Les députés et membres des conseils municipaux genevois privés de signes religieux ostentatoires

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Les députés et membres des conseils municipaux genevois privés de signes religieux ostentatoires

Joël Burri
26 mars 2018
Le Grand Conseil genevois a commencé vendredi le débat article par article du projet de loi sur la laïcité tel que modifié par la Commission des droits de l’homme. Près de quatre heures de débats consacrés aux cinq premiers articles de la loi qui en compte 15. La collecte de la contribution religieuse volontaire par les services de l’État passe une première épreuve.

Photo: Une girouette portant les couleurs genevoises au sommet de la tour sud de la cathédrale Saint-Pierre

«Le temps que nous traitions un amendement, il y en a déjà deux qui sont déposés», s’est désespéré un député vendredi soir au Grand Conseil genevois. Après un long débat d’entrée en matière, les députés ont entamé le débat article par article du projet de loi sur la laïcité qui a pour but de régir les liens entre l’État et les communautés religieuses. Un tiers du texte a été débattu avant que la séance ne soit levée. Cette deuxième lecture reprendra lors d’une prochaine session ordinaire ou extraordinaire si suffisamment de députés en font la demande. Une troisième lecture sera nécessaire avant que la loi puisse être adoptée.

Extension aux députés de l’interdiction de porter des signes religieux

Les membres du Grand Conseil (législatif cantonal) et des Conseils communaux (délibérants communaux) n’auront plus le droit de porter de signes religieux ostentatoires. Telle est la principale différence apportée pour le moment par les députés au texte proposé par la Commission des droits de l’homme, par 53 voix favorables, 34 opposées et deux abstentions. Une décision particulièrement émotionnelle puisque deux conseillères communales, toutes deux vertes, portent le voile dans le canton.

Dans le projet présenté, seuls les membres des exécutifs étaient frappés par cette interdiction. Une solution que plusieurs députés ont défendue: «la laïcité est celle de l’État et de ceux qui le représentent. Est-ce que les députés représentent l’État? Non, ils représentent la population! D’ailleurs, les citoyens savent ce qu’ils font lorsqu’ils votent pour une personne qui porte le voile sur une affiche électorale», a tonné le socialiste Cyril Mizrahi. Abondant dans son sens, le vert Yves de Matteis a expliqué : «C’est pour cela que l’on demande aux Conseillers d’État de parler le plus souvent d’une seule voix!»

«Nous ne sommes pas ici sous le drapeau d’une religion», a rétorqué le PLR Jean Romain. «Le seul drapeau sous lequel nous acceptons d’être, c’est celui de la République!» Calculant que l’ont peut-être élu au Grand Conseil avec environ 7% des voix, une députée a affirmé: «je pense que la majorité de la population n’est pas favorable à ce que les députés portent des signes religieux ostentatoires!»

«On voit bien que cette mesure vise l’islam en particulier, puisque l’on va tolérer les croix», a pointé Cyril Mizrahi qui a demandé: «Va-t-on rédiger une casuistique pour connaître la taille des croix autorisées?» Jocelyne Haller, d’Ensemble à gauche a dénoncé: «Celles que nous visons, ce sont les femmes. Elles n’auront plus la possibilité d’être représentées!» Pragmatique, la verte Émilie Flamand-Lew a rappelé qu’il y a déjà des femmes voilées qui siègent. «Cela ne pose problème à personne! Si on le leur interdit, elles vont faire recours et gagneront. Et nous serons ridicules. Ce sera une Genferei de plus!» Quant à Sophie Forster Carbonnier elle s’est inquiétée de l’image négative que cela pourrait avoir pour la Genève internationale. «Il y a dans notre canton des femmes qui siègent voilées dans des instances internationales, voulez-vous qu’elles se sentent exclues à Genève?»

À noter que l’interdiction de référence religieuse touche l’habillement, mais pas les propos tenus par les députés. «Il est important que nous puissions avoir ici dans nos débats une parole libre et que nous puissions nous appuyer sur nos valeurs», a plaidé une députée.

Première épreuve pour la contribution religieuse volontaire

Dans le texte de la commission, la contribution religieuse volontaire est supprimée au bout de dix ou vingt ans, pour laisser le temps aux Églises bénéficiaires d’adapter le mode de financement. Mais un amendement de Magali Orsini (Ensemble à gauche) et de Pierre Gauthier (hors parti) proposaient de la faire disparaître dès l’entrée en vigueur de la loi en biffant l’article 5 du projet de loi qui fixe les modalités de cette récolte de fonds organisée par les services de l’État. Les Églises bénéficiaires ont fait savoir avant les débats qu’elles tenaient à préserver ce système et qu’elles étaient favorables à ce qu’il soit étendu à d’autres religions.

Cette première attaque contre la contribution religieuse a été écartée par 64 voix, contre 18 et 2 abstentions. L’heure avançant, le débat a été stoppé alors que d’autres demandes sur ce même article sont encore pendantes. Quant à la question de l’extinction de la contribution religieuse après 10 ou 20 ans, elle ne sera débattue qu’en fin de discussion lorsque l’avant-dernier article sera débattu.

«Ce sont les mêmes partis qui défendent les avantages acquis par les salariés et les ouvriers qui voudraient d’un trait de plume supprimer les avantages des collectivités religieuses», a ironisé le député PLR Pierre Conne. «Nous ne partons pas d’une page blanche, nous travaillons dans une réalité sociale existante», a-t-il rappelé défendant la nécessité de laisser du temps aux Églises en cas de changement de modèle de financement.

Favorable à un maintien de la contribution, Patrick Lussi a déclaré: «Nous devons reconnaître que les Églises répondent à un besoin des gens, même ceux qui ne sont pas tous les dimanches au temple!» Alors que pour Cyril Mizrahi, le système se justifiait historiquement «à une époque où les systèmes de payement n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui.» Il convient, selon lui de le supprimer, car «on joue sur l’ambiguïté que cette contribution a quelque chose d’obligatoire. Qu’il s’agit au moins d’une obligation morale!»