Qui aidera qui ?

i
[pas de légende]

Qui aidera qui ?

Philippe Nicolet
1 décembre 2024
Les chrétien·nes invité-es à collaborer avec Dieu face l’obscurité qui menace sans cesse le monde ? Un billet de Philippe Nicolet, pasteur retraité, paru dans le Journal du Jura, le samedi 30 novembre.

La période de l’Avent, ces quatre semaines qui précèdent Noël, est souvent célébrée dans l’Église comme un temps d’attente. C’est ainsi qu’à travers les paroles de nombreux cantiques, les croyants sont invités à se préparer à l’avènement du Seigneur qui viendra au secours du monde et qui dissipera l’obscurité qui menace de l’engloutir.

Mais, face cette invitation qui se répète d’année en année, alors que jamais rien ne change et que les ténèbres jamais ne reculent, n’est-il pas légitime d’éprouver parfois, et aujourd’hui peut-être plus qu’hier encore, une certaine lassitude ? Quand des crimes contre l’humanité sont commis impunément, quand des conflits meurtriers s’intensifient et font, jour après jour, d’innombrables victimes, n’est-il pas permis de penser, par moments, que l’attente tant chantée au temps de l’Avent est vide de sens ?

Etty Hillesum, une jeune femme juive qui mourra à Auschwitz, le 30 novembre 1943, à vingt-neuf ans, a refusé de céder à un tel accablement face aux persécutions qui frappaient plus particulièrement encore les siens. Dans le Journal qu’elle a laissé, elle s’adresse ainsi à Dieu : « Il apparait de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon cœur que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous. » Etty Hillesum rejoint ici étrangement, et probablement sans même le savoir, une conviction, formulée un siècle avant elle, par le penseur danois, Søren Kierkegaard qui, dans sa thèse de doctorat, écrivait ceci : « Le chrétien, en effet, a conscience de lui-même comme ayant réalité devant Dieu. Aussi bien vient-il à son secours et devient-il en quelque sorte son collaborateur en accomplissant la bonne œuvre que Dieu a lui-même commencée. »

Pour Etty Hillesum, croire en Dieu, ce n’est pas attendre que Dieu vienne à notre aide et ouvre enfin devant nous les portes de ses demeures célestes mais c’est tout mettre en œuvre, ici-bas, pour que la présence de Dieu ne s’éteigne pas dans le cœur des humains. Croire, c’est ne pas se résigner à la puissance dévastatrice du mal ; c’est résister à la séduction de la haine, quand bien même, comme elle l’écrit encore, « celle-ci est la voie la plus facile, la plus rabattue.