Hommage à un visionnaire

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Hommage à un visionnaire

Janique Perrin
30 juin 2024
L’espérance et la question environnementale et ont été des préoccupations centrales de Jürgen Moltmann. Un billet de la théologienne Janique Perrin, responsable de la formation des Églises réformées Berne-Jura-Soleure, paru dans le Journal du Jura, le samedi 29 juin.

Le 3 juin dernier la théologie a perdu un grand témoin : Jürgen Moltmann a tiré sa révérence. Avec lui s’arrête une réflexion mise en action à la fin de la Deuxième guerre mondiale. Moltmann n’a pas vingt ans, il a été enrôlé dans l’armée allemande et il est fait prisonnier par les alliés. Il passera trois ans dans différents camps et quand il est libéré au début de 1948, la carrière de mathématicien qu’il avait imaginée appartient au passé. Moltmann entame des études de théologie.

Espérance, croix et création. Malgré les apparences, ces trois mots n’ont pas qu’une portée théologique dans la pensée de Moltmann. Ils s’articulent à un engagement personnel et à un appel à la mise en œuvre au niveau œcuménique, social et politique.

Le moteur de sa théologie, ce qui va le faire connaître bien au-delà des frontières académiques, c’est Théologie de l’espérance, un ouvrage paru en 1964 qui repense l’articulation entre l’histoire et la promesse, entre la révélation et l’avenir. Un livre qui interprète la venue de Jésus Christ comme l’irruption d’une nouveauté radicale et toujours vivante. Dans une certaine mesure, l’ouvrage pose les bases théoriques de la théologie de la libération.

L’espérance fait débat, elle interpelle d’autres disciplines, d’autres chercheurs, d’autres théologiennes. Et Moltmann doit approfondir sa compréhension du Christ. Le Dieu crucifié, paru en 1972, bouleverse à nouveau le paysage et revisite la théologie de la croix. L’ouvrage a un véritable souffle, Moltmann devient en quelques années un théologien lu et respecté dans le monde entier.

Parmi toutes les thématiques auxquelles il s’est intéressé figure aussi la création. Une création comprise comme un don de Dieu dont l’humain doit prendre soin. Moltmann n’a eu de cesse d’alerter les chrétiennes et les chrétiens sur la question environnementale, et ce déjà à une époque où le sujet ne mobilisait pas grand monde.

La théologie de Jürgen Moltmann s’ancre dans la complexité du présent. Elle traduit l’énergie et l’amour de la vie d’un homme tourmenté par le nazisme mais confiant malgré tout. Au début de Théologie de l’espérance, on lit ainsi : « Il n’y a qu’un seul problème réel en théologie chrétienne (…), c’est le problème de l’avenir ».