L’administration Trump supprime l’obligation de rembourser les contraceptifs

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L’administration Trump supprime l’obligation de rembourser les contraceptifs

Jayne O'Donnell
17 octobre 2017
Alors que seules les organisations religieuses américaines pouvaient refuser de prendre en charge les moyens de contraception de leurs employés au travers de leur couverture sociale, toutes les entreprises commerciales ont désormais cette possibilité

Photo: Des partisans d’organisations religieuses devant la Cour Suprême en mars 2016 © RNS/ USA Today/Richard Wolf

(USA Today/RNS/Protestinter)

L'administration Trump a élargi l'exemption religieuse de fournir une assurance pour certaines méthodes de contraception à toutes les entreprises commerciales qui peuvent se prévaloir d’objections morales, selon un décret de vendredi 6 octobre. La loi sur la protection des patients et les soins abordables (Patient protection and affordable care Act), surnommée «Obamacare», exigeait que tous les employeurs – sauf certaines institutions religieuses – contractent des assurances qui couvrent les frais de contraception de leurs employés. Depuis son instauration en 2010, cette disposition a été au centre de plusieurs procès.

Le nouveau décret permet désormais à tout employeur ou assureur de cesser de couvrir les frais de contraception s'ils ont des convictions religieuses ou morales qui s’y opposent. Ce sera donc aux Etats de déterminer comment leurs entreprises devront se positionner. Selon des responsables de la santé et des services sociaux, seulement une petite fraction des femmes qui utilisent des moyens contraceptifs payés par leurs entreprises seront affectées, car les grands groupes, y compris Pepsi et Exxon, ont des programmes antérieurs qui vont être maintenus. De plus, certains groupes religieux étaient déjà exemptés de cette loi et ne fournissaient pas cette couverture. Face aux questions des journalistes, ils ont souhaité rester anonymes.

Un mépris des droits des femmes

Le Centre national de droit des femmes a immédiatement promis de poursuivre l'administration Trump pour bloquer ce règlement. Sa directrice, Fatima Goss Graves, a déclaré que ces nouvelles règles faisaient preuve d’un «mépris impitoyable pour les droits, la santé et l'autonomie des femmes».

En 2014, la Cour suprême avait déjà décidé que la Loi sur les soins abordables (ACA) ne pouvait pas obliger les employeurs à offrir une couverture des méthodes de contraception, s'ils l’assimilaient à l'avortement. La décision s'appliquait uniquement aux sociétés privées telles que les entreprises familiales - y compris le détaillant Hobby Lobby - qui contestaient la loi. Les femmes travaillant pour ces entreprises pouvaient obtenir des pilules du lendemain et des stérilets auprès du gouvernement ou d’assureurs privés.

Les opposants à cette nouvelle mesure, y compris le directeur et médecin Georges Benjamin de l'Association américaine de santé publique (American public health association), ont souligné que c’était une façon pour le Département de la santé et des services aux personnes d’accomplir ce qu'il n'avait pas pu faire au Congrès en dépit des tentatives répétées d'abrogation et de remplacement de l'ACA.

Un moyen détourné

C'est un moyen détourné pour l'administration Trump d'éliminer le mandat de couverture des contrôles des naissances de l'ACA, a déclaré Haywood Brown le président de l’Organisation américaine d’obstétrique et de gynécologie (American college of obstetrics and gynaecology ACOG). Le groupe a également précisé que la contraception réduisait la mortalité maternelle et améliorait la santé et la stabilité économique des familles et des communautés.

De leur côté, les opposants à l’ACA ont cherché à se débarrasser des soi-disant «avantages essentiels pour la santé» que la loi exige pour toutes les assurances, y compris le contrôle des naissances. Haywood Brown s’est associé à un appel du planning familial, Planned Parenthood, contre le changement de règle.

«Tout mouvement visant à diminuer l'accès [à la contraception] aura des effets néfastes sur la santé publique», a déclaré l’obstétricien et gynécologue Hal Lawrence, directeur général de l'ACOG. Il a par ailleurs souligné que les naissances prématurées étaient plus fréquentes quand les bébés n’étaient pas planifiés. L'organisation dénonce un «profond mépris pour la santé des femmes». De plus, cette mesure pourrait également engendrer un coûteux changement. Pour chaque dollar dépensé dans la contraception, l'ACOG estime que sept dollars sont consacrés aux autres coûts des soins de santé associés aux grossesses non désirées.

Des difficultés financières

Bien que les prix des contraceptifs ne rivalisent pas avec les coûts de certains médicaments sur ordonnance, une étude réalisée par Hart Research en 2010 a montré qu’une femme sur trois luttait réellement pour se payer un contraceptif sur ordonnance et que 57% des femmes âgées entre 18 à 34 ans avaient des difficultés à les payer. Selon la Fondation de la famille Kaiser (Kaiser family foundation), le pourcentage de personnes qui doivent payer leurs frais de contraception est passé de plus de 20% avant l'ACA à 4% après son entrée en vigueur.

Pourtant, les groupes conservateurs qui se sont battus au tribunal contre l'administration Obama par rapport à la question de la contraception ont applaudi ce nouveau décret. Ces partisans ont déclaré que les femmes qui cherchaient à contrôler leur fécondité pourraient toujours acheter des polices d’assurance supplémentaire et distincte de celles de leurs employeurs. Ils ont estimé que moins de 200’000 femmes seraient concernées.

Par contre, le Centre américain pour le progrès (CAP) pense que ce décret ouvre la porte à «presque tout employeur privé refusant de couvrir le contrôle des naissances». Parmi les entreprises qui ont déposé des demandes pour arrêter de financer la contraception, 53% étaient des compagnies à but lucratif, a signalé le CAP au mois d’août. Le groupe a obtenu ces informations à la Loi d’accès à l’information (Freedom of information Act FOIA). «Les données ne sont qu'une petite part de ceux qui cherchent le droit de refuser la couverture, mais elles démontrent que ce débat ne porte pas uniquement sur les organisations confessionnelles», a déclaré Devon Kearns, du CAP. «Un changement de la règle permettra à encore plus de sociétés à but lucratif de rendre l’accès à la contraception difficile».