Qui es-tu, musicien d’Eglise?
Accueil, phrases musicales après les lectures et la prédication, cantiques ou psaumes chantés par l’assemblée… La musique ponctue régulièrement une célébration chrétienne. Qui en décide? Sur le terrain, les réalités varient d’une paroisse à l’autre: «Les choses peuvent changer aussi d’un ministre à l’autre», complète Benoît Zimmermann, organiste à Payerne (VD). «Actuellement, je reçois les cantiques de la part du pasteur et je suis prié de les jouer, alors que, quand j’ai commencé, je devais faire des propositions», explique-t-il.
Titulaire des orgues des temples genevois de Vandoeuvres et de Saint-Gervais, Diego Innocenzi fait le même constat de diversité: «Tout dépend de plusieurs facteurs, par exemple de la relation entre musicien et officiant. Je travaille sur deux paroisses et, à Saint-Gervais par exemple, je suis moteur de la liturgie: je fais la programmation musicale et je cherche ensuite les officiants, alors qu’à Vandoeuvres, où se trouve un pasteur fixe, je reçois davantage d’impulsions liées aux choix de textes», explique le musicien. «Dans tous les cas, il faut un peu de bonne volonté de part et d’autre. Et il m’arrive régulièrement de faire des contre-propositions, tout comme certains pasteurs peuvent me rendre attentif aux difficultés liées à certains textes anciens, dont la théologie ne correspond plus à ce que l’on dirait aujourd’hui.»
Le musicien d’Eglise
«Dans le canton de Berne, les règlements précisent que le musicien d’Eglise est responsable avec le ministre de la liturgie.» Un rôle qui n’est pas toujours facile à porter par les organistes, lesquels peuvent avoir eu de longues formations musicales sans toujours être très à l’aise avec les questions liées à la liturgie ou aux pratiques d’Eglise. «Je fais parfois le parallèle entre école de musique ou Conservatoire et Faculté de théologie», note Guy Barblan, directeur de l’école de musique Psalmodia à Crissier (VD) et responsable de la louange de la paroisse du Mont-sur-Lausanne. «On y donne des enseignements où sont séparés les aspects techniques et les compétences métiers de la profession.»
La formation proposée aux musiciens d’Eglise et les incitations à suivre des formations complémentaires varient, là aussi, d’un canton à l’autre. «Idéalement, il faudrait que les musiciens aient non seulement des éléments d’histoire de la musique liturgique et de l’hymnologie, mais qu’ils aient également les bases de culture ecclésiale pour en discuter avec un ministre. Et, a contrario, les ministres devraient avoir les bases pour discuter avec les pasteurs», explique Benoît Zimmermann, qui a déjà participé à la mise en place de plusieurs formations allant dans ce sens. «Ce que je constate, c’est que quand on met en place des ateliers où l’on fait dialoguer organistes et musiciens, ils ont plein de choses à se dire et à apprendre les uns des autres.»
«L’organiste doit comprendre les enjeux ecclésiologiques: unité dans la diversité, et ne pas se comporter en censeur» estime Guilhem Lavignotte, organiste à Yverdon-Les-Bains, n’hésite pas à improviser sur les thèmes des lectures du jour après la prédication. «Je fais une sorte de prédication à l’orgue, reprenant les thèmes abordés par le texte. Cela permet aux paroissiens de créer un lien psychoaffectif avec la Parole. De la vivre différemment», explique-t-il.
Des musiques nouvelles
Les organistes doivent également répondre aux demandes de musiques plus modernes, plus rythmées. «Lorsque j’en discute avec des paroissiens, je me rends compte que les plus âgés n’y sont pas toujours favorables, mais préfèrent ne rien dire afin que les jeunes ne quittent pas la vie d’Eglise», reconnaît Guy Barblan. Dans la paroisse du Mont-sur-Lausanne où il officie, l’orgue partage l’espace musical avec un groupe qui accompagne en particulier les parties chantées. Tout au long de la semaine, des échanges ont donc lieu entre officiant, organiste et musiciens du groupe. «Le cantique, c’est une prière proclamée. C’est l’un des rares moments où l’on est ensemble en communauté», souligne Guy Barblan, qui défend l’importance de cette partie de la liturgie. «C’est un moment où les paroissiens peuvent être acteurs et non seulement auditeurs du culte!»
Aucun des organistes rencontrés ne se dit d’ailleurs opposé à l’évolution musicale des cultes. «Je ne serais pas cohérent, moi qui défends une théologie ouverte, si je n’étais pas ouvert aux nouvelles musiques», note Guilhem Lavignotte. «Pour moi, c’est clair qu’il n’y a pas qu’un seul type d’expression musicale en Eglise, tout comme il n’y a pas qu’une façon de prier ou de vivre sa foi», explique Benoît Zimmermann. L’organiste de Payerne est plutôt favorable à ce que, dans les villes, où il est possible de se rendre facilement d’un temple à l’autre, les propositions de cultes se différencient aussi par leurs genres musicaux. Les musiciens insistent toutefois sur la nécessaire qualité des offres musicales. «Et l’avantage d’un orgue, c’est qu’il remplace un orchestre», rappelle Guilhem Lavignotte. «Avec cet instrument, on peut tout faire, jouer tous les rythmes, tous les genres, adapter le volume sonore, et tout ça avec un seul instrumentiste.»
«Ce qui me frappe, par contre, c’est que désormais, à quelques exceptions près, les cantates ou les passions ne sont plus jouées dans un cadre culturel, mais uniquement artistique. On va les écouter à l’occasion de concerts et non de célébrations religieuses. Je trouve que l’Eglise devrait valoriser aussi son propre patrimoine», insiste Benoît Zimmermann. «C’est aussi une façon de vivre la communion. Non seulement dans l’espace avec ceux qui nous entourent dans la communauté, mais aussi dans le temps avec ceux qui nous ont précédés et qui nous suivront.»
«Je me réjouis de voir le plus souvent chez les protestants des communautés qui chantent et connaissent les cantiques. C’est peut-être aussi parce que les nouveaux chants ont été introduits dans une juste mesure. Il m’est aussi arrivé de jouer dans des paroisses catholiques et, certaines fois, il y avait un nouveau chant par semaine! La communauté finissait par être perdue», prévient Diego Innocenzi.
«Par le passé, il nous est arrivé d’organiser des moments de répétition des chants avant le culte pour celles et ceux qui le voulaient bien et je pense que c’était une bonne chose», note Guy Barblan. «Mais sinon, quand on introduit un nouveau chant, il m’arrive de demander à l’organiste d’improviser un prélude sur le thème musical de ce nouveau chant, puis de m’assurer de la présence des choristes pour ce jour-là. Si on arrive à jouer quelques fois un chant, les paroissiens finissent par le connaître, presque malgré eux.»
Féminins au pluriel?
Les grammairiens en débattent sur www.reformes.ch/orgues.