Une mère frappe son enfant par convictions religieuses

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Une mère frappe son enfant par convictions religieuses

Vic Ryckaert
16 septembre 2016
Kin Park Thaing sera jugée pour avoir puni son fils de sept ans en le frappant avec un cintre
Cette mère, vivant dans l’Etat d’Indiana aux Etats-Unis, cite la Bible pour sa défense.

Photo : A gauche, les blessures du fils et à droite, sa mère © Département de police d’Indianapolis/RNS

(USA Today/RNS/Protestinter)

Indianapolis – Une mère de l’Etat d’Indiana qui a battu son fils de sept ans avec un cintre cite la loi sur la liberté religieuse comme défense aux accusations d’abus sur un enfant, stipulant que son choix de discipline vient de ses croyances évangéliques. Cette femme a cité la Bible dans des documents judiciaires. Elle souligne le passage des Proverbes (23: 13-14): «N’hésite pas à punir ton enfant. Quelques bonnes corrections ne le tueront pas. En le frappant, tu peux au contraire le préserver du monde des morts».

La loi sur la protection de la liberté religieuse affirme que le gouvernement ne peut pas empiéter sur la liberté religieuse d’une personne à moins de pouvoir prouver qu’il y a un intérêt prépondérant et dans ce cas le gouvernement doit le faire de la manière la moins restrictive. La femme, une réfugiée birmane qui a reçu l’asile politique aux Etats-Unis, met aussi en évidence des différences culturelles, pour sa défense.

L’affaire est, de plus, compliquée par une décision de la Cour suprême de l’Indiana, qui selon un expert stipule que les parents ont le droit d’utiliser des cordes et des ceintures – et même peut-être des cintres – pour punir leur enfant. L’abus présumé a eu lieu le 3 février dernier, selon les documents de la cour, quand Kin Park Thaing, âgée de 30 ans, a dit qu’elle avait puni son fils qui avait un comportement dangereux envers sa petite sœur de trois ans. La mère a donc frappé ses deux enfants avec un cintre en plastique avant de leur demander de prier pour se faire pardonner.

Inquiète pour le salut de son fils

«J’étais inquiète pour le salut de mon fils», a expliqué Kin Park Thaing, qui fréquente une Eglise au sud de la ville. «J’ai décidé de le punir pour l’empêcher de blesser ma fille et pour l’aider à comprendre à se comporter comme Dieu le veut.» Deux jours plus tard, un professeur a tapoté le garçon sur le dos et l’a vu tressaillir, selon les documents judiciaires. Ainsi, l’enseignant a vu les marques rouges sur l’enfant et a rapporté ses observations à la police et au service de protection de l’enfance.

Un médecin de l’hôpital pour enfants Riley du centre universitaire d’Indiana a trouvé 36 ecchymoses sur le dos, la cuisse et le bras gauche du garçon. Trois photographies soumises à la cour montrent de profondes lignes rouges rayant le dos du petit et plusieurs éraflures sur son bras. De plus, le garçon a une marque en forme de crochet de cintre sur la joue. La mère a été arrêtée en février pour violences et négligences.

Kin Park Thaing et son avocat, Greg Bowes, ont refusé les interviews. Dans un document déposé le 29 juillet, l’avocat a fait valoir que la loi sur la liberté religieuse donne à sa cliente le droit de discipliner ses enfants selon ses convictions et que l’Etat ne devrait pas intervenir contre ce droit fondamental. De son côté, le procureur adjoint du comté de Marion, Matt Savage a également refusé de se prononcer sur l’affaire. Il a toutefois déposé une réponse de huit pages, le 5 août dernier, dans laquelle il estime que le passage à tabac «va au-delà des instructions religieuses que la prévenue cite dans la Bible».

