EREN: «Les services funèbres ont un coût»
Payer pour un service funèbre au temple? Cela pourrait-il être une façon, pour les réformés neuchâtelois, de donner un coup de pouce à leur Eglise (EREN)? En déficit de 1,44 million pour 2024, l’institution religieuse est à la peine. En effet, moins d’un tiers des personnes se déclarant réformées dans le canton paient la contribution ecclésiastique volontaire, et une minorité d’entre elles versent la somme entière. L’EREN, qui perd chaque année environ 700 membres pour cause de décès ou de désaffection, a donc décidé, lors de son dernier synode du 6 décembre, de sensibiliser la population aux coûts de ses actes liturgiques. Interview de son président, le pasteur Yves Bourquin.
Lors de votre dernier synode, la décision a été prise de proposer aux familles de payer les services funèbres. Quel est le but de cette démarche?
Non, nous avons réaffirmé la gratuité des services funèbres. En revanche, le Conseil synodal (exécutif) a été chargé de mettre en place une communication afin de sensibiliser aux coûts effectifs des services de l’EREN et de leur financement.
Combien coûte un service funèbre?
Environ 1000 francs, pour dix heures de travail pastoral.
Qui va se charger de cette sensibilisation?
La communication sera préparée par le Conseil synodal mais ce seront aux pasteurs qui rencontrent les familles de la transmettre. Ils proposeront de participer à ce coût par un don, mais il est hors de question d’envoyer la moindre facture après un service funèbre, qui doit rester gratuit au même titre que l’annonce de l’Evangile.
Comprenez-vous que cela puisse déranger?
Cela m’est difficile. Il s’agit en fait d’une communication responsabilisante. Dès lors qu’il y a un coût effectif pour l’Eglise, j’ai du mal à comprendre que cette sensibilisation puisse choquer. D’autant que les personnes, je le répète, restent complètement libres de payer ou pas.
Est-ce vraiment aux pasteurs de faire cela, alors qu’ils font face à des personnes endeuillées?
Oui, car ils sont les interfaces de contact entre la population et notre Eglise, et peuvent donc être les meilleurs porteurs de la réalité financière de l’EREN. Et si cette sensibilisation n’est pas possible sur le moment, il y aura de toute façon un dépliant écrit à donner.
Il y a une vingtaine d’années, l’Eglise protestante de Genève a pris la même initiative. Toutefois, certains pasteurs ont rechigné à distribuer un tel document. En quoi cela sera-t-il différent pour Neuchâtel?
Le Synode (législatif) a voté cette décision. Les pasteurs sont loyaux quand le Synode décide quelque chose. De plus, au sein de l’Eglise, personne n’ignore notre réalité financière… Ainsi, si les ministres s'y refusent et considèrent que ce n’est pas à eux de faire cela, c’est finalement leurs salaires et la continuité de l’Eglise qui seront en jeu.
L’interdiction que l’EREN a tenté de prononcer au sujet des cérémonies laïques était-elle un moyen de récupérer ce marché?
Non. C’était un moyen de dire à la population qu’il existait un certain nombre de problèmes autour de l’accompagnement du deuil. La collaboration avec les célébrants laïcs, à qui nous mettons nos temples à disposition, s’est longtemps très bien passée. Aujourd'hui la situation a changé et certains abus ont été constatés, notamment des ambiguïté de rôle, de l'anticléricalisme ou un démarchage commercial trop offensif. Il a donc fallu dénoncer des choses, et nous avons prononcé cette interdiction afin d’emmancher la discussion et jeter un pavé dans la mare.
Cette interdiction n’est finalement pas applicable aux temples appartenant aux communes. Faut-il donc s’attendre à voir émerger une concurrence entre l’EREN et les célébrants laïcs sur ce marché?
En quelque sorte. Il faudra donc bien rappeler qu’à l’EREN, nous faisons ce travail de façon institutionnelle, et que nous garantissons notamment un remplacement en cas de maladie ou d’absence du ministre. Ce qui n’est pas forcément le cas chez les célébrants laïcs. En outre, le fait de se placer devant Dieu à ce moment de la vie, qu’on y croie ou pas, met face à ce qui peu exister de plus grand que nous. L’Eglise propose un ancrage de sens face à ce qu’il y a d’incompréhensible dans la mort.
En 2010, les services funèbres de près de la moitié des personnes décédées dans le canton de Neuchâtel étaient célébrés par l’EREN. En 2021, plus que 25%. N’avez-vous pas peur que cette initiative fasse diminuer ce nombre?
C’est possible, mais nous avons, dans notre situation, à tenter le tout pour tout. On peut faire toute une polémique de cette décision, c’est très facile. Si le message est que l’EREN a des problèmes d’argent et qu’elle veut faire de l’argent sur le dos des endeuillés, je comprendrais très bien que nous ne soyons pas compris. La réalité est évidemment ailleurs. L’EREN a des problèmes d’argent, offre des services à la population de grande qualité et essaie de responsabiliser les bénéficiaires de ces services aux coûts réels qu’ils engendrent, en espérant des dons.
Dès lors, pourquoi ne pas aussi demander de contribuer aux mariages?
Les mariages sont des actes liturgiques qui sont devenus presque anecdotiques. En effet, nous n’en célébrons plus qu’une quinzaine par année.
Cette mesure fait partie du plan EREN2023, qui doit remettre votre Eglise à flot financièrement. Elle affiche aujourd’hui un déficit d’environ 1,5 million de francs. Avez-vous bon espoir?
Oui. Évidemment cela passe par une diminution et une réorganisation plus modeste du travail, mais en gardant de la qualité et en restant fidèle aux besoins de la population. Nous garderons aussi un peu de créativité, afin de ne pas devenir uniquement un prestataire de services.