Thoma Vuilleumier nommé nouveau secrétaire général de la Mission évangélique Braille à Vevey
Photo: Les collaborateurs de la Mission évangélique Braille. De gauche à droite: Alain Décoppet, Thoma Vuilleumier, Ivan Souza et Cynthia Guignard.
Propos recueillis par Caroline Amberger
Thoma Vuilleumier, comment passe-t-on du secteur de la haute horlogerie à celui de secrétaire général de la Mission évangélique Braille (MEB)?
C’est un concours de circonstances. Après mes études d’ingénieur, j’ai travaillé quelque temps dans la haute horlogerie puis j’ai effectué mon service civil pendant un an et demi. A mon retour, c’est-à-dire après la crise de 2008, les paramètres de l’emploi n’étaient plus les mêmes. Je suis alors parti au Burkina Faso pour une mission d’aide au développement. Ensuite, c’est le pasteur d’une Eglise de Neuchâtel qui m’a contacté pour un poste d’animateur de jeunesse que j’ai accepté, puis j’ai repris des études de théologie à l’Institut biblique et missionnaire Emmaüs.
Vous connaissiez la MEB?
Oui, mon grand-père paternel transcrivait des livres en braille en tant que bénévole. Je sens encore la sensation du poinçon dans le papier cartonné… Je suis issu d’une famille chrétienne évangélique baptiste. J’ai grandi dans l’ambiance de la foi avec la passion des histoires bibliques, une culture du service à l’autre et du bénévolat. Je suis ainsi resté informé de leurs activités.
Dans votre nouvelle fonction quels sont vos projets?
Je suis dans une période de réflexion stratégique. Deux défis sont à relever: Comment servir et aider mieux les personnes handicapées de la vue, dans un contexte du vieillissement de la population? L’apparition du handicap n’est pas forcément bien diagnostiquée. En EMS, une étude suisse montre qu’il y a 54% de déficients visuels et que la moitié n’en savent rien! Nous allons donc procéder à des études de terrain. Il faut aussi pouvoir offrir des prestations qui rejoignent les nouvelles générations. Dans les systèmes actuels scolaires, l’inclusion se fait parfois au risque de perdre la spécificité du braille qui reste un apprentissage capital. Nous devrons adapter nos offres. Face aux liseuses et aux voix synthétiques, la culture de l’audio amoindrit le niveau de l’orthographe. Il faut trouver des solutions pour garder cet outil qui reste indispensable.
Quelles sont les activités de la MEB?
Le gros secteur de la MEB c’est la coopération au développement. Nous sommes présents dans 8 pays d’Afrique. Ma collègue Cynthia Guignard travaille en réseau avec des partenaires locaux dans le but de faire une sensibilisation auprès de la population et des gouvernements. Les personnes handicapées de la vue sont souvent marginalisées. Il faut que les aveugles puissent retrouver de la dignité, sachent lire et écrire pour s’intégrer dans la société. Dans une approche holistique, nous fournissons du matériel scolaire adapté pour l’alphabétisation. Nous répondons aux besoins intellectuels et spirituels en diffusant de la littérature chrétienne en braille, notamment la bible. C’est Alain Décoppet, lui même mal voyant qui est responsable de cette diffusion. Il transcrit et travaille aux diverses éditions. Nous avons aussi un secteur de diffusion sonore, Ivan Souza forme des bénévoles à la lecture de livres. Nous possédons ici à Vevey une bibliothèque de livres en braille et des livres audio dont nous assurons les prêts. Enfin, l’immersion au cœur des difficultés que vivent les handicapés de la vue me tient à cœur. La MEB organise des vacances adaptées et nous accompagnons les malvoyants durant une semaine, une occasion pour eux de souffler dans un quotidien dont tous les gestes demandent une adaptation constante. Cette année, le séjour est à Leysin du 19 au 26 août.
Comment situez-vous la MEB dans son rapport aux Eglises?
Vous savez les missions sollicitent souvent les Eglises en termes de demandes. Mais nous avons quelque chose à offrir en termes d’intégration des handicapés de la vue! Ne tiennent-ils pas une place particulière aux yeux de Dieu? La Bible leur réserve une espérance et un encouragement particulier. L’isolement peut être une conséquence du handicap, et l’accès aux cultes reste parfois difficile. Pourtant le développement de l’aspect spirituel est important, c’est une présence permanente qui permet de se dire désormais je ne serai plus seul. Et nous avons beaucoup à apprendre de l’aveuglement spirituel alors que nous possédons la vue.