À l’entrée de la cathédrale de Lausanne, un panneau a choqué plusieurs fidèles venus se recueillir. Comme le révélait en effet 24 Heures le 15 septembre, lors de l’extension de l’obligation du certificat Covid, l’édifice de la capitale vaudoise a été considéré comme une installation culturelle, au même titre que les musées ou bibliothèques. Or, «en principe, en dessous de la limite de 50 personnes, la visite d’une église ne requiert pas de présenter son sésame sanitaire. Mais la Confédération associe certains lieux de culte à des lieux de culture», relève le journaliste.

Depuis la mise en place de ces nouvelles mesures, la cathédrale Saint-Pierre à Genève exige également la possession d’un certificat Covid pour entrer en son sein, comme nous le confirme Bruno Gérard, l’un de ses pasteurs: «Nous avons l’obligation de vérifier le pass sanitaire dès qu’une personne entre dans le bâtiment.»

Du côté de la cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg, l’abbé Philippe Blanc conteste ce qui a pu être lu dans la presse: «Le certificat n'est pas demandé pour visiter la cathédrale, ni pour se recueillir en semaine. Cette obligation ne concerne que les célébrations du dimanche», précise-t-il, celles-ci dépassant généralement la barre fatidique des 50 personnes autorisées sans pass sanitaire.

Même son de cloches à la cathédrale de Notre-Dame de Sion, en Valais. «Notre cathédrale est tout à fait libre d’accès en dehors des offices réunissant plus de 50 personnes», renseigne le chanoine Philippe Aymon, curé de la cathédrale. «Comme la basilique de Valère, ce sont vraiment des lieux de culte et non de culture.»

Et à Neuchâtel? «Nous échappons heureusement à ce nouveau casse-tête, la Collégiale était fermée jusqu’à Pâques pour cause de travaux de rénovation», sourit Florian Schubert, pasteur du lieu, aussi amusé que soulagé.

Mais alors, d’où viennent ces disparités? Le 15 septembre, Jean-Luc Schwaar, directeur général des affaires institutionnelles et des communes vaudoises, indiquait à l’ATS être «actuellement en discussion avec l’OFSP pour essayer d’obtenir des assouplissements» pour la cathédrale de Lausanne ou l’abbatiale de Payerne. 

Contacté par Protestinfo, l’OFSP conteste cependant posséder une liste assimilant certains lieux d’église à des installations culturelles. «Cette classification ne peut être définie que par les responsables sur le terrain, soit par les communes et les cantons. Eux seuls sont à même de juger de l’usage d’un lieu», rétorque Daniel Dauwalder, un des porte-parole de l’office fédéral.

Mais qui décide donc finalement du sort de tel ou tel bâtiment d’église? «Il appartient au propriétaire des lieux – voire à celui qui gère l'église, si le propriétaire a délégué cette gestion –  de déterminer si le certificat Covid doit être exigé pour accéder à l'édifice», nous répond Jean-Luc Schwaar. Et d’ajouter: «Cette question doit toutefois être traitée à la lumière de l'ordonnance fédérale Covid-19.»

Et sur quels critères, déclare-t-on une église comme lieu purement cultuel ou culturel? «Il s'agit d'une question délicate, à laquelle l'ordonnance fédérale n'apporte pas de réponse claire. Elle traite en effet d'une part des manifestations religieuses (art. 14a, al. 2), d'autre part de l'accès à des établissements accessibles au public dans le domaine de la culture (art. 13, al. 2). Or, certaines églises sont à la fois des lieux de culte et des lieux visités pour leur intérêt architectural ou culturel», poursuit le responsable vaudois, qui a choisi dans le cas de la cathédrale lausannoise la prudence, en attendant des clarifications de la part de l’OFSP quant à l’interprétation adéquate à apporter pour ces lieux hybrides.

«Si l’OFSP ne décide pas à la place des Cantons, ces derniers peuvent cependant demander un avis ou une interprétation sur les différents problèmes de classification pouvant survenir en pratique», confirme en effet Nani Moras, également porte-parole de l’OFSP. Et d’insister toutefois: «Les Cantons restent cependant compétents pour trancher au final.»

Pour les cathédrales catholiques de Sion et de Fribourg, la question était de fait plus simple, ces églises appartenant à leurs communautés respectives. À Lausanne, il a finalement été décidé, depuis le 21 septembre, de n’exiger de certificat Covid que pour les visites guidées, les événements culturels ou encore les cérémonies de plus de 50 personnes. La Direction générale des affaires institutionnelles et des communes du Canton de Vaud ne «peut toutefois se prononcer s’agissant de l’Abbatiale de Payerne, qui est un bâtiment communal»…

Quant à Genève, où la cathédrale est également propriété de son institution, à savoir l’Église protestante de Genève (EPG), la décision est encore pour l’heure à la demande du pass sanitaire en tout temps. «Il est tellement difficile de mettre ce genre de lieu dans une case précise», formule Olivier Cairus, directeur de la Fondation des Clefs de Saint-Pierre, qui gère le bâtiment. «Depuis le début de cette crise sanitaire, la situation est tellement floue pour certains lieux de culte que la discussion pourrait prendre des années pour qu’on arrive à définir une vérité qui n’en est pas vraiment une», se résigne-t-il. Et le pasteur Bruno Gérard de relativiser: «Au moins, pour ce qui est du culte du dimanche matin, la question ne se pose pas, puisque que nous réunissons plus de 50 personnes.» En ces temps de pandémie, chaque casse-tête en moins semble être une bénédiction pour les Églises.