Neuchâtel: vingt ans que les trois Eglises sont à l’écoute de la rue
«Susciter des rencontres et offrir une écoute dans le respect et la dignité de chacun», c’est la mission de l’aumônerie œcuménique de rue du canton de Neuchâtel, qui soufflera ses vingt bougies les 1er et 2 septembre. Lors de deux journées de fête, à La Chaux-de-Fonds et Neuchâtel, les trois Eglises reconnues du canton (l’Eglise réformée évangélique et les Eglises catholique romaine et catholique-chrétienne) célébreront leur heureuse collaboration, qui suppose l’engagement de prêtres, pasteurs, diacres, laïcs permanents ainsi qu’une équipe de bénévoles. A l’écoute de personnes «fragilisées, isolées ou en situation de précarité», le diacre réformé Jean-Marc Leresche, responsable de La Lanterne à Neuchâtel, livre quelques observations sur l’utilité d’une telle présence, à l’heure où précarité et solitudes sont «toujours plus présentes». Interview.
A quel type de population avez-vous affaire?
Des gens seuls, et qui ont besoin d’être accueillis et écoutés, ce qui est assez nouveau. Avant, nous accueillions beaucoup de personnes toxicomanes, qui ont maintenant trouvé d’autres structures, hôpitaux de jour ou accompagnements spécifiques. Aujourd’hui, ce sont les problématiques de solitude et de précarité financière qui dominent chez les personnes qui viennent nous trouver. Celles-ci sont souvent plutôt âgées, autour de la septantaine principalement. Quelques personnes viennent parfois demander un soutien financier, ce que nous ne prodiguons pas. Nous donnons toutefois de petits coups de pouce sous forme de bons Migros pour aider certaines personnes à traverser une fin de mois difficile.
Quels sont les principaux besoins exprimés?
Ce qu’on ressent, c’est qu’il y a un grand besoin d’écoute, de présence, de respect et de dignité. Les personnes que nous rencontrons ont un cruel besoin de prise en considération de qui elles sont. Souvent, elles sont cataloguées par la population et certains thérapeutes. Au-delà des étiquettes douloureuses – «cas sociaux», «malades» –, accueillir nos bénéficiaires uniquement en tant que personnes leur est donc parfois salutaire.
Quelle est votre marge de manœuvre sur certaines difficultés?
Notre force est de travailler en réseau avec d’autres institutions sociales du canton, comme le CSP ou Caritas. Nous orientons donc les personnes vers ces structures quand le besoin se fait sentir, et à l’inverse, quand ces personnes fréquentent ces lieux et qu’un besoin spirituel se manifeste dans leur discours, elles nous sont envoyées tout naturellement.
Quel accueil fait-on aux gens d’Eglise, dans la rue , aujourd’hui? La perception est-elle toujours la même?
Je ne suis pas certain que tout le monde sache très bien que La Lanterne est un lieu soutenu par les Eglises. Il s’agit parfois pour certaines personnes de simplement faire une halte et d’être écouté.
D’autres personnes, en revanche, viennent nous trouver avec une demande spirituelle spécifique, d’autant que chaque journée se termine par un moment de prière et de méditation. Ce moment-là est parfois privilégié par certains bénéficiaires, qui avouent que La Lanterne est un peu devenue leur église.
A quel point le bénévolat représente-t-il une aide?
A La Lanterne, il y a une douzaine de bénévoles avec un éventail d’âges assez large. Tous ont un enracinement chrétien, ce qui est une condition. En tant que responsable, je suis le seul professionnel salarié, et je collabore avec un animateur de rue professionnel mais bénévole.
A La Chaux-de-Fonds, le lieu «La Cascatelle» a démarré il y a quelques mois seulement. Il y a deux professionnels, une aumônière catholique et un réformé. Pour ce qui est des bénévoles, ils sont en train de constituer une équipe. Des synergies doivent pouvoir s’opérer dans les mois à venir entre ces deux aumôneries, notamment du point de vue de la formation des bénévoles.
Quel futur imaginez-vous pour ces structures?
Nous nous réjouissons d’être encore là. Mais si c’est le cas, c’est parce que les besoins sont toujours aussi grands et que la précarité ne se dément pas… On aimerait tellement qu’il n’y ait plus besoin des Restos du cœur créés par Coluche! Et pourtant, leur action, comme la nôtre, s’inscrit dans le temps. Je crois que nous sommes encore là pour un bon moment.