Des châtiments corporels raisonnables

Kin Park Thaing peut utiliser «des châtiments corporels raisonnables», a écrit le procureur, mais les punitions qu’elle a administrées vont au-delà de ce que la plupart des gens considèrent comme raisonnable. L’intérêt de l’Etat d’Indiana pour la prévention de la maltraitance des enfants prévaut sur la protection de la liberté religieuse.

«Quand des auteurs de violence contre des enfants sont poursuivis et finalement punis, le gouvernement protège la communauté tout entière», a écrit Matt Savage. Les différences culturelles ont probablement contribué à la difficulté pour Kin Park Thaing de comprendre la loi, selon un spécialiste des réfugiés birmans à Indianapolis.

La directrice de l’Institut de la communauté birmane américaine, Elaisa Vahnie, a exprimé ses regrets face aux blessures subies par le fils de Kin Park Thaing. Elle souligne, toutefois, que ce qui peut être considéré comme un crime aux Etats-Unis pourrait être vu comme un comportement standard en Birmanie, devenue le Myanmar. Dans l’ensemble, c’est légal pour les parents de fesser leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, ajoute Elaisa Vahnie. Les autorités, dit-elle, ne prendraient probablement pas position à moins que l’enfant soit sérieusement blessé.

Des différences culturelles

«Après leur déménagement aux Etats-Unis, les familles birmanes ont besoin de temps pour apprendre les lois et les coutumes de leur pays d’accueil», souligne la directrice. «C’est un grand défi. Ils arrivent ici avec parfois très peu de notions d’anglais. Ils doivent recommencer à zéro. L’environnement est complètement différent.»

Kin Park Thaing a besoin d’un interprète quand elle parle à la police et à la cour. On ne sait, toutefois, pas depuis quand elle est aux Etats-Unis. Elaisa Vahnie espère que le système judiciaire prendra en compte la barrière culturelle dans l’évolution de l’affaire. De son côté, l’avocat a cité les différences culturelles dans sa défense. «Kin Park Thaing est prête à s’adapter», a dit Greg Bowes à la cour, relevant qu’elle a achevé un cours de parentalité dans le cadre d’une affaire civile reliée à l’abus présumé.

Les enfants de Kin Park Thaing ont été pris en charge par le service de la protection de l’enfance, mais on ne sait pas où ils sont actuellement. Les avocats ont refusé de s’exprimer sur la question. «Je sais maintenant qu’il existe des moyens efficaces pour élever mes enfants sans utiliser de punition physique», a déclaré la mère dans une déclaration assermentée.

La demande de liberté de religion est non seulement soutenue par l’avocat, mais aussi par une décision de la Cour suprême de l’Indiana datant de 2008 qui affirme que les parents ont le droit de discipliner leurs enfants de la façon qu’ils considèrent appropriée, même si certains pourraient trouver leur comportement excessif.

Un précédent cas

En 2008, la Cour suprême de l’Etat d’Indiana a statué à trois contre un afin d’infirmer la condamnation de Sophia Willis, qui a utilisé une ceinture ou un câble électrique pour discipliner son fils de onze ans. (La mère a dit une ceinture, le fils un câble; la cour a jugé que cela n’avait pas d’importance.) Lors de cette affaire, les juges ont donné aux parents une grande latitude pour déterminer quelles sont les règles pour élever leurs enfants. Frapper un enfant avec une ceinture ou un câble électrique n’est pas très différent que d’utiliser un cintre, a déclaré Jennifer Drobac, professeure à l’école de droit à l’Université Robert H. McKinney en Indiana, qui a étudié le cas de Sophia Willis dans son cours.

Kin Park Thaing est accusé de voie de fait de niveau 5 et de négligence de niveau 6. Les voies de fait sont passibles d’une peine de prison d’une à dix années et la négligence de six mois à deux ans et demi de prison. Le juge Kurt Eisgruber de la Cour suprême de Marion a rejeté la demande de l’avocat Greg Bowes qui souhaitait supprimer les charges du 18 août. Le procès de Kin Park Thaing est fixé au 19 octobre 2016.