Table ronde pour relancer le débat sur les relations entre Eglises et politique
Automne 2020. L’engagement intense des Eglises en faveur de l’Initiative pour des multinationales responsables suscite de vives réactions, jusque dans les paroisses. Les partis de droite et les milieux économiques font connaître leur désaccord. Les jeunes libéraux radicaux lancent même une procédure juridique pour interdire aux Eglises des prises de parole sur des sujets politiques. Mais la démarche n’aboutit pas
Positions frileuses
Pour le théologien Pierre Bühler, il en résulte une certaine incertitude, générant une grande retenue de la part des Eglises sur des sujets qui mériteraient d’être débattus au sein de leurs institutions. «L’année dernière, j’ai été marqué par le peu de réactions de la part des Eglises concernant la révision sur la loi CO2, alors que les prises de position n’auraient pas suscité de grandes polémiques», explique-t-il. Le professeur émérite peut toutefois comprendre que d’autres domaines, liés aux questions de migration et d’asile, puissent être plus périlleux. Or c’est justement là que les Eglises auraient une réflexion essentielle à poser. «Pour ma part, je suis très engagé dans les questions d’asile. L’année dernière, je me suis beaucoup investi pour le référendum concernant l’augmentation du financement de l’agence de garde-frontières Frontex, qui ‹gère› les frontières européennes d’une manière souvent en contradiction avec les droits humains. J’ai démarché plusieurs Eglises, mais j’ai souvent trouvé porte close», se désole Pierre Bühler.
Fil rouge
Afin de tenter de stimuler les prises de position de manière réfléchie et pertinente, le théologien a rédigé un manifeste en quinze points, qui pose les bases de la question des relations entre Eglises et politique. Bien que ce texte ait trouvé son terreau dans un mouvement de théologiens de gauche, il peut alimenter la réflexion à d’autres couleurs politiques. Premier point développé: les Eglises nationales faisant partie de la société civile et étant reconnues comme des collectivités de droit public, elles ne peuvent pas ne pas être politiques. Dès lors, leurs silences peuvent être interprétés comme une validation de la situation actuelle ou marquer un désintérêt pour les questions de société au profit de choses plus importantes, en lien avec leur soi-disant «mission principale», à savoir la proclamation de l’Evangile. Mission qui consiste justement, selon le théologien, à ouvrir le débat sur les questions de société et constitue une forme de responsabilité chrétienne de l’institution. Dans la suite de ses arguments, il souligne toutefois qu’il n’est en aucun cas question d’occuper religieusement le domaine politique et que les prises de position des Eglises ne doivent pas dicter une manière unique de penser. Au contraire, elles ont à susciter le débat et la réflexion en toute liberté, avec un éclairage sur les valeurs qu’elles défendent. De manière générale, tout sujet qui concerne les normes fondamentales touchant à la conception de la coexistence humaine mérite que l’on s’y attarde. Un débat aura lieu sur ces questions le 18 octobre prochain à La Chaux-de- Fonds. Il sera animé par la pasteure Isabelle Ott-Baechler, avec la politicienne PLR Armelle von Allmen-Benoit, le politicien PS Baptiste Hurni, le président du Conseil synodal de l’EREN, Yves Bourquin, et, bien sûr, le théologien Pierre Bühler.
Table ronde
«Eglise et politique – Une voix à faire entendre dans les débats publics…» Me 18 octobre, 20h, Temple Farel, La Chaux-de-Fonds. Le manifeste de Pierre Bühler peut être consulté sur le site eren.ch/spmn.