Genève: la réaffirmation du dialogue interreligieux attendra

Soumise au vote du Consistoire (législatif) de l’Eglise protestante de Genève, la recommandation proposée par sa Commission pour les relations interreligieuses et œcuméniques a été renvoyée en commission, en raison notamment de faits de prosélytisme aux HUG. / IStock
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Soumise au vote du Consistoire (législatif) de l’Eglise protestante de Genève, la recommandation proposée par sa Commission pour les relations interreligieuses et œcuméniques a été renvoyée en commission, en raison notamment de faits de prosélytisme aux HUG.
IStock

Genève: la réaffirmation du dialogue interreligieux attendra

Soumise au vote du Consistoire (législatif) de l’Eglise protestante de Genève, la recommandation proposée par sa Commission pour les relations interreligieuses et œcuméniques a été renvoyée en commission, en raison notamment de faits de prosélytisme aux HUG.

«La situation du dialogue œcuménique et interreligieux à Genève est plutôt bonne, mais les collaborations approfondies restent souvent l’affaire des ministres "spécialistes" de l’œcuménisme ou de l’interreligieux.» Tel est le constat formulé par la Commission pour les relations interreligieuses et œcuméniques de l’Eglise protestante de Genève (EPG), venue soumettre au vote du Consistoire (législatif) des 13 et 14 juin derniers une recommandation visant à «réaffirmer [son] attachement à développer sur le terrain des liens avec les autres Eglises et communautés religieuses du canton, fondé sur un dialogue bienveillant».

«Dans une société sécularisée où les opinions se polarisent et les repères éthiques semblent disparaître, en tant que croyants, nous avons un rôle essentiel à jouer en tissant un réseau avec d’autres qui, comme nous, mettent leur confiance en Dieu», exprimait encore le texte de présentation. Non contraignante, cette recommandation souhaitait ainsi «rappeler la volonté [de l’EPG] de contribuer au développement d’une connaissance mutuelle et d’une éthique sociale commune avec les autres Eglises du canton, qui puisse aussi contribuer au mieux-vivre ensemble». Mais également déclarer publiquement que «le Consistoire invite les paroisses, les régions, les services ainsi que la Compagnie des pasteurs et des diacres à valoriser les opportunités qui se présentent à eux pour développer des liens avec les autres Eglises et communautés du canton, dans tous les lieux et à tous les âges».

Des objectifs louables en théorie, qui viennent pourtant s’achopper aux réalités du terrain, comme l’a vivement relevé, dans une longue interpellation, Elisabeth Schenker, pasteure et aumônière aux Hôpitaux universitaires genevois (HUG).

«Prise d’otage» et «prosélytisme»

«Il est impossible de voter ce texte en l’état actuel des choses, car celui-ci nous met en porte-à-faux dans le contexte des HUG», formule-t-elle, tout en rappelant que «l’EPG est liée par une convention aux HUG, qui impose aux aumôneries non seulement de ne pas faire de prosélytisme mais également de s’engager à protéger de toute emprise spirituelle les personnes les plus vulnérables qui sont hospitalisées».

Or, alors que les aumôneries sont «en quelque sorte les gardiennes du cadre de l’accompagnement spirituelle en milieu hospitalier, dans le total respect des croyants de chacun», Elisabeth Schenker témoigne de quelques-uns des «faits récurrents» auxquelles l’aumônerie des HUG a été confrontée.

«On a eu embrouille sur embrouille. En 2014, un groupe de personnes évangéliques entré entré dans le bureau d’un aumônier pour lui demander la liste des patients de confession juive, lui expliquant qu’il fallait les convertir à la foi en Christ», rapporte-t-elle. «En 2019, une équipe soignante a fait remonter à la direction un incident grave: une patiente de 18 ans a été prise en otage par deux invitants au culte protestant – deux personnes qui venaient d’une Eglise évangélique – qui voulaient la convertir à Christ et la sauver du diable.»

Amalgame et prise de distance

L’aumônière précise encore que c’est en «coupant tout lien avec cette Eglise que nous avons pu éviter de justesse la plainte pénale, qui aurait été dirigée contre l’EPG.» Elle met en garde, en raison notamment du terme «protestant», qui est commun aux deux confessions: «Le risque d’amalgame peut véritablement nuire à l’image de notre Eglise ainsi qu’à l’accomplissement de notre mission.»

Le hic cependant, de l’aveu même d’ Elisabeth Schenker, est que l’aumônerie protestante peine à trouver des bénévoles: «Nous manquons d’invitants pour les cultes. Les seules opportunités qui se présentent à nous ce sont les Eglises évangéliques et leurs groupes de jeunes…»

«Pas besoin d’une confession de foi»

Selon différents délégués, il est également reproché au texte de la recommandation de trop se rapprocher trop d’une confession de foi, alors que l’EPG en dispose déjà d’une, votée par ce même Consistoire.

Face à l’interrogation quant au bien-fondé de cette recommandation, la présidente de l’Assemblée Chris Cook a rappelé que celle-ci «répond à la demande qui a été faite par la Consistoire à la commission, en décembre 2022».

Après plusieurs propositions de correctifs à apporter au texte présenté, un renvoi de celui-ci en commission a été soumis au vote. Par 14 voix contre 12 et zéro abstention, il a été décidé de retoquer cette recommandation, celle-ci devant, cette fois-ci, être travaillée de concert avec la Compagnie des pasteurs et des diacres.