Assises et ... encore debouts ?

Tenir bon et entrer avec d'autres dans une résistance spirituelle / Tenir bon et entrer avec d'autres dans une résistance spirituelle
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Tenir bon et entrer avec d'autres dans une résistance spirituelle
Tenir bon et entrer avec d'autres dans une résistance spirituelle

Assises et ... encore debouts ?

Par Pierre Farron
15 novembre 2022

Samedi 12 novembre dernier, les Assises des employés de l'EERV rassemblaient une quarantaine de personnes à Villamont, ministres et laïcs salariés de notre Eglise. A la quasi-unanimité, les personnes présentes se sont prononcées en faveur de la dissolution de leurs associations professionnelles respectives. Leurs comités ont, en effet, travaillé jusqu'au bout de leurs forces sans pouvoir trouver la relève dont ils avaient besoin.

L'objectif des Assises  était de remplacer ces deux associations par une seule, centrée sur la CCT de l'Eglise. Cette association n'aura pas de projet spirituel car cela ne conviendrait pas aux personnes qui travaillent dans les services administratifs de l'Eglise : leurs orientations spirituelles sont diverses et pas nécessairement chrétiennes. Dans cette nouvelle association, seuls des groupes composés de volontaires pourraient, à l'occasion, travailler à des questions spirituelles.

Pour les ministres, c'est un tournant dont bien peu semblent mesurer l'ampleur. Jusqu'en 2000, dans le canton de Vaud, comme partout dans les Eglises réformées de Suisse et de France, les ministres étaient tous membres d'une association dont les buts étaient communs comme, par exemple dans la Ministérielle  vaudoise : " promouvoir l’esprit de collaboration entre diacres et pasteurs, ainsi qu’avec les laïcs en charge d’un ministère (...), étudier les problèmes de l'Eglise et de son témoignage dans le monde actuel ".

Sur les dix buts mentionnés dans les statuts  [1] de la Ministérielle, un seul subsistera dans la nouvelle association, celui relatif à la CCT. 

Ce qui est mis à mal aujourd'hui, c'est la dimension collective du ministère, liée à la mission de l'Eglise, définie dans ses Principes constitutifs [2] :

(L'EERV) reçoit du Christ la mission de témoigner de l’Evangile en paroles et en actes. Elle accomplit cette mission dans le canton de Vaud, auprès de tous et sans discrimination.

Témoigner de l'Evangile nécessite l'appui de personnes qui ont accès à la Bible dans ses langues d'origine, l'hébreu et le grec. Historiquement, c'était le sens premier du ministère pastoral que de fournir cet appui, étant entendu qu'il ne constitue qu'une étape : il reste toujours ensuite à interpréter la Bible, ce qui est l'affaire de tous.

Dans un monde qui se complexifie, le ministère des diacres aurait pu contribuer à mettre en lien ce travail théologique, pour lequel leur formation est moins poussée, avec une présence dans des milieux sociaux divers, souvent difficiles d'accès pour des pasteurs. Mais les diacres ont été le plus souvent utilisés pour faire les mêmes tâches que les pasteures et pasteurs, sans en avoir ni la formation ni le salaire. Pour l'Eglise, leur ministère garde des contours flous malgré les nombreux débats qu'il a suscités.

De son côté, le ministère pastoral a été largement vidé de son sens historique. De plus, il a été fragilisé depuis EAV, tout comme celui des diacres, par une dérive technocratique qui tend à faire des ministres des prestataires de service, des personnes dont le travail est défini par une liste de tâches à effectuer plutôt que par une mission au service du témoignage de l'Eglise dans notre canton.

En fait, aussi bien dans l'Eglise que dans les récentes Assises, la référence à la Bible, centrale à la Réforme - sola scriptura [3]-  est la grande absente des débats actuels. Faudra-t-il qu'elle se rappelle, un jour, à notre bon souvenir quand nous découvrirons le sort réservé au sel qui a perdu sa saveur [4] ? En attendant, la Bible peut nous offrir bien mieux que ce terrible avertissement : un appui de première importance, irremplaçable.

Dans un brouillard qui s'épaissit, il s'agit aujourd'hui, pour les ministres, de tenir bon et d'entrer dans une résistance spirituelle. De vivre régulièrement des temps de partage avec d'autres, des temps de ressourcements qui donnent une place de choix à la lecture, l'interprétation et l'approfondisse-ment des Ecritures.

Avec le soutien du Souffle de Dieu, les ministres - femmes et hommes - pourront ainsi recevoir, d'abord pour eux-mêmes, une Bonne Nouvelle à partager, une Lumière pour éclairer leurs chemins et rester debout.

Pierre Farron, pasteur et théologien

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[1] Voir https://www.pfarrverein.ch/se/vd/vd-statuts

[2] Voir https://www.eerv.ch/accueil/qui-nous-sommes/nos-principes-constitutifs

[3] " L'Ecriture seule ". L'Ecriture, qui nécessite un travail d'interprétation, est la seule Source de la Vérité.

[4] Mt, 5, 13