Préparer sa confirmation via WhatsApp
Photo: CC (by-sa) visual07
(EPD/Protestinter)
Francfort-sur-le-Main – Torsten Heinrich est presque constamment sur les routes. Ce pasteur protestant trouve sa communauté dans toute l’Allemagne: foires, fêtes populaires, cirques, théâtres de marionnettes… C’est là qu’il célèbre baptêmes, confirmations et mariages, et c’est là qu’il est toujours prêt à engager la discussion. Cet homme de 55 ans, originaire de Liepzig, dirige «l’aumônerie protestante pour les circassiens et les forains».
«Je sillonne le pays environ 200 jours par an, avec un total de 60’000 kilomètres à mon actif», déclare-t-il. Sur le papier, sa communauté compte environ 23’000 fidèles, mais au quotidien, le fait que ses interlocuteurs soient ou non protestants n’a finalement aucune importance. Aujourd’hui, avec l’arrivée de l’automne, les fêtes populaires s’enchaînent les unes après les autres. La dernière: la Fête de la bière de Munich où, avec ses homologues catholiques, il a procédé sous un chapiteau au traditionnel service religieux. Il enchaîne à présent avec un culte en auto tamponneuse à Neustadt, en Hesse.
Cet homme en chapeau noir qui traverse la partie historique de la «Pützchens Markt», la grande foire de Bonn, se reconnaît à un signe distinctif: il vérifie régulièrement son smartphone. C’est là que sont répertoriées toutes les coordonnées des membres de sa communauté. En passant, Torsten Heinrich s’extasie devant les carrousels et les stands de barbe à papa aux couleurs éclatantes. Une poignée de main avec un forain déjà rencontré dans d’autres types de fêtes, puis un coup d’œil presque enfantin en direction des autos tamponneuses… Mais il faut d’abord se rendre à la billetterie pour saluer la directrice, Astrid Müller.
Un baptistère portatif«L’autre jour, tout de suite après la fête, le père Heinrich a baptisé un enfant. C’était vraiment émouvant», explique-t-elle tout en lançant les petits véhicules électroniques dans un nouveau tour. «Nous aussi avons besoin de la bénédiction divine.» Torsten Heinrich sourit. Pour pouvoir procéder aux baptêmes, il voyage avec un baptistère portatif démontable. «Je baptise aussi sous les chapiteaux et dans les théâtres de marionnettes.» Il est présent pour tous les actes religieux, dans toutes les foires de la république: une information sur les réseaux sociaux ou bien directement sur place, et le rendez-vous est pris.
Sportif, il nous raconte avoir été champion de gymnastique artistique en RDA. A l’âge de 15 ans, il a été brusquement «mis au placard» pour raisons politiques et écarté de l’équipe: une enquête du parti socialiste unifié (PSU) avait remarqué qu’il avait des parents lointains dans le bassin de la Ruhr. Mais d’un point de vue personnel, ce changement a été positif pour lui. «Un tout autre monde m’a alors accueilli: celui de l’Eglise protestante. J’y ai trouvé de nouveaux amis et un nouveau soutien. C’est là que j’ai découvert le plaisir de penser et de jouer de la guitare.»
Torsten Heinrich a été pasteur au sein d’une paroisse pendant 20 ans et s’est occupé de la jeunesse pour la ville de Liepzig pendant six ans. Puis, en 2015, il a encore une fois pris un nouveau départ: pasteur en charge des forains et des circassiens. «L’idée m’a beaucoup excité: adopter une vie de bohème, être mobile, authentique et toujours prêt au dialogue.»
5’000 entreprises de forainsFrank Hakelberg, directeur de la Fédération des forains allemands, connaît bien l’importance du travail des ministres protestants et catholiques: «Pour nos 5’000 entreprises, dont dépendent de larges communautés familiales et beaucoup de travailleurs saisonniers, il est essentiel de bénéficier d’un soutien spirituel.» Face à la forte concurrence dans le secteur des loisirs, les forains d’aujourd’hui doivent rester extrêmement flexibles. «Bien sûr, on connaît la détresse, l’angoisse, la maladie et la perte. Et les pasteurs comprennent bien tout ça.»
De retour à Bonn, tandis que le père Heinrich s’en va d’un air joyeux faire un tour d’auto tamponneuse, la foraine Astrid Müller nous exprime les choses dans ces termes: elle n’a pas le numéro «du Seigneur qui vit là-haut dans les cieux». «Alors à qui pourrais-je confier mes problèmes, à part au pasteur qui vient nous rendre visite?»Torsten Heinrich a installé sa base au centre du territoire allemand, à Witzenhausen, dans le nord de la Hesse. Les personnes qu’il vient voir se préoccupent tout particulièrement de l’éducation de leurs enfants, raconte-t-il.
«J’entends souvent des parents dire: “Est-ce que je ne leur en demande pas trop en les faisant constamment changer d’école?”». Il conçoit alors des solutions individualisées avec les familles: par exemple, l’Eglise protestantes allemande dirige deux écoles de cirque itinérantes. Les grands-parents aussi peuvent prendre le relais. De manière globale, M. Heinrich constate au sein de cette communauté disséminée une très grande cohésion des familles, qu’il évoque avec le plus grand respect. Les jeunes sont bien élevés et apprennent très tôt à endosser des responsabilités.
Le pasteur raconte aussi bien des enterrements pleins de dignité devant une assistance de 300 personnes que de très vivants cours de préparation à la confirmation via Whatsapp, par exemple avec Romi et Andi, un frère et une sœur débordants d’envie de recevoir ses enseignements sur la foi. Leur souvenir lui fait briller les yeux. Pour le ministre, ce monde de montagnes russes, de marionnettes et de clowns est aussi devenu le sein. Pendant l’été, il s’est marié: l’union de Torsten Heinrich et de Kerstin Krause, une collègue de paroisse de la Hesse, a été célébrée pendant l’Exposition universelle de la Réforme qui se tenait à Wittenberg. Elle s’est déroulée, pour ainsi dire, entre ciel et terre: dans la nacelle d’une grande roue, à 30 mètres au-dessus du sol.