony définit ce qu’il appelle « la haine identitaire », m’ont fait penser, en ces jours, à la figure biblique du frère aîné qui, dans la parabole dite du « fils prodigue », en est l’illustration saisissante.

Dans cette histoire, le frère aîné réagit, en effet, avec colère, quand il apprend que son cadet, qui a dilapidé, dans un pays lointain, les biens que lui avait remis son père, est revenu auprès de ce dernier. Et le père, sans le réprimander, l’a accueilli dans un déploiement extravagant de générosité. La colère de l’aîné est d’autant plus grande que lui est toujours resté à la maison et qu’il a toujours servi son père sans que celui-ci n’ait jamais jugé utile de le récompenser, ne serait-ce qu’un peu, pour son dévouement.

Le père se rend alors à la rencontre de son fils aîné qui, plein de ressentiment envers son frère cadet, refuse d’entrer dans la maison. Et il s’efforce de désamorcer la haine qui l’habite. A la différence de ce qu’a tenté de faire, lors des dernières votations fédérales, la propagande électorale d’un parti qui visait visiblement à attiser la xénophobie dans le pays, le père ne stigmatise pas, aux yeux de son aîné, celui qui s’était égaré avant d’être retrouvé. A son aîné, captif d’une colère douloureuse et ayant le sentiment de n’avoir jamais été reconnu, il déclare que tous ses biens lui appartiennent : « tout ce qui est à moi est à toi ». Il lui dit ainsi que ce qui a été donné à l’un ne prive l’autre en rien.

La parabole biblique nous signifie par-là que l’identité d’un être, sa valeur, ne passe pas par l’exclusion de l’autre. Et le père de la parabole invite ainsi celles et ceux qui la lisent à la réconciliation plutôt qu’à la haine identitaire.