EERS: les suites de «L’affaire Locher»
«Nous ne sommes pas un tribunal», lâche Evelyn Borer. D’entrée de jeu, la présidente du Synode de l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS) donne le ton et surtout pose le cadre du débat attendu de la session des 5 et 6 septembre derniers à Berne. En effet, les délégués au Synode (organe délibérant) se sont penchés sur le rapport (lui-même basé sur le rapport d’un cabinet d’avocats) de la commission d’enquête interne chargée d’examiner la gestion du dossier en lien avec la démission de Gottfried Locher, ancien président de l’EERS, et de la plainte interne déposée à son encontre en mars 2020.
On aurait donc pu s’attendre à des échanges émotionnellement chargés. Ça n’a pas été le cas. En deux heures et dans le calme, le point était traité. Résultat: le Synode a pris acte du rapport de la commission d’enquête interne, présidée par Marie-Claude Ischer, déléguée et présidente de l’Église réformée vaudoise. Quant aux dix-sept recommandations qu’il préconise, les délégués ont accepté un amendement de l’Église de Zurich demandant au Conseil (exécutif) et au Bureau du Synode d’examiner les recommandations et d’élaborer un plan de mise en œuvre dans un délai d’un an – plutôt que pour novembre, comme proposé au départ. L’affaire n’est donc pas close. «Avec sa plainte, une femme courageuse a fait bouger tout un système et mis en lumière des dysfonctionnements», a commenté la déléguée grisonne, Miriam Neubert. Tout reste donc encore à faire pour réformer la structure, les rôles et les organes, et ainsi façonner, comme le souhaite le Synode, un avenir solide pour l’Église.
Rappel des faits
Pour rappel, tout avait commencé en mars 2020, avec le dépôt d’une plainte interne au Conseil de l’EERS, révélant une relation abusive qu’aurait eue le président Gottfried Locher avec une ancienne collaboratrice. Une affaire complexe qui a vu le président démissionner, précédé par une membre du Conseil qui avait avoué avoir eu une liaison par le passé avec le mis en cause. L’Exécutif avait alors mandaté un cabinet d’avocats pour analyser la plainte. Le Synode, quant à lui, avait nommé une commission d’enquête interne pour analyser cette question sur la base du rapport des avocats, évaluer la responsabilité de l’institution dans cette affaire et la gestion de la plainte par le Conseil.
Le rapport, rendu public le 4 août dernier, révèle notamment l’atteinte à l’intégrité sexuelle, psychologique et spirituelle de la plaignante (qui n’a pas déposé de plainte pénale, les faits étant aujourd’hui prescrits) établie par les avocats et livre dix-sept recommandations permettant une réforme des structures de l’EERS.
Des comptes bénéficiaires
Au moment d’approuver les Comptes 2020, le sujet est revenu sur le tapis. En effet, si l’exercice s’est bouclé sur un excédent de recettes de quelque 63'000 fr., l’année 2020 a été marquée par des dépenses exceptionnelles liées à «l’affaire Locher» et à la pandémie. Une réserve de 145'000 fr. avait également été prévue, correspondant à la demande financière de la plaignante et que le Conseil ne souhaitait pas traiter avant les conclusions de la commission d’enquête et les discussions au Synode. Celle-ci doit donc être soumise à un avis de droit, avant qu’une décision ne soit prise quant à son traitement. La demande d’indemnisation de la conseillère démissionnaire Sabine Brändlin, quant à elle, doit être examinée par le juriste de l’EERS, même si elle semble avoir peu de chance d’aboutir.
Une parole pour l’Afghanistan
La session a également été l’occasion d’une première prise de parole l’EERS sur l’Afghanistan. «Notre cœur est brisé, cette souffrance est scandaleuse et nous implorons le ciel pour que cela cesse», a exprimé Rita Famos, présidente de l’EERS, en ouverture de session. Dans une lettre adressée au Conseil fédéral, le Conseil de l’EERS a notamment demandé que l’augmentation des contingents de réinstallation soit étudiée, un moratoire sur les rapatriements sous contrainte des personnes vers l’Afghanistan, l’octroi de visas humanitaires pour les Afghans qui encourent un risque accru et qui ont une parenté en Suisse, mais aussi que les Afghans déboutés puissent faire réexaminer leur demande en vue d’obtenir un statut régulier. Il demande aussi que la Suisse fournisse une aide humanitaire d’urgence, assure un soutien financier et une livraison de matériel de secours aux organisations internationales sur le terrain. Pour l’heure, le Conseil a versé 10'000 fr. au programme du CICR et appelle ses membres à organiser des collectes dans ce sens.
Les délégués ont embrayé avec l’adoption d’une résolution qui rejoint les demandes faites au Conseil fédéral. Une pétition de 1100 signatures a également été remise à Rita Famos au nom du réseau Charte de la migration. Elle appelle les Églises à faire preuve de solidarité face à la situation des Afghans.