L’enquête sur les abus n’a pas su convaincre

L’enquête sur les abus n’a pas su convaincre / ©EERS
i
L’enquête sur les abus n’a pas su convaincre
©EERS

L’enquête sur les abus n’a pas su convaincre

Désaveu
L’Eglise réformée suisse s’engage contre les abus. Son Synode donne son feu vert à diverses mesures, mais la grande enquête sociologique n’aura pas lieu.

Mesure phare de l’ensemble des propositions du Conseil (exécutif) de l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS), l’enquête en population générale a été balayée par le Synode (organe délibérant) réuni à Neuchâtel du 9 au 11 juin. Ce questionnaire proposé à quelque 20'000 personnes représentatives de la population suisse aurait permis de détecter des cas d’abus non seulement au sein des Eglises réformées, mais dans l’ensemble de la société. Budgétée à 1,6 million de francs, cette action aurait été portée par l’EERS et offerte à toute la population suisse.

Une nécessité pour Pierre-Philippe Blaser. Le membre du Conseil, qui s’exprima lors du synode, filait la métaphore hospitalière: «Il arrive qu’au cours d’une vie il faille faire des examens médicaux. Ce n’est jamais de gaieté de cœur, mais ils permettent de poser un diagnostic qui s’appuie sur des faits. Tant qu’il n’a pas eu lieu, on s’appuie sur des impressions, des ressentis.» Le pasteur fribourgeois a toutefois reconnu qu’un examen devait être proportionné et conduisait parfois à des investigations supplémentaires, mais il s’est dit convaincu du bien-fondé de la proposition de l’exécutif. «La prévention ne soigne pas une maladie», a également plaidé Pierre-Philippe Blaser. Il en a appelé à ce que le parlement ne se contente pas des mesures de prévention, mais «fasse la lumière», selon l’expression reprise par plusieurs personnes ayant pris la parole sur la difficile question des abus au sein de l’Eglise.

Débat fleuve

De fait, durant le long débat – plus de deux heures, alors qu’une seule était prévue – sur le thème de la protection de l’intégrité des personnes, c’est bien cette étude qui a monopolisé les prises de parole. Pas question de remettre en cause la politique de tolérance zéro proposée en matière d’abus spirituels ou sexuels ni la volonté de collaborer de façon étroite avec les associations de victimes. Pas plus d’opposition à la mise en place d’une solution unifiée au niveau national pour faciliter l’écoute et la prise en charge des victimes.

C’est un faisceau d’oppositions qui, en s’additionnant, ont conduit au refus. Pour certains intervenants, cette proposition empêchait le Synode d’agir dans le suivi de ce dossier, alors que, pour d’autres, elle ne laissait pas assez de place aux victimes. Des délégués cantonaux ont appelé à faire d’abord le ménage devant sa porte, alors que d’autres regrettaient que cette étude ne pose pas plus clairement la question de la culture du patriarcat au sein de l’Eglise. Les questions du coût et de la durée de cette enquête ont également été abordées par des délégués souhaitant d’abord la mise en place d’une préenquête moins chère et qui aurait permis d’obtenir des résultats partiels avant 2027. Enfin, plusieurs délégués considéraient comme prétentieux de la part d’une Eglise de prendre en charge une enquête en population générale, considérant qu’il s’agissait là d’une opération qui devait être conduite par les autorités. Alors que l’Eglise vaudoise proposait une solution de voie du milieu avec de nombeux compléments au projet de l’enquête, c’est finalement la position du regroupement d’Eglises alémaniques portées par celle de Zurich qui a convaincu la majorité.

Prises de position contestées

Enfin, la présidente du Conseil, Rita Famos, a été critiquée pour ses prises de position publiques et pour l’annonce jugée prématurée de ce projet d’enquête. Alors qu’à l’automne passé elle rappelait encore que les réformés étaient probablement épargnés en raison de la différence de statuts des ministres dans les diverses confessions, elle a par la suite été touchée par les études publiées, notamment celle de l’Eglise protestante en Allemagne (EKD), et par les échanges qu’elle a eus avec des victimes. «Les personnes qui ont demandé à me parler l’ont fait non pour s’adresser à moi, mais pour se faire entendre auprès de l’institution que je représente», a-t-elle défendu devant le délibérant.

Durant ce Synode, les délégués ont également approuvé les comptes 2023, présentant un excédent de recette de 187'000 fr. pour un total des produits dépassant les 8 millions de fr. Enfin, le Synode s’est engagé pour les droits humains en décidant le dépôt d’une demande d’adhésion de l’EERS à l’Institution suisse des droits humains.