Sous la robe, le pasteur
«Je n’étais pas très à l’aise les premières fois que j’ai porté la robe, je ne savais pas trop comment bouger. Je craignais de m’encoubler», se rappelle le pasteur Didier Halter, directeur de l’Office protestant de la formation. Si l’habit ne fait pas le moine, la robe pastorale garde toute son importance. Plusieurs Églises réformées romandes vont consacrer leurs futurs ministres, cet automne, et l’événement se vit en robe. Mais laquelle choisir?
«Dans le christianisme, traditionnellement, les prêtres portaient une robe comme signe distinctif. Il s’agissait d’un vêtement liturgique blanc. À la Réforme, les protestants ont voulu se différencier et affirmer un rôle de magistère en revêtant une robe noire, signe d’une formation académique», explique Olivier Bauer, professeur de théologie pratique à l’Université de Lausanne. Cette habitude a évolué à partir du début du XXe siècle. «Un retour à une tradition chrétienne idéalisée et une tendance à resacraliser les Églises réformées ont ramené le vêtement blanc dans les milieux protestants», ajoute le professeur.
«J’en possède une blanche et une noire», précise la pasteure Sabine Pétermann-Burnat qui va être agrégée dans l’Église vaudoise le 7 septembre. «Actuellement, je porte presque exclusivement la noire, j’assume le côté réformé entre réflexion et expérience». Sa robe n’est toutefois pas intégralement noire. «Je l’ai fait faire sur mesure et elle présente une coquetterie. La doublure est fuchsia, mais cela ne se voit pas». Avant de rejoindre les terres vaudoises, la ministre a été consacrée en 2011 à Genève. «Avant ma consécration, je portais une aube blanche. Je n’avais pas encore terminé mes études et j’aime particulièrement le côté œcuménique de cet habit».
Affirmer l’identité protestante
Le pasteur Ludovic Papaux qui sera consacré le 21 septembre dans l’Église réformée fribourgeoise en possède deux également, mais il privilégie la noire. «En terres catholiques, une marque propre au protestantisme est bienvenue. Tout spécialement pour les offices œcuméniques, car en portant du blanc, on risque de passer pour le servant de messe.» De son côté, Agnès Thuégaz, prochainement consacrée en Valais préfère la blanche, même si elle possède les deux modèles. «Mon père était pasteur dans l’Église vaudoise. Je l’ai toujours vu en blanc. Il prêchait la grâce et la liberté des enfants de Dieu. En Valais, on m’a demandé de porter la noire pour les cérémonies œcuméniques et les apparitions en extérieur, notamment pour affirmer l’identité protestante.»
Endosser la fonction
«Revêtir la robe fait partie d’un processus d’acquisition de l’identité pastorale et des responsabilités qui vont de pair», explique Didier Halter. «J’étais terrorisée la première fois que j’ai dû présider un culte, mais dès que j’ai revêtu mon aube, je me suis sentie au service de l’Évangile», se rappelle Sabine Pétermann-Burnat. «C’est bizarre de porter cet habit, car il véhicule un statut. Il donne une position d’autorité qui ne me plaît pas forcément. Mon objectif est d’être proche des gens», explique Macaire Gallopin, pasteur stagiaire dans l’Église protestante de Genève (EPG). «C’était très étrange pour moi de mettre une robe, car j’ai été active pendant vingt comme laïque dans l’Église. Qu’est-ce qui avait changé? Mes études ne me semblaient pas être un argument supplémentaire», raconte Agnès Thuégaz. «J’ai ressenti beaucoup d’émotions et une prise de conscience de mes responsabilités. De plus, mon aube me vient de ma mère pasteure», souligne Greta Nania-Montoya Ortega, diacre stagiaire dans l’EPG.
De nombreuses robes pastorales ou diaconales se transmettent d’une génération à l’autre. Pour l’habit noir, il faut compter environ 1000 francs. L’aube blanche est moins onéreuse. «L’habillement a de l’importance, mais pour moi la robe pastorale n’est pas nécessaire et tout dépend des traditions. Par exemple, en France, à Tahiti ou au Canada, on prêche souvent “en civil”. Le complet cravate y fait parfois fonction de vêtement liturgique», relève Olivier Bauer.
Histoires de robes
La pasteure Agnès Thuégaz porte souvent son aube blanche, une particularité en Valais. «Beaucoup de paroissiens aiment me voir en blanc. D’ailleurs un avocat de ma paroisse m’a confié que s’il décédait, il souhaitait que je préside sa cérémonie funèbre en blanc, car il ne voulait pas d’un jugement comme au tribunal.»
Sandrine Landeau est pasteure stagiaire à l’EPG. «Mes collègues de mon précédent poste se sont tous cotisés pour m’offrir ma robe noire. J’ai été très touchée. Toutefois, il y a une ambiguïté avec ce vêtement, il symbolise notre titre universitaire, mais il est parfois perçu comme un signe d’autorité. Certes, je suis théologienne, mais je n’ai pas d’autorité morale.»
Greta Nania-Montoya Ortega travaille à l’Aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile et des réfugiés (AGORA). «Avec les réfugiés, la barrière de la langue est un obstacle. Or la robe aide à la dépasser en donnant une certaine sacralité aux offices, modifiant en quelque sorte l’espace-temps.»