Oui au mariage civil pour tous
Après trois heures de débat et vingt prises de parole, les délégués de l’Assemblée de la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS) ont affirmé leur soutien au mariage pour tous au niveau civil. Avec 45 oui, 10 non et 4 abstentions, mais à bulletin secret à la demande de certains délégués qui ne voulaient pas se retrouvés dans la presse, une écrasante majorité s’est ralliée à l’avis du Conseil de la FEPS (exécutif), ce mardi 5 novembre à Berne. Les délégués ont également adopté trois recommandations à l’égard de leurs Églises membres, qui restent seules juges d’une éventuelle ouverture à la bénédiction pour couples du même sexe sur leur territoire ecclésial. L’Assemblée des délégués recommande donc d’adopter l’éventuelle nouvelle définition du mariage civil comme prérequis au mariage religieux et de garantir une clause de liberté de conscience aux pasteurs comme pour tous les autres actes ecclésiastiques. Un signal fort envoyé tant aux réformés du pays qu’à tous ses citoyens et politiciens. Tout ne paraissait pourtant pas gagné d’avance.
Des opposants minoritaires
Premiers à la tribune, les délégués des Églises réformée d’Obwald et évangélique libre de Genève n’ont pas caché leurs intentions en exprimant leurs réticences face aux propositions. D’un côté, on rappelle l’importance de l’indépendance des Églises cantonales et des paroisses, de l’autre, c’est la vision de l’homme et de la femme destinés à vivre ensemble dans une optique familiale qui est évoquée. Si les deux voix sont minoritaires, c’est sans compter la lettre ouverte contre le mariage à l’église des couples du même sexe remise en début de session au président de l’Assemblée. Lancée par le Rassemblement pour un renouveau réformé (R3) en Romandie, elle a été signée par 8500 personnes, dont 6230 réformées, dont plus de 4300 Alémaniques, et 2200 signataires d’autres Églises. Mais le mouvement n’aura pas suffi à renverser la température. Les partisans du «oui» ont ensuite pris d’assaut le pupitre.
Les voix de l’ouverture
«Ces propositions découlent de ce que nous avons décidé lors de notre dernière assemblée: nous sommes voulus par Dieu tels que nous sommes et ne choisissons pas notre orientation sexuelle. Si deux adultes tombent amoureux et souhaitent rester ensemble durablement et placer leur amour devant Dieu, nous ne pouvons pas examiner la qualité de leur relation. «Sempre reformanda», c’est l’heure de faire le premier pas!», a lâché une déléguée argovienne. «Il est grand temps de lancer un signal de solidarité et d’ouverture», a ajouté un délégué zurichois. Côté genevois, on préfère s’abstenir sur plusieurs propositions, notamment par ce que le sujet sera débattu au Consistoire d’ici peu et qu’un débat serein est souhaité.
«La passion peut créer des souffrances, quand on prend la Bible pour faire valoir ses arguments. L’homme blanc, hétérosexuel et non issu de l’immigration ne sait pas ce que c’est que d’être différent. On entend beaucoup «je n’ai rien contre les homosexuels, mais…» et c’est là que tout s’écroule. Après ce «mais», on devrait pourtant ajouter «Je t’ouvre les bras». Je vous invite donc à voter oui et à ne pas oublier d’ouvrir les bras», a exprimé une déléguée zurichoise. C’est donc à bras ouvert que la première proposition a été acceptée.
Et après?
Ce sont plutôt les trois recommandations adressées aux Églises membres qui ont fait débat. Plusieurs délégués proposent des modifications, d’autres leur suppression. À l’importance de la liberté du choix des Églises cantonales, s’ajoute celle du respect de la diversité des opinions pour pouvoir continuer à «Être Église ensemble». Au final, seule la dernière proposition recommandant aux Églises membres «d’inscrire le mariage des couples du même sexe dans leurs registres des mariages et d’élaborer la liturgie de la même façon que pour le mariage des couples hétérosexuels» a été supprimée.
Gottfried Locher soulagé
Le président du Conseil de la FEPS Gottfried Locher n’a pas caché pas son soulagement. «C’était la journée de l’année! Le Conseil a beaucoup travaillé, car nous ne voulions pas blesser, mais essayer d’être le plus clairs possible», lâche-t-il.
Des blessés, il pourrait pourtant peut-être y en avoir du côté des perdants. «On blesse aussi si on ne dit rien. Il faut donc choisir les groupes que l’on blessera ou non.» Pour le président, il était temps de prendre une position politique et théologique sur le sujet: «Lorsqu’il s’agit de questions existentielles, il faut avoir le courage de prendre position». Le vote clos, «il faut poursuivre le débat avec les personnes qui ne sont pas d’accord avec la position adoptée, ils font partie de notre Église. Il faut respecter le principe démocratique et la liberté de conscience des pasteurs», affirme-t-il.
Gottfried Locher n’exclut pas non plus que certaines personnes changent d’avis. «Je l’ai fait moi-même il y a plusieurs années. Je n’avais rien contre les homosexuels, je liais le mariage à la procréation. Mes enfants n’étaient absolument pas d’accord avec moi. Je me suis dit que si pour la prochaine génération les choses étaient claires, il fallait parler sa langue.»
Et aussi
L’Assemblée des délégués des 4 et 5 novembre à Berne était la dernière de la FEPS. Dès le 1er janvier, elle devient l’Église réformée de Suisse (EERS) et c’est un Synode national qui deviendra l’organe délibérant. Durant la session, les délégués se sont notamment penchés sur le budget 2020. Ils ont refusé les 259'000 francs alloués au nouveau site internet de l’EERS, déplorant un manque d’information sur le projet. L’Assemblée a accepté la proposition de l’Église de Bâle-Ville demandant une réduction de sa cotisation de 16'000 fr. Au final, le budget 2020 a été approuvé avec un excédent de charge de près de 7000 fr et des cotisations d’environ 6 millions de fr. Les délégués ont également discuté de la motion «Mandat de collecte de Pain pour le prochain pour les œuvres protestantes» de l’Église de Saint-Gall qui demandait au Conseil de la FEPS de clarifier la coopération entre les organisations d’entraide et de renégocier la clé de répartition des dons. Le Conseil a présenté cinq propositions et les délégués ont demandé au Conseil de les discuter avec les Églises cantonales.