«Les jeunes sont aussi l’Eglise»
Le travail de catéchisme en Suisse romande, qui consistait à «transmettre la Bible», a changé dans les années 1990 sous l’influence du théologien jurassien bernois Maurice Baumann. Il s’apparente plus à un «éclairage de nos existences au moyen de la foi et du texte biblique», et permet une écoute individuelle, pointe Diane Friedli. L’enjeu pour l’Eglise est aujourd’hui de continuer à accompagner les questions de vie des ados.
Quels changements l’Eglise doit-elle faire pour continuer à toucher les ados?
Le principe de la catéchèse existentielle reste central: il part de situations de vie réelles pour les éclairer à partir du texte, et ouvrir une autre réflexion sur la situation. Il se vit d’autant mieux qu’on a du temps pour installer ces situations: camps, journées communautaires… Mutualiser les équipes pour avoir des groupes plus grands, plus de temps pour des discussions individuelles, et prévoir des temps forts me paraît donc important. Même si, aujourd’hui, beaucoup de choses s’organisent à la dernière minute.
Et pour ce qui est des thèmes?
Les questionnements des jeunes ne sont déjà plus les mêmes qu’il y a quatre ou cinq ans! Il faut donc toujours nous questionner. #MeToo a changé la manière d’aborder la sexualité: il s’agit donc de réinventer ce thème. Nous avons aussi réfléchi autour des discours de «fin des temps», nourris par les crises actuelles, qui préoccupent les ados.
Qu’est-ce que ces discussions vécues en Eglise ont de spécifique?
Nous sommes les seuls à accompagner les ados dans ce qu’ils sont. Dans certains milieux, ils sont infantilisés ou, a contrario, chargés de responsabilités, soumis à une pression utilitariste, avec moins de liberté d’expérimenter. Nous disons: «Nous savons qu’il y a des débats en toi, nous prenons soin de cela.» L’idée n’est pas d’apporter des réponses. Les échanges visent à donner du sens à ce qu’ils vivent et à ce qui les entoure, sans que cela soit prédéfini ni conçu comme une vérité à laquelle adhérer. Nous accompagnons les questionnements, et c’est un rôle très beau.
Les ados remettent-ils aussi en question l’institution, ou votre manière de lire les textes?
Oui, pour les équipes de pasteurs, diacres, moniteurs que nous sommes, leur contact change forcément nos lectures de la Bible et de la théologie… mais aussi de la réalité! Nous avons thématisé le rapport à nos téléphones, et pris conscience que nous sommes tout aussi concernés par l’«addiction», comme adultes. Les jeunes sont un public comme un autre auquel on s’adresse, et ils constituent autant l’Eglise que celles et ceux qui viennent au culte: c’est important de se reconnaître mutuellement.
Si le caté s’apparente aujourd’hui davantage à un accompagnement existentiel, ne faut-il pas le rebaptiser, par exemple «questions de vie»?
Bonne question! Changer un terme n’est pas facile. A Neuchâtel, voilà quarante ans que nous pratiquons des cultes de bénédiction des «catéchumènes». Or le terme «confirmation» reste dans le langage courant! Je crois que le «KT» (plus utilisé que catéchisme) est connoté positivement et reste important sur le plan identitaire.