Faire confiance aux gens qui innovent

Monika Wilhelm, pasteure et formatrice / ©DR
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Monika Wilhelm, pasteure et formatrice
©DR

Faire confiance aux gens qui innovent

Publication
Le livre sur l’innovation communautaire: c’est elle! Pasteure et formatrice de longue durée, Monika Wilhelm revient pour Réformés sur l’espace Orbit qu’elle a cofondé à Winterthur, et l’innovation en Église.

À Winterthur, en 2019, Monika Wilhelm a co-fondé Orbit, espace de travail communautaire — davantage qu’un simple coworking! — dans une ancienne friche industrielle, soutenu par l’Église réformée locale. Ici, douze personnes ont une place de travail, se retrouvent pour boire un verre, voire prier. «On travaille, on tisse des liens avec le voisinage, on fait société, on offre un espace de spiritualité», résume leur site web (en allemand). Soirées débats, fabrication de t-shirts, apéros ou lectures bibliques ont lieu dans cet espace central qui ne draine jamais une communauté identique, mais plutôt des groupes mouvants et mobiles, «en général des urbains entre 30 et 55 ans, actifs et dotés d’une famille», remarque la pasteure. Certains viennent toutes les semaines, d’autres une fois par an.

S’agit-il d’un futur modèle d’Église ou d’une présence de l’Église dans la société? Dans tous les cas, Orbit, dont l’histoire est racontée dans l’ouvrage sur l’innovation communautaire auquel Réformés a contribué, participe des transformations qui touchent les communautés aujourd’hui. «Notre Église s’appelle ‹réformée›, alors l’innovation devrait être dans son ADN. Au quotidien, ce n’est pas toujours le cas, mais les choses changent. Il y a cinq ans, l’innovation n’était pas sérieusement considérée. Aujourd’hui, les gens comprennent qu’il y en a besoin, toutes les paroisses en parlent et il est clair que cela est devenu nécessaire. La pandémie a rendu visible ce besoin de changement.», résume Monika Wilhelm. 

Comment vous est venu le terme d«innovation communautaire», qui donne son titre au livre, pour parler de toutes les transformations qui se vivent en Église aujourd’hui?

Lors de mon vicariat, j’ai participé à un voyage pour découvrir les communautés de «fresh expressions» en Grande-Bretagne. J’ai voulu lancer cela chez moi, mais le terme n’est pas facile à utiliser ici, car il correspond à un contexte ecclésiologique différent. J’ai longtemps cherché le terme adéquat: «pioneering» ne fonctionne pas en allemand, par exemple. «Innovation» a l’avantage d’avoir une connotation neutre.

J’ai ensuite obtenu la responsabilité de la Stadtkirche de Winterthur, avec un défi: comment imaginer un espace, en lien avec l’Église, dans une grande friche industrielle, reconvertie en habitations et places de travail? A ce moment-là, je n’ai pas réfléchi au concept d’innovation, je me suis juste demandé comment l’Église pourrait être vivante ici. J’ai réalisé un concept qui, pour une série de raisons diverses, est resté six ans dans un tiroir, et je suis partie faire un doctorat. Ensuite la paroisse m’a sollicitée et Orbit a pu voir le jour! Son histoire est encore une autre aventure!

D’après votre expérience, quel contexte est porteur pour favoriser l’innovation en Église?

D’abord l’ouverture de la paroisse, si ses décideurs et décideuses vous disent que vous pouvez vraiment faire ce que vous voulez. Mais aussi leur soutien constant, leur conviction profonde que ce que vous faites est bon et porteur de sens, même s’ils ne comprennent pas tout. Il faut faire confiance aux innovateurs! Par ailleurs, le fait d’avoir une équipe, car seul on n’y arrive pas. Et enfin la croyance en quelque chose de plus grand que soi ou que le groupe.

Quels sont les freins les plus bloquants?

La peur que cela ne marche pas, qu’on fasse quelque chose qui n’aboutisse pas. Mais cela vaut toujours la peine d’essayer!

Les représentations aussi: ce qu’on construit est toujours différent de ce qu’on a projeté. Il faut abandonner ses visions toutes faites — même si une vision de départ doit exister. En résumé: le «pourquoi» est important. Le «comment»  importe moins.

Autre souci: le fait de concentrer trop de pouvoir dans les mains d’une personne ou d’un groupe qui déciderait de tout. Personne, ni la communauté à elle seule ni les décideurs, ne doit pouvoir dicter exactement la forme que prend une innovation. Les gens qui la façonnent doivent pouvoir agir de la manière dont ils souhaitent.

Enfin, le temps à disposition est important: on ne peut pas demander aux gens d’innover s’ils n’en ont pas le temps! Du temps de travail doit réellement être consacré à cela.

Et pour conclure, la patience. Une innovation nécessite trois à cinq ans pour voir le jour et il faut cinq autres années pour vérifier si cela fonctionne… Soit du temps, une dose de croyance, de patience, de confiance.