Toute épreuve permet de progresser intérieurement
Qu’entendez-vous par liberté intérieure?
FLORENCE MUGNY Il y a deux sortes de liberté intérieure. La première est liée aux lois ou dogmes, notamment religieux. Tout ce qui enferme, entrave la vie, rend triste, culpabilise, fait peur, va à son encontre. Cette liberté intérieure ne consiste pas à renier tout cadre extérieur et à se faire plaisir. Les lois sont utiles et nécessaires, mais l’amour prime. C’est un cheminement intérieur, fondé sur le discernement et notre intime conviction. Le deuxième aspect concerne les événements qui nous affectent. Dès qu’un événement difficile et dramatique survient dans notre vie, notre première réaction est souvent la colère et le refus. Il est possible de rester enfermé toute une vie dans une attitude de souffrance. Tant que ces sentiments nous submergent, cependant, nous ne sommes pas libres. Pour s’en libérer, il faut passer par un processus d’acceptation et de pardon, indispensable pour se libérer intérieurement. Les fruits ces deux aspects de la liberté intérieure sont la paix et la joie.
Florence Mugny se consacre depuis 2015 à l’accompagnement spirituel. Après avoir longtemps pratiqué la médecine chinoise, elle a constaté que « le besoin d’être écouté était aussi important que celui de se faire soigner physiquement ». Elle a développé une réflexion sur le concept de liberté intérieure.
La peur collective, très présente actuellement avec la pandémie de coronavirus, entraîne aussi la tendance à vouloir encore plus restreindre les libertés individuelles.
Il est clair qu’il peut y avoir une dérive autoritaire, surtout avec tous les moyens technologiques à disposition. Mais on peut penser aussi que plus il y aura de contrôle, plus les gens voudront en sortir. Ce sera peut-être, d’une certaine manière, un stimulant pour réfléchir sur soi et sur sa place dans la société. Je ne dis pas que c’est une bonne chose, mais toute épreuve personnelle ou collective permet de se remettre en question et de progresser intérieurement. La crise sanitaire a déjà poussé un grand nombre d’êtres humains à se poser des questions existentielles.
On dit souvent que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Qu’en pensez-vous?
La liberté extérieure doit effectivement s’arrêter là où commence celle d’autrui, sinon il serait impossible de vivre en société. Cette liberté extérieure est nécessaire, mais il est important de prendre conscience que ce n’est pas en elle que réside le fondement de notre vie. De fait, la liberté intérieure peut aussi se développer en l’absence totale de liberté extérieure, quelques fois même en prison, par exemple. Dans les monastères, également, le cadre extérieur est souvent extrêmement strict, pourtant les moines et les moniales rayonnent de bonheur.
Comment avez-vous développé vos réflexions sur la liberté intérieure?
J’ai trouvé la liberté intérieure en revenant aux racines du christianisme, en dépassant les dogmes imposés par les églises instituées. Je me sens très libre au sein des institutions religieuses, mais ce qui fait foi pour moi, c’est le message du Christ. J’ai aussi fait une expérience forte lors du décès de ma mère. Le jour de son enterrement, j’ai ressenti une énorme joie, qui ne m’a plus jamais quittée. J’ai véritablement vécu la parole biblique «je changerai ton deuil en allégresse». Ce fut un sentiment magnifique, une sorte de cadeau. Dans le contexte social actuel, on peut se sentir très seul face à de telles expériences. Certains peuvent remettre en doute leur vécu, et ainsi l’oublier. Or il faut au contraire être attentifs à ces signes, que certains nomment hasard ou coïncidence, car ils ouvrent des portes vers une autre réalité, accessible intérieurement